Diego Suarez El Lobo - A Feast for Crows

"Live and Let Die"
((atmosphère sonore))
Les origines
Le Texas, les USA, se sont bâtis sur les conflits. Les colons contre les Amérindiens, les Mexicains contre les Texans, les Confédérés contre l'Union et oui, à plus petite échelle, les Eages contre les Diablo. Le Texas, particulièrement Clifton, s'est bâti sur une terre aujourd'hui imbibée du sang de ses conflits.

Diego l'a vite appris à ses dépends quand il est débarqué à Clifton du haut de ses 7 ans. À l'école, le petit garçon était plutôt à l'écart. Peau trop foncé pour être avec les Blancs sans se sentir mouton noir; les regards de dédain de certains en disaient long. Parmi les Latinos, son accent d'ailleurs quand il parlait espagnol faisait qu'on le tolérait, mais comme un étranger de passage. Pas comme un frère qu'on protégerait des vautours.

Les vautours n'ont pas tardé à frapper. Après l'école, une bande de garçons, blancs bien sûr, l'ont pris a parti et lui ont donné une raclée. La première de sa vie. Ses supplications n'y ont rien changé, ses pleurs non plus. Diego a juste fini par se mettre en boule et a attendu que ça passe. Les vautours promirent de remettre ça et un autre sentiment vint habiter le garçon comme jamais auparavant: la peur. Rentré à la course chez lui, il est accueilli par la bienveillance de sa mère, qui le soigna. Lorsque son père arriva plus tard dans la soirée, sa mère voulut qu'il aille se coucher tout de suite, mais le petit Diego voulait finir son émission de télé... Trop tard, le père entre et aperçoit son fils au visage boursouflé, les bras couvert de bleus.

« Qu'est-ce qui s'est passé? »

La mère raconte et elle eut à peine le temps de finir que son père lâche:

« Viens avec moi »

Sur un ton punitif. Il prit Diego par le bras, dont les pieds touchaient à peine le sol tandis que le paternel le sortait dehors dans la cour arrière. Les questions de son père étaient toutes inquisitrices, au ton graduel et montant.

« Qu'est-ce qui est arrivé? Comment ça tu t'es laissé battre? En as-tu frappé un au moins? Regardes moi putain quand je te parle! T'aimes ça qu'on te frappe? »

La première gifle vint le frapper. Face à son hésitation à répondre, à ses pleurs, une autre ne tarde pas à suivre, puis une autre. Diego se faisait battre parce qu'il s'était fait battre. Même à 7 ans, il y a des moments d'une pure ironie qui ne vous échappe pas. Sa mère finit par arrêter le calvaire, à apaiser la colère impitoyable du motard. Le lendemain matin, avant d'aller à l'école, son père était à la table de la cuisine. Il n'y était jamais, plutôt du genre oiseau de nuit, à peine visible le jour. D'un ton calme, il invita Diego à s'asseoir.

« Mi hijo, dans ce monde, il y a des moutons, des chiens et des loups. Les moutons, ce sont ceux qui font leur petite vie, en pensant naïvement qu'ils sont à l'abri de tout, alors qu'en fait, ils sont vulnérables à tout, complétement sans défense. Les chiens, eux, ils font ce qu'on leur demande. De bonnes petites bêtes, mais qui dépendent des moutons. Puis, ya les loups. Les loups n'ont peur de rien ni personne. C'est eux qui font la loi, c'est eux les plus forts. Cette force les rend libre. Dans cette famille, Diego, nous sommes tous des loups. Prochaine fois, je veux que tu frappes, je veux que tu te battes comme un loup t'entends? Parce que si tu te laisses faire comme un de ses putains de moutons... »

Il pose son pistolet sur la table, ce qui la fit trembler et sursauter le garçon de 7 ans. À partir de ce jour, des raclées, il y en eut d'autres. Bientôt, sa hargne lui permit d'en donner plutôt que d'en recevoir et de faire sa place. La leçon fut bien apprise.

La rébellion
Quand Diego repense à son adolescence, il y repense avec une certaine affection. Le jour, il allait à l'école où il faisait quand même bien. Il était dans l'équipe de soccer (football), il avait sa petite gang qui faisait la loi. La génétique ayant fait de lui un beau grand garçon, attirer l'attention des filles et découvrir sa sexualité ne lui déplaisait pas. Ces soirs, il les passait avec son père ou ses oncles. Son père l'amenait parfois pratiquer le tir au champ de tir avec toutes sortes d'armes. Il disait souvent qu'il le préparait. À quoi? Rodrigo n'en disait pas plus. Avec un de ses oncles, c'était les arts martiaux, mais plus que ça, à savoir se battre comme dans la rue. Diego avait bien compris que ses parents n'étaient pas des vendeurs d'assurance, que leur virée nocturne et les unes des journaux sur les motards avaient bien des liens. Quand il posait des questions, on lui disait qu'il était encore trop tôt.

Puis, il fit la rencontre de Jennifer, son premier amour. Diego n'est pas un grand sentimental, mais quel ado n'est pas affecté, transformé par son premier amour? L'intimité complète, la complicité, le sentiment que le temps s'arrête, qu'il n'y aura pas de lendemain. À travers elle, il découvre une autre vie, celles de gens que son père qualifierait de moutons ou de chiens. Jennifer avait de beaux projets: elle parlait d'étudier en littérature ou en journalisme. Elle encourageait Diego à avoir des idées semblables. Ensemble, ils pourraient aller étudier en Californie, à Berkeley ou UCLA... L'adolescent se mit à moins voir ses oncles, son père, qui ne tarda pas à lui reprocher. Plus il lui faisait des reproches, plus Diego se distançait. L'idée de simplement partir, sans prévenir et à tourner le dos à sa vie germa dans son esprit.

Puis, un soir, le téléphone sonna. Jennifer était à l'hôpital. Diego apprit qu'une bande de Rednecks l'avaient battu à la sortie d'un bar. Certaines blessures avaient été infligé par une barre de fer: c'était horrible. La police ouvrit une enquête, puis les jours passèrent sans que rien ne se passe. Diego veilla son amoureuse tous les jours, jusqu'à son réveil. Une fois Jennifer réveillée et hors de danger, il est parti, non sans lui promettre qu'ils allaient tous payer. Après une ou deux nuit blanche à réfléchir à comment il allait s'y prendre, Diego passa à l'action. Le Latino infiltra la remise d'un de ses oncle, où il put mettre la main sur un couteau de chasse et trouva les clés de sa vieille moto. Il partit avec la bécane et se posta doucement, non loin du bar, guettant, attendant ses proies, imaginant à chaque seconde ce qu'ils leur feraient. Les salauds sortirent à l'arrière du bar, sifflant une fille qui prit ses jambes à son cou. Diego fit vrombir la moto et leur fonça dessus. Après en avoir renversé deux, il débarqua de sa moto, le temps d'affronter les deux autres encore debout. Gonflé à bloc par l'adrénaline et la haine, le jeune loup n'eut pas trop de mal à les mettre k.o. Ces jours d'entraînement avaient bien payé. Les types à terre, Diego sortit son couteau de chasse. Retournant le premier sur qui il s'accroupit, il voulait le pousser à demander pardon, pardon à Jennifer, avant de lui taillader le visage.

Puis le noir. Diego apprit plus tard, en se réveillant dans son lit qu'un 5e type était arrivé avec une batte et l'avait assommé, qu'on lui avait ouvert une parti du dos et planté le couteau dans l'épaule avant que son père et ses oncles ne se ramènent et le secourent. Ils l'ont amené chez le chirurgien du gang, qui s'est occupé de lui. Cela lui a pris plusieurs jours se remettre, plusieurs jours à réfléchir, à avoir des sentiments mitigés sur ce qui venait de se passer. Il avait l'impression d'avoir frôlé le point de non-retour. Empli de doutes, de regrets, encore amoché, mais apte, il se rendit à l'hôpital voir Jennifer. Son amoureuse n'eut que 4 mots à lui dire.

« Tu es comme eux. »

Ce jour là, quand il rentra à la maison, son père et ses oncles l'attendaient sur la galerie du bungalow.

« Tes oncles et moi, on a discuté. On croit que t'es prêt. Est-ce que tu l'es? »

Que le Diable l'emporte
Une fois qu'il a fait son choix, Diego n'est jamais revenu en arrière. Le point de non-retour de ce fameux soir, depuis, il l'a franchi de nombreuses fois. Les Pobre Diablo étaient sa meute. Un à un, il a gravi les échelons, à renfort de petits boulots, de tâches ingrates, de coups réussis et de coups foireux. Il a fait de la prison, n'a pas vendu la mèche. Tout cela, sous le regard de son père et de ses oncles, qui, sans jamais lui faire de cadeau, donnaient conseils et portaient un regard fier vers lui. Devenu membre à part entière, Diego est un de ses hommes à qui on donne les boulots plus difficiles. Plus intelligents peut-être que la moyenne des ours dans ce monde de brutes, Diego sait combiner menace et violence comme peu. Méticuleux, froid et réfléchi, il se lance rarement dans la mêlée sans un plan ou sans raison.

Avec le temps, il a accumulé un beau petit pactole. Parce que, si être membre des motards c'est faire parti d'une fraternité, c'est aussi une bonne façon de faire de l'argent, beaucoup d'argent. Et non, vendre de la drogue ne le dérange pas. Il y a un marché de consommateurs et si eux n'en vendraient pas, d'autres le feraient. S'il y a des aspects de son boulot qu'il trouve désagréable, il doit avouer que de démolir des Eagles lui plait assez. Ils lui rappellent un certains groupes de rednecks... À sa sortie de prison pour vente et possession de dope, 'il y a 8 ans déjà, les Diables le nomme enfin membre à part entière. Dans une cérémonie qui pourrait presque rappeler l'adoubement, on lui donne sa veste avec le blason des Diablo, les membres, désormais ses frères, l'accolade. Pour Diego, c'était La récompense, l'accomplissement qui venait donner un sens aux huit dernières années de sa vie et conforter le choix qu'il a fait. Il n'y avait plus de doute, les Pobre Diablo était sa famille étendue.

Avec la vie de motards doit venir la fille bien sûr. La sienne s'appelle Elena. Dans le couple, s'il est le calme, elle est la tempête. Dépensière, orgueilleuse, elle le pousse à ne pas se contenter et a le don de dépenser l'argent qui n'est pas le sien avec ses projets. Elle connait sa vie, enfin, assez pour ne pas lui poser de questions ni lui faire de reproches. En somme, un certain équilibre. Du moins, c'est ce que Diego pensait. Jusqu'à ce qu'il découvre que la belle Elena se drogue à coups de pilules, comme trop de ses concitoyennes. Hors de lui, le motard se retrouvait confronté en quelque sorte à un mal auquel il participe. Si ce n'était que ça. Dans la crise, Elena mentionne être enceinte, ce qui vient ajouter à l'équation. Diego imposa ses conditions et fit comprendre à sa copine qu'elle n'avait pas le choix. Elle allait entrer en désintox et après, après ils verront. La culpabilité est un sentiment qui vous ronge.

Un soir, alors qu'il était au club, la clinique l'appelle. C'était Elena, pour lui apprendre qu'elle venait de faire une fausse couche. Cette nouvelle l'a atteint plus que ce à quoi il pouvait s'attendre. Un autre rêve, celui d'être père, venait de s'effondrer. D'une étrange façon, cela l'a rapproché d'Elena, a donné un second souffle à leur relation, d'une certaine façon. Et pourtant...

Tout cela encore bien récent, tourmenté par ses conflits intérieurs, Diego est envoyé au Mexique pour une mission délicate. Une mission confiée par le Corbeau lui-même. Pas homme à dire "je n'ai pas la tête à ça, est-ce que tu peux confier la mission à un autre" - Diego fit comme toujours: il dit oui, prêt à tout pour ses frères, loin de se douter que cette mission pourrait bien être un nouveau tournant. Le genre de virage qui conduit à un dérapage.