Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
TW : état dépressif, violence familiale, évocation de pensée suicidaire
Louis Aragon, Il n'y a pas d'amour heureux:
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix Et quand il croit serrer son bonheur il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes Qu'on avait habillés pour un autre destin À quoi peut leur servir de se lever matin Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure Je te porte dans moi comme un oiseau blessé Et ceux-là sans savoir nous regardent passer Répétant après moi les mots que j'ai tressés Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare Il n'y a pas d'amour heureux.
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri Et pas plus que de toi l'amour de la patrie Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs Il n'y a pas d'amour heureux Mais c'est notre amour à tous les deux
C’est un petit sentier en bordure de champ et de forêt. Il y a deux sillons de terre. A l’orée du bois à gauche. T'es une bonne à rien Beth. Il y a ruisseau qui coule, un chant d’eau dans le silence. Rien qu'à allumer les garçons. La lumière. La fraîcheur. La brume. L’aube. Pâle. Qu'est-ce que tu crois qu'ils diront, quand ils l'apprendront. Tu crois qu'ils vont comprendre. A droite, les chevaux ; une chouette. Ils te retireront sa garde, voilà ce qu’ils feront. Toucher leur front, les poils sur les oreilles. Qui m'a foutu une fille pareille. Ca sent, ça sent... Ton frère, là, il te collera en institution et il te prendra ton fils. la mousse. Les pierres. Tu l'as cherché, Beth tu sais que j’aime pas quand tu fais ça. Des pierres. Des bâtons. Des pierres. Dans l'eau.
Y a plus rien à sauver.
Je veux pas devenir une histoire triste. Beth essaye, de toutes ses forces, mais elle y arrive pas ; la spirale l’a jetée au fond de son gouffre pour y tourbillonner, dans des éructations de souffrance improductives, toute catharsis bazardée au profit d’une plaie béante qui se nourrit d’elle-même. Recroquevillée en sanglots maladifs sur son volant, les doigts blanchis autour et le front enfoncé dans le cuir à s’en imprimer les ridules dans sa chair, chaque tentative d’extraction ne provoque qu’une nouvelle bouffée de larmes agonisantes. Elle ne sait plus depuis combien de temps elle se trouve ici, ni où ici se situe exactement ; l’espace-temps que les autres qualifient de réalité s’est désintégré pour laisser place à un imbroglio de reviviscences qu’elle ne parvient plus à trier. Le monde se réduit à des lames de fond d’une violence sans égale qui la traversent de part en part, à jeter toute conscience sur les rochers, jusqu’à ce qu’elle soit trop épuisée pour continuer à les gerber de ses spasmes maladifs et bruyants pour seule défense. Il n’y a plus de pensée rationnelle, pas même des souvenirs ou des idées à proprement parler, rien que ce jeu de tout empirer en elle-même dans une escalade dantesque jusqu’à ce que le système implose. Il n’y a pas de mot, pas qu’elle en connaisse, pour exprimer à quel point ça fait mal, comme elle voudrait que ça s’arrête. Comme il faudrait au moins lui arracher les côtes, lui scier la gorge en deux, lui fendre la boîte crânienne, pour faire sortir tout ce qui gonfle là-dedans sans cesse, jusqu’à la suffocation. Elle veut oublier, Beth. Pas seulement le monde et ses déboires, pas juste ses échecs et sa vie foireuse, même pas que ses souffrances terribles : elle veut oublier tout ce qui fait elle-même. Divorcer de sa propre tête, s’arracher ce cerveau qui fait tant de mal et ne sait que lui infliger des lames de fond dans l’âme.
Je veux pas devenir une histoire triste. C’est Gary qui a dit ça, un héroïnomane de son groupe, abîmé par les souffrances, qui a toujours l’air absolument triste pourtant. Il parlait de son suicide : il en donnait le lieu, le moment, la méthode, peut-être pour en exorciser l’idée, peut-être même pour se faire sauver (il a été hospitalisé après ça). Il parlait des autres qui peuvent parfois être un ultime rempart à l’acte, pas parce que leur présence réconforte, mais que l’idée de l’absence pour eux est trop cruelle. Imaginer laisser derrière soi les gens qui nous pleureront, ceux qui ne s’en remettront pas, dont la vie sera à jamais altérée par rien de plus après qu’une histoire terriblement triste à raconter. Beth s’est approprié la phrase ; elle l’a extrapolée. Elle voulait être autre chose qu’une lumière qui s’éteint dans les yeux de ses amis à la seule évocation de son prénom. Autre chose qu’un aveu muet de défaite pour son frère. Autre chose qu’un haussement d’épaules ou le nom d’un bar quand on demandait où elle était. Elle a déjà subi des lames de fond, plus qu’elle ne peut en recompter. Elle a traversé le manque et le sevrage. Elle a subi l’enfer, en ayant rien que cette ultime pensée à laquelle se raccrocher, dans le plus douloureux de ses états. Je veux pas devenir la pire histoire de mon frère.
C’est trop tard, oui. Elle peut plus reculer, maintenant. Elle a rallumé les lampes sur ses coins d’ombre, ses cachettes, ses passages dérobés, et les espoirs de tout le monde. Elle a soigneusement construit sa propre prison d’amour, qui même au plus mal de ses ambitions ne lui laisse plus le luxe de s’échapper. Ce serait horrible, de s’en aller maintenant : ça y est, elle a enfin parcouru assez de chemin pour que ce soit vrai. Enfin donné assez d’espoirs idiots à ceux qui l’aiment pour que replonger puisse être qualifié de trahison. Enfin rebâti assez de confiance, pour que ce soit bien de bafouer la confiance dont on parle, si elle abandonne maintenant, si elle arrête de souffrir maintenant, si elle connaît le plein soulagement qu’elle crève de ne pas connaître maintenant. Hourra
Y a pas plus rien à sauver.
Elle est pas irrécupérable. Y a les horloges. Y a les tableaux. Y a les déjeuners. Y a ses plaisanteries convenues et ses métaphores trop compliquées. Y a des sourires et des tartes foirées. Y a le café qu’elle prend tous les jours à sept heures depuis deux ans, et la tisane qu’elle boit tous les soirs à neuf heures depuis deux ans. Y a dix-huit mois de travail sans rien qu’un jour malade. Y a le permis qu’elle a retrouvé. Y a l’homme qui a bien voulu d’elle. Celui dont elle a divorcé. Sa mère avait tort. Son mari avait tort. Et son fils a tort.
Même si ça fait mal. Même si elle préférerait leur donner raison. Et Beth sait pas, maintenant, depuis combien de temps la sonnerie criarde de son téléphone harcèle l’habitacle, à le faire tressauter de vibrations sur le siège passager, comme un possédé. Elle hoquète son dernier sanglot dans une respiration malade, se fend d’un spasme pour empoigner le maudit rappel d’un monde trop plein d’espoirs. Si tu réponds ce sera trop tard, Beth. Tu peux oublier d’oublier. Elle largue un allo d’outre-tombe dans la communication décrochée. Je suis... je suis sur le parking du Wendy's. Un coup d’œil décoché au sourire géant de la fillette un peu effrayante sur son grand panneau lui confirme sa présomption sur l'endroit où elle a roulé. La réalité rapproche ses morceaux pour combler les failles spatio-temporelles, péniblement. Beth essuie une traînée gluante et translucide sur sa manche, déphasée, peinant à entendre les mots que prononce son frère, sinon les plus simples instructions. D'accord. D'accord. elle parvient à articuler, piteusement, rendue à se laisser guider pour rester dans cette réalité de souffrance. Attendre. Pas bouger. Il arrive.
C’est trop tard.
Un jour. Faut l’espérer. Elle sera heureuse d’avoir décroché.
Clyde Saracen, Jean Lowe, Tig Welch et Emmett Ludlow aiment ce message
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Dim 6 Oct 2024 - 12:