- Broken Bad Cowboy -

It gets hard out here / I know it don't look it / I used to have heart, but the highway took it / The game was right, but the deal was crooked / Lord, I'll make it perfectly clear, it gets hard out here.

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The Gambling Man
ascension, gloire et chute de l'enfant prodige,
ou ce qu'il en aura retenu.




- You should see your face ! Just like a damn bloody bunny ! - Tu d'vrais voir ta tronche ! On dirait un foutu lapin sanglant !
Hilare, le garçon frappe du poing sur le sol dans une tentative infructueuse de ressembler à son père. Le soleil matinal vient doucement caresser les rideaux de la maison familiale, dessinant des jeux de lumières sur le lino décoloré taché de teinture d'iode. Sa sœur lui lance un regard mauvais accompagné d'un geste obscène de la main qui échappe au père, penché sur le visage ensanglanté de sa fille, un torchon à peine sec en guise de compresse pressé contre le trou qui vient de remplacer les trois dents que la petite a craché dans sa main.
- Gray !! Language !! - Gray !! Ton langage !!
Tonne l'homme d'une voix qui se veut sévère, et n'arrache à ses enfants qu'une grimace moqueuse. D'un geste expert mille fois répété, il surveille le visage de la gamine, inspectant les coupures et les égratignures, l'œil qui gonfle déjà, avalé par les paupières violacées. Aucun os cassé malgré les flaques de sang qui viennent teinter le sol de leur témoignage écarlate. Le garçon, derrière son air détaché, guette du coin de l'œil l'expression qui trahirait l'inquiétude, et souffle profondément quand il ne le trouve pas.
- Have kids they said, gonna be fun they said... You two little rascals gonna get your old man drop dead one of these days... Who would be that stupid ?! Swear to God... - Faites des gosses qu'ils disaient, ça va être chouette qu'ils disaient... Bande de petites terreurs, vous allez finir par tuer votre vieux un d'ces quatre... Qui serait à ce point stupide ?! Nom de Dieu.. L'homme se passe la main sur le visage avant de renverser une nouvelle dose iodée sur un coin de mouchoir qu'il frotte sur l'arcade de l'enfant au sourire édenté qui répond en gloussant  
- Dad, language  ! - P'pa, ton language !
- You, shut up, you little gremlin ! - Toi, la ferme, espèce de petit gremlin !
Grayson tourne les yeux vers le plafond d'un air innocent vite démenti par le rictus satisfait qui lui colle aux lèvres. Charlotte retient mal son fou-rire quand leurs regards se croisent, complices. Le jeune garçon était pourtant mort de trouille quelques minutes plus tôt quand le visage de sa jumelle s'est envolé au-dessus de lui pour venir s'écraser sèchement contre la haute barrière métallique du nouveau coral bricolé qu’on a installé derrière le logement familial pour permettre à l'aîné de débourrer le nouveau cheval particulièrement indocile qu’il a acheté au rabais. C'était sans compter les deux petits monstres qu'il n'aurait jamais dû sous-estimer. Il avait suffi de quelques minutes pendant lesquelles Colter avait les yeux ailleurs pour que les deux gamins prennent d'assaut le jeune cheval, déterminés à détrôner leur frère dans leur talent héréditaire, et seulement quelques secondes de plus pour que les jumeaux, assis tous les deux à califourchon sur le dos de l'animal surpris, se retrouvent bringuebalés dans tous les sens à grand renfort de ruades à travers le paddock heureusement bien fermé. Si Gray avait pu se retenir à la crinière de l'animal, sa sœur, moins rapide, avait fini par voler au-dessus des oreilles de l’étalon pour venir se fracasser les dents sur la porte de fer-blanc dans un fracas inquiétant. Seulement quelques secondes de plus pour qu'un Dusty ravagé saute en jurant par la fenêtre de la grange pour attraper sa fille sous le bras et son fils par le collet. Plus de peur que de mal cependant, et l'air triomphant des deux têtes brûlées avait fini par arracher au père un grondement de fierté. Les Loving ne sont pas célèbres pour leur finesse mais plutôt pour leur solidité face à l’adversité, et le courage inconscient des enfants avait ravi le père, fier de voir sa descendance suivre les pas des aînés.
La main serrée autour de celle de Bonnie, Gray finit par détendre son dos qu'il avait tenu bien droit pour garder secrètes ses inquiétudes. Si la chute n'est pas la première de l'été, c'est bien certainement la plus spectaculaire de la saison, et quelque chose lui tord doucement le ventre quand il réalise qu'à quelques centimètres près, c'est la nuque de sa sœur qui aurait percuté le métal intraitable. Il n'ose même pas y penser, broyant les phalanges de la petite main dans la sienne. Bonnie la sauvage, qui sourit fièrement de toutes ses dents manquantes, le rassure silencieusement d'une pression de doigt à travers le courant invisible qui les lie l'un à l'autre depuis leurs premiers instants, et comme pour oublier l'angoisse qui laisse place à l'étourdissement de l'adrénaline, les deux gamins partent d'un éclat de rire qui fait trembler les murs de la salle de bain.



