ANDREA BIRD - king of my own lands

"creatures of my dreams, raise up & dance with me"
((atmosphère))

Charlie

Il avait 6 ans quand il l'avait vue pour la première fois. Elle emménageait au coin de la rue. Elle semblait perdue, et légèrement triste. Elle s'était assise sur la balançoire du petit parc du quartier. Seule. Et elle tenait dans sa main une peluche défraichie, mais qu'elle semblait incapable de lâcher. Il l'avait longuement observée avant d'oser l'approcher. " Salut... " Elle avait à peine relevé la tête, mais il avait perçu sa surprise. Il s'était assis à côté d'elle, et pendant de longues minutes ils étaient restés là, en silence, tandis que sa famille déchargeait le camion dans leur nouvelle maison. " Je m'appelle Andrea, " qu'il s'était finalement présenté. Il avait pensé qu'elle ne lui répondrait pas, quand enfin elle avait ouvert la bouche. " Charlie, " et il se rappelait s'être dit que c'était joli, et que ça lui allait bien. Plus tard, il dirait à sa mère qu'elle avait des cheveux noirs comme les corbeaux, et des yeux chocolats comme celui qu'il adorait. Le lendemain, elle serait toujours assise sur cette balançoire, et ils se laisseraient encore bercer par le silence. Les jours suivants ne seraient pas différents. Chaque jour, il la retrouverait au même endroit. Il obtiendrait un premier sourire. Il obtiendrait un premier rire. Il obtiendrait ses premières confidences. Il écouterait ses états d'âme, comme ses rêves et ses espoirs. Il deviendrait son confident, quand elle deviendrait la sienne. Ils se retrouveraient dans la même classe quasiment toute leur scolarité. Ils seraient indissociables au collègue, comme au lycée. Ils se considèreraient comme des frères et sœurs, quand d'autres les penseraient amoureux et ensemble. Ils feraient partie de la même bande de potes, avec qui ils feraient les 400 coups.

Elle lui apporterait le calme dont il avait parfois besoin - la malédiction de vivre et grandir dans une famille nombreuse et bruyante. Il lui apporterait l'équilibre nécessaire pour l'empêcher de s'effondrer - la malédiction de vivre et grandir dans une famille dysfonctionnelle et instable.

Ils deviendraient le TOUT de l'autre.

La rencontre du Feu

" Andrea, lève-toi ! Lève-toi ! " qu'il entend hurler au loin, perdu dans les bras de Morphée. Quand il dort, un immeuble peut s'écrouler qu'il ne se réveillerait pas. Il périrait à coup sûr. Peut-être sont-ce les cris de ses frères qui font effet. Ou peut-être qu'il sent l'odeur de la fumée. Ou peut-être encore la chaleur extrême qui le ferait presque suffoquer. Dans tous les cas, quand il ouvre enfin les yeux, c'est le chaos qui l'accueille. Sa famille qui court dans tous les sens. Sa famille qui crie et qui pleure. Puis, ça explose tout près. Trop près. " SORTEZ ! " qu'il entend son père hurler avant de briser la fenêtre. " Allez, on se dépêche ! Gia, tiens la main de ta sœur et sortez ! Lando, aide tes frères à descendre ! " et il continue de donner ses instructions pendant ce qui semble une éternité, alors qu'on lui assurera plus tard que le tout n'a duré qu'une dizaine de minutes - tout au plus. " Andrea ! " et il se souviendra TOUTE SA VIE, il en est persuadé, de la frayeur qu'il perçoit dans le cri de sa mère. Mais il sort tout de même de la chambre pour rejoindre les pleurs de Yoda. Il ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe, mais il comprend que c'est dangereux. Et loin d'avoir peur, il se sent comme électrisé, comme fasciné, comme aspiré. Et il est hors de question qu'il abandonne son chien. " Yoda ! Viens, viens, aux pieds, " qu'il hurle par-dessus le bruit incessant du feu qui prend de l'ampleur dans leur maison. Le bois qui craque. Le verre qui éclate. C'est aussi bruyant que la famille Bird, et ce n'est pas peu dire. Au moment où le labrador saute dans ses bras, son père les attrape à son tour avant de courir comme si leurs vies en dépendaient.

Et elles en dépendaient vraiment.

" Le feu a été maîtrisé, Mr et Mme BIRD. Il va y avoir une enquête, mais à première vue c'est un problème électrique classique... " Il n'entend pas vraiment les explications de ces hommes en uniforme. Il caresse Yoda, tout en observant les pompiers à l'action. Le camion. Les jets d'eau qui sont arrivés à bout des flammes. La suie et la sueur qui parsèment leurs peaux. Ses frères et soeurs pleurent, ou paraissent tristes et dévastés. Sa mère se lamente dans sa langue natale, serrant ses enfants contre elle. Son père a les traits durs, mais là où sa femme perd son sang-froid, il est l'image même du calme. Cet épisode sera le plus marquant pour la famille - chacun pour des raisons différentes. Pour Andrea, cet évènement lui révèle sa vocation. Il combattra le feu, lui aussi.

Houston x Austin

" Ci abbandoni, figlio mio, "  qu'elle dramatise comme elle sait si bien le faire. Andrea lui adresse un sourire, aussi tendre qu'amusé. Sa mère est la meilleure des mères - vraiment ! - mais elle a un don particulier : elle exagère absolument TOUT. De son amour pour eux à son exaspération d'eux. " Ricominci da capo, Mamma, " qu'il la prévient gentiment avant de la prendre dans ses bras. Elle souffle, elle soupire, elle râle dans sa barbe - ou plutôt contre son t-shirt - avant de le relâcher, de renifler et de se remettre aux fourneaux. Les pizzas ne vont pas se faire toutes seules, qu'elle dit. Les adieux, très peu pour les Bird. On se dit "à plus tard", "à ce soir", "à bientôt", "ciao", mais jamais "à je ne sais pas quand". Andrea est le premier à partir loin pour ses études - le premier à avoir un rêve qui nécessite son départ - et ça, ils ne le gèrent pas tous bien. Il a beau le répéter : je reviendrais aux vacances, vous pourrez venir me voir quand vous voulez, je ne suis pas SI loin - merde, il a choisi de rester au Texas quand même ! Mais rien n'y change : il quitte Clifton, et donc il quitte sa famille. " Elle ne va plus rien avoir à se mettre sous la dent, tu comprends rien, mio fratello, " que lui lance Lando d'une voix légèrement moqueuse. Parce qu'en plus d'être une Drama Queen, leur mère n'aimait rien de plus - excepté ses enfants - que de se mêler de la vie de ses enfants. Et des autres en général. Sa remarque lui vaut une tape sur la tête, provoquant des gloussements dans la fratrie. " Et en parlant de se mettre quelque chose sous la dent, Charlie et toi vous êtes dit au revoir sous les étoiles... ? " qu'il demande d'un air explicite. Le son d'une seconde claque provoque son sourire satisfait, et clot un sujet bien trop compliqué.

Il a tenu sa promesse. Il est revenu pendant quasiment toutes les vacances, profiter de sa famille et de ses amis. Profiter d'Elle. Il les a accueillis dans son appartement - partagé avec deux autres futurs pompiers - et leur a fait visiter Houston. Il les a appelés quasiment chaque jour pendant toute la période de ses études et de sa formation - même quand il était trop crevé pour parler, ou même ne serait-ce que garder les yeux ouverts. Il a promi qu'un jour il reviendrait à Clifton, il rejoindrait cette équipe de choc qui lui avait donné l'envie de devenir pompier. Mais il a choisi de continuer son service à Houston. Puis, il a été muté à Austin. Il s'est persuadé de faire les meilleurs choix, pour Lui. Il avait de nouveaux amis. Il avait ses repères. Il avait ses habitudes. Et ils avaient besoin de lui. " Mais ici aussi, Andrea, on a besoin de toi. Même plus encore que tout le Texas ! "  Un jour. Peut-être qu'un jour, il rentrerait. Peut-être un jour, il serait prêt.

Back Home

" Est-ce que t'as peur ? Quand tu entres dans une maison en feu... " ajoute-t-il d'une voix basse. Comme s'il avait honte de ressentir cette peur. Ca fait plus de dix ans qu'il est pompier. Plus de dix ans qu'il fait le métier de ses rêves. Plus de dix ans qu'il sauve des vies. Qu'il en perd aussi. Plus de dix ans de sa vie. On pourrait croire en effet, que la peur s'est envolée depuis. Qu'il a pris l'habitude. Qu'il sait ce qu'il fait. Qu'il est excellent dans son travail. Et c'est le cas. " J'ai toujours peur, " qu'il lui confie. Il se rappelle ses premières missions. Il se rappelle ses débuts. Il se rappelle cette adrénaline. Cette fascination. Cette palpitation, dans la poitrine. Intense. Addictive. Effrayante. La réponse ne semble pas rassurer le jeune homme. " C'est une bonne chose, d'avoir peur, Eddy. Quand t'as peur, tu es vigilant. Attentif. Concentré. C'est quand elle disparait, ta peur, qu'il faut t'inquiéter, " et cette fois, Eddy hoche la tête avec un demi-sourire. Ils se préparent, et c'est la première fois que son apprenti va entrer dans le "vif du sujet". Un incendie plutôt risqué selon le capitaine. Non pas dans une maison, mais dans un immeuble. Si la plus grosse partie de l'immeuble a été évacuée, on leur indique qu'il y a encore des familles prisonnières des flammes. " Le dernier étage - y a deux appart' à évacuer. Tony, tu t'occupes du premier. Ils sont trois, un couple avec leur bébé. Andrea, tu gères le second. Ils sont quatre - deux femmes, et deux enfants. " Il acquiesce, et guide son équipe d'une main de maître.

Ce n'est pas sa première mission.

Mais c'est celle qui va tout changer.

La fumée est si intense qu'il est presque impossible d'y voir quelque chose dans l'appartement. Le feu crépite si fort qu'il est presque impossible de s'entendre. Il crie plus qu'il ne parle donc, quand il explique aux deux femmes - la grand-mère et la mère des deux enfants, s'il comprend bien - qu'elles vont devoir passer par la fenêtre, rejoindre son coéquipier, et affronter les hauteurs pour échapper à cet enfer. Elles pleurent, elles paniquent, mais il joue son rôle à la perfection pour les rassurer. " Peter et Lucy, s'il vous plait, je ne partirais pas sans eux, Peter et Lucy, " que la mère s'accroche à lui comme à une bouée de sauvetage. Le feu gagne du terrain, il a déjà envahi tout le 4ème étage, et même à travers tout son attirail, il sent la chaleur des flammes qui se rapprochent. Mais il ne partira pas sans Peter et Lucy. Hors de question. Il les appelle, à travers tout l'appartement. Il n'entend que le Feu. Si l'enfer existe, il en est persuadé, ça ressemble à ça. Et paradoxalement, il ne se sent vivant que lorsque ces flammes l'effleurent. Sans l'atteindre. " Peter ! Lucy ! " qu'il hurle à travers son masque. Il entend tousser à sa droite, et se laisse guider. Jusqu'à les trouver enfin. C'est Peter qui tousse, et c'est Lucy qui est à terre, inerte. Il les évalue rapidement, 12 et 10 ans, frêles et faibles. Ils ont déjà respiré trop de fumée, aussi enlève-t-il son masque pour le donner à Peter. Il lui explique comment faire, puis il prend deux secondes pour lui expliquer comment ils vont devoir procéder. Il ôte sa veste pour couvrir la petite, toujours inconsciente, avant de la porter sur son épaule. " Attrape ma ceinture, et ne la lâche sous AUCUN prétexte, " qu'il lui rappelle d'une voix ferme, dénuée de peur même si elle est là, bien présente. Ca a le don de rassurer le garçon.

Il ne sait pas dire combien de temps ça a duré. Il ne sait pas à quel moment ça a dérapé. Il ne sait pas exactement ce qu'il a loupé. Il sait juste que ça a dérapé. Il sait juste qu'il a foiré. Qu'il a failli à son devoir. Qu'il n'a pas su protéger. Il se rappelle la douleur. Lancinante. Grandissante. Ecoeurante. Il se rappelle avoir pensé que c'était "pire que ce qu'il avait pu imaginer". Il se rappelle les hurlements. Il ne les oubliera jamais.

Il est resté plus d'un mois à l'Hôpital d'Austin. Kelly, sa petite amie de l'époque, est venue le voir le premier jour. Lui a-t-on dit. Mais il ne l'a pas revue depuis. Il comprend. Il n'est plus le même Andrea. Brûlé au 3ème degré - il a eu énormément de chance. On le lui répète tous les jours. Lui, la chance, il ne la voit pas. Sa peau calcinée, meurtrie à vie et enlaidissant tout le flanc droit de son corps, du haut de sa cuisse à son cou, ne lui permet pas de voir CETTE CHANCE. Non. La seule chose qu'il voit à travers elle, c'est son échec. C'est son cauchemar. C'est la mort. La seule chose qu'il entend à travers elle, ce sont les cris de Peter entouré par les flammes, les pleurs paniqués de sa mère qui perd son fils dans d'atroces souffrances. Lucy a survécu, mais Peter a péri.

Il est rentré à Clifton. Parce qu'il n'y a rien de mieux qu'être auprès de sa famille pour se relever, n'est-ce pas ? Le soutien. Sans faille. L'amour. Sans condition. La rééducation. Longue et périlleuse. Les soins. Douloureux, et tout aussi interminables. La dépression. Inévitable et persistante. Pas à pas, le retour à la réalité. Pas à pas, le retour à la vie. Pas à pas, le retour en service.

Il ne sait pas ce que l'avenir lui réserve, ni même s'il en mérite un.
Il sait juste qu'il y a eu un avant. Et qu'il y a un après.

Bienvenue à Clifton

C'est un enfant de Clifton que la vie a marqué jusque dans son épiderme qui revient au bercail. Heureusement, une des rares familles fonctionnelles du coin lui tend déjà les bras pour l'accueillir. Sans parler de cette mystérieuse Charlie. Hâte de voir Andrea reprendre du service et courir les rues de Clifton pour vendre son calendrier - oui j'y tiens beaucoup.  

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Bon jeu.