Le soleil d’Amarillo brûle le sable rouge de ses rayons implacables, faisant briller les petits nuages de poussière qui viennent de déposer sur la porte métallique de la stalle quand la voix du commentateur peine à couvrir le brouhaha des gradins. Assis sur la barrière, Gray regarde avec un sérieux qu’il ne trouve que dans ces moments d’un calme irréel le cheval pie au regard nerveux dont le numéro vient de lui être attribué. L’animal secoue frénétiquement la tête en roulant des yeux, les naseaux dilatés, piaffant de toute sa colère, et la corde autour de son encolure paraît bien ridicule au jeune cowboy qui s'apprête à grimper sur le dos de la tornade flanqué du numéro 3. Comanche Moon l’informe la voix qui fait grésiller les speakers autour de l’arène. Le garçon cogne deux fois les talons de ses bottes de cuir brun en faisant tinter la paire d’éperons attachée à ses chevilles pour en faire tomber le sable qui s’y est incrusté avant de se hisser sur sa monture. Il sent instantanément la colère de l’animal vibrer entre ses jambe comme une décharge électrique, et pendant les quelques secondes qu’il lui faut pour fixer la corde autour de sa main serrée, il pense à toutes ses années qu’il a passé à respirer la poussière des rodéos qui s’est tellement incrusté dans ses chaps qu’elle en a changé la couleur. Il pense aux chutes qui lui ont brisé les os, aux filles qui se sont succédées dans son lit au fil des étapes, à celles qui crient son nom dans les gradins qu’il choisit de ne pas regarder pour garder sa concentration sur l’instant qui se prépare. Il pense au sang qu’il a versé, à la sueur qui vient coller sa chemise contre son dos musclé, aux oxycodone qu’il avale comme des bonbons pour chasser la douleur de son genou droit qui n’a toujours pas dégonflé, au kilomètres de bitumes avalés par les pneus du pick-up flambant neuf qu’il a acheté avec ses gains de la semaine passée. Il pense à la boucle de ceinture dorée qu’il espère ajouter à sa collection, au regard confiant de son sponsor et à celui, plus incertain, de ses amis qui qui tape l’épaule en lui souhaitent “Good ride, cowboy”. Il pense à la douceur des cuisses d’une fille qui l'attend avec des flammes dans le regard, et au feu de la tequila qui brûle encore le fond de sa gorge. Il pense à la puissance de l’animal qui piaffe impatiemment sous lui, et reculant son dos en arrière contre celui du cheval il hoche sèchement de la tête en direction de l’homme qui tient la porte. Le son saturé d’une guitare vient envahir les speakers quand la porte s’ouvre brusquement, lançant l’étalon dans une furieuse série de ruades d’un même mouvement, et Gray oubli tout. Une seconde, le monde tourbillonne autour de lui sans que son regarde ne distingue plus aucune forme, trois secondes, il se tient comme il peut sur le dos de l’étalon le plus vicieux qu’il ait jamais monté, sept secondes, la pression de son poing glisse sur la corde qui lui arrache la peau de la main, huit secondes, coup de sifflet, l’adrénaline à son summum hurle dans les veines gonflées par l'effort, la victoire au bout des doigts, gray lance un regard autour de lui pour situer les deux cowboy qui galopent dans sa direction, prêt à l’aider à loin de sa monture qui refuse de se calmer, neuf secondes, le sol bascule pour venir se fracasser contre sa jambe prise en étaux contre le flanc de l’animal qui vient de basculer, la douleur lui arrache un cris quand il sent les côtes de l’animal broyer les os de son genou, la douleur aiguë pointant péniblement sous le constant torrent d’adrénaline qui le maintient conscient encore quelques instant, d’un geste ridiculement inutile il essaie d’attraper le chapeau qu’il n’a pas vu s’envoler. Dix seconde, une seconde vague de douleur vient envahir sa cage thoracique, coupant instantanément sa respiration déjà irrégulière quand sa vue se brouille, laissant une tache noir grandir dans sa vision, et malgré le sang chaud qui vient coller les pants de sa chemines contre ses côtes qui viennent de se rompre dans un craquement sinistre, Grayson sourit toujours de toute ses dents quand il perds finalement conscience. Onze secondes, des pas pressés se dirigent vers le garçon inconscient qui gît sur le sable souillé. Il ne reprendra connaissance que plusieurs heures plus tard, dans un lit d'hôpital déjà bien entouré, une nouvelle boucle de ceinture dorée posée sur ses draps.



Les doigts de la jeune femmes dessine des cercles invisibles sur la peau tannée de Grayson qui gronde de plaisir sous les caresses bienvenues qui viennent dénouer un à un les noeuds douloureux des muscles de son dos qui roule entre les mains froides de la petite brune aux yeux verts dont il a déjà oublié le nom. Lorsque ses doigts s'arrêtent sur une nouvelle cicatrice, il sourit contre l’oreiller en plume. Elle suit la marque pâle du bout des doigts, ce qui le fait frissonner.
- And what’s this one? - Et celle-ci c’est quoi ?
Elle les évoquent une a une, en les carressabt du bout des doigts, chacune des nombreuses cicatrices qui marquent sa peau comme autant de souvenirs qu'on aurait déposé dans une vitrine. Elle est curieuse, et Grayson racontes avec fierté l'histoire quelles incarnent, plongeant dans ses souvenirs avec un plaisir doux-amer presque mélancolique, dévoilant une à une les légendes derrière les marques qu'il porte comme des médailles.
- Barbwire. Fell from a horse when i was a kid, ‘son of a bitch threw me right on the fence, ripped right through jeans and skin. Had to walk home all bloodied up and took a damn hard whooping when I got there late with no horse in sight. Nearly forgot to sew me up before sending me to bed with a black eye and an empty belly. - Barbellé. J’suis tombé d’un cheval quand j’étais gamin, le fils de chienne m’a jeté directement sur la cloture, ça a tout déchiré. J’ai dû rentrer à pieds couvert de sang, et je me suis bien fait démonter la gueule quand je suis arrivé tard et sans cheval à l’horizon. L’a failli oublier de me recoudre ça avant de m’envoyer au lit avec l’estomac vide et un cocard sur l'œil.  
Le jeune homme sourit en pensant à la tête qu’avait tiré son père quand l’un de ses frères s’était interposé pour forcer l’homme à laisser le garçon filer dans la cuisine ou l’attendait une aiguille propre et une pile de compresse devant le regard entendu de Jesse qui avait rafistoler sa peau déchirée en points de suture irréguliers, laissant la plaie cicatriser dans un motif sans grande harmonie. Il ne relève pas quand il sens la jeune femme hésiter.
- What about the burned one, “LB” ? Above your hip, i saw it earlier, ‘looks nasty. - Et la brûlure ? Sur ta hanche, j’l’ai vue t’à l’heure, pas jolie.  ?
A ces mots Gray se raidit avant de se redresser brusquement, éjectant sa compagne sur le bord du lit sans un regard pour elle. Il n’y a plus aucun sourire sur son visage crispé sur une mâchoire serrée qui tique nerveusement, sa main passe sur la brûlure encore enflammée en lui arrachant une grimace. Marqué, douloureusement, indéniablement, stupidement, marqué, comme le bétail, de la façon la plus indélébile qui soit.. La colère se mêle à la culpabilité quand il revoit les yeux pleins d’une rage douloureuse de Connor briller dans la lumière déclinante d’une fin de journée au ranch. Si les jeux de pouvoirs et la rivalité avaient toujours flotté entre lui et son frère cadet, cette soirée-là avait marqué, au sens propre comme au sens figuré, un tournant majeur dans cette relation déjà houleuse. Quand Grayson avait séduit la petite amie de celui-ci, il n'avait pas anticipé les proportions que prendrait le petit écart dans les règles familiales qu’il n'avait jusque-là jamais vraiment transgressé. Bien qu’il ne l'admet jamais ouvertement, il avait su, au moment précis où le regard du plus s’était mis à briller d’une haine qu’il n’avait jamais vu briller là auparavant alors qu’il venait de répondre par l’affirmative aux interrogations des ainées, qu’il avait franchi une ligne de trop. La suite, il ne l'avait pas vue venir. Ni le poing qui s’était abattu contre sa mâchoire avec une force qu’il n’avait pas soupçonnée, ni la brûlure cuisante du fer chauffé à blanc dans le feu - qu’on venait d’utiliser pour marquer les veaux de l’année - que Connor avait pressé sur la hanche du traitre, à quelques centimètres seulement de son organe favori. Gray n'avait jamais su si son frère avait manqué son but sous l’effet de la colère où s’il avait délibérément évité la zone avant de commettre une vengeance trop irréparable pour être acceptée. L’idée que Connor ait bien failli lui ôter sa virilité ce soir-là le fit frissonner, sous le coup de la colère ou celui, plus incisif, de l’appréhension, il ne saurait le dire.
Sa bonne humeur définitivement évanouie, Il finit par enfiler son jeans sur ses fesses nues d’un geste sec, sans prendre le temps d’en boucler la ceinture, glissant ses pieds dans ses bottes en se dirigeant vers la porte de la caravane qu’il avait ouverte à la volée sur la nuit éclairée avant de se retourner pour lancer un regard sans appel à la femme nue encore étalée sur les draps froissé.
- This one’s No’nya fucking business, now get the fuck outta here ! - Celle-ci c’est pas ton putain d’problème, maintenant dégage de là !




Du sang. Du sang partout, sur ses poings, sur son t-shirt poisseux, sur un coin de sa joue. Du sang sur le bitume chaud qui s'écoule en flaque, formant un halo morbide autour du crâne fendu de l’homme qui le fixe de ses yeux sans vie. Sa nuque est tordue dans  un angle qui n’a rien de naturel, formant une bosse dans sa gorge gonflé par l’os brisé. Du sang partout, entre les doigts qui tremblent un peu quand Gray tente à nouveau de secouer l’inconnue qui ballote sous ses gestes dans un mouvement flasque. Gray lui claque une joue, puis la seconde, pour que l’imbécile se réveille, parce que la plaisanterie à assez duré maintenant. Aucune réaction de la part de celui dont la peau est encore tiède sous la poigne du blond, ses yeux dilaté toujours fixés sur le ciel qu’il ne voit plus au-dessus de lui. Cette fois les bras de Gray se mettent à trembler pour de bon alors qu’il commence à saisir, incrédule, la gravité de la situation. Il entend vaguement les cris de la foule autour de lui, les sanglots des inconnus étouffés par le bourdonnement de ses oreilles.
Il s’évertue toujours à secouer l’homme quand des mains solide viennent lui tordre les bras dans le dos avant de les y menotter, c’est seulement à cet instant que Grey remarque les lumières bleu des gyrophares qui viennent illuminer les faces ahuries qui lui hurles des mots qu’il n’entends pas derrière le bourdonnement de plus en plus fracassant de ses oreilles. Il grimace d’incompréhension devant leurs lèvres qui s'agitentent devant lui sans produire de son. Et cet abruti qui ne s’est toujours pas réveillé;

- Do you solemnly swear that you will tell the truth, the whole truth, and nothing but the truth ? - Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité, et rien d’autre que la vérité ?

Les mots du juge sonnent creux dans l’oreille de Grayson qui regarde la petite brune aux mains tremblantes à la barre. Elle a des cernes sombres sous ses yeux rougis, et ses joues paraissent creusée. Elle refuse de croiser son regard, et la nausée le monde à la gorge quand il se rappelle qu’elle a toutes les raisons du monde de se sentir menacée par lui. Sa gorge se serre sur le goût de la bile qui vient caresser sa langue. Il gigote sur sa chaise, ses mains menottées le démangent, un filet de sueur glacé lui coule sur les temps et dans le dos.
Il a beau retourner mille fois la scène dans sa tête, l’homme ne voit aucune solution. Aucune excuse, aucune réparation.

La soirée avait pourtant tellement bien commencé. Il devait être à peu près 22 heure quand Gray avait rejoint une bande de potes autour du bar du honky tonk sans aucun intérêt particulier si ce n'était sa proximité avec avec la piste de Rodéo qu’ils venaient de quitter, déjà bien éméchés et prêts à noyer la nuit dans les rires de la victoire. Tout avait pourtant si bien commencé…

Il en était déjà à sa quatrième tournée de Tequila quand il avait vu la petite brune aux yeux pétillants escalader le dos du taureau mécanique. Elle avait gloussé en se trémoussant sur les secousses de la machine, faisant voler sa jupe très courte sur ses cuisses nues.
Tout avait pourtant si bien commencé…

Grayson avait tenté de se convaincre que s’il avait su, alors, que la jolie petite chose dont il n'avait  pas pu détourner les yeux était venue accompagnée, il n’aurai peut-être pas tirée sa main à sa suite sur le dancefloor, il aurait tellement voulu y croire, oublier que même si la jeune femme était arrivée pendue au cou d’un gorille, après la sensualité poignante de cette vision ça n’aurait rien changé.

De toute façon, il était trop tard pour changer quoi que ce soit, les morts ne reviennent pas, peu importe la force du souhait.

Il l’avait invitée à danser, et elle l’avait suivi, c’est aussi simple que ça. Elle l’avait suivi. Il avait essayé de se convaincre que puisqu’elle n’avait pas protesté, elle était responsable, aussi, d’une certaine façon, des terribles événements qui avaient suivi. Mais au fond, malgré tout ses efforts il n’y a pas cru. Pas suffisamment. Il y a des responsabilités dont on ne peut se débarrasser, peu importe combien on essaie.
Il avait glissé ses mains sur les fesses de la petite  brune qui avait plongé sa langue dans sa bouche à lui.

Tout avait pourtant si bien commencé..

Il n’avait pas vu l’autre type arriver, celui qui lui avait attrapé l’épaule en hurlant avec son visage rouge bordeaux où l’on voyait palpiter les veines tendues par la colère. L’Imbécile lui avait postillonné sur le visage et gueulant des mots comme :
- Keep your motherfucking dick away from my wife you son of a bitch !! - Garde ta putain de bite loin de ma femme espèce de fils de pute !
Il n’en avait pas fallu plus à Grayson pour lui envoyer son poing dans la figure. Il n’en avait pas fallu plus à l’autre homme pour répliquer, fendant l’arcade du cowboy avec la chevalière qu’il portait sur son petit doigt.
Si les potes de l’un comme de l’autre avaient su retenir les deux ivrognes avaient qu’il ne s'étripent au milieu du bar, ils avaient tout de même fini par se retrouver sur le parking bondé après s’être fait jeter sans ménagement.

Si Grayson avait su dominer sa fierté, si l’alcool n’avait pas désinhibé son tempérament déjà orageux… Mais Grayson n’avait rien fait de tout ça. Grayson avait regardé l’homme droit dans les yeux en insultant sa mère, sa sœur, et toutes les femmes de sa lignée à grand renfort de gestes obscènes très imagés.

Quand l’homme l’avait frappé à nouveau, il s’était jeté sur lui, trop content de pouvoir laisser libre court à la violence que la tequila venait abreuver en lui. Il aurait dû entendre les cris, qui n’étaient pas des insultes mais plutôt des suppliques venant de derrière lui. S’il s’était arrêté un instant, il aurait vu le nid de poule derrière les pas de l’homme qui reculait sous les coups répétés. S’il avait pris un instant pour observer la situation qui se déroulait entre leurs quatre poings, il ne serait peut-être pas assis aujourd'hui sur le banc des accusés, enfoncé dans l’uniforme orange qui lui donnait l’impression d’imploser.

Mais Grayson ne s’était pas arrêté, et en l'espace de quelques secondes, sa vie, ses projets, et tout ce qu’il savait et connaissait de lui-même avait basculés.

Une seconde, et l’homme avait trébuché en reculant dans le trou derrière sa botte. Deux secondes, son corps trop lourd s’étant envolé en arrière dans un mouvement disgracieux. Trois secondes, sa tête était venue heurter le trottoire dans un bruit mat. Quatres secondes  et son menton était venu heurter sa clavicule. Cinq secondes et sa nuque avait craqué dans un bruit sec à vous glacer le sang. Six secondes, et l’homme avait cessé de bouger, les yeux fixés sur le ciel au-dessus de lui. Sept secondes, Gray était au-dessus de lui. à la huitième seconde, tout éclat avait quitté les yeux dont les pupilles commençait déjà à se dilater. Et Grayson avait eu beau secouer et secouer l’homme, le supplier, l’insulter, lui hurler dessus, l’homme ne s’était jamais réveillé.

Ironiquement, il avait fallu huit secondes pour faire basculer la vie de l’étoile montante des rodéos. Huit secondes derrière un bar miteux sous les lampadaires d’un parking entouré d’une foule tantôt excitée tantôt choquée.
Huit secondes avant le coup de sifflet qui venait signer la fin de sa vie telle que Grayson la connaissait…

Dans un effort évident, Grayson Loving avait fini par fixer à nouveau son attention sur le juge devant lui, la petite brune a fini de parler. Il rattrape  le fil du présent juste à temps pour entendre la sentence qui venait de dérober le sol sous ses pieds. 15 ans à payer pour le prix d’une vie qu’il n'avait jamais souhaité ôter. Sept pour espérer faire appel à la clémence qu’on venait de lui refuser. Sept années pendant lesquelles il devrait être irréprochable pour pouvoir espérer une remise sur les années qui allaient dévorer sa jeunesse dans un centre pénitencier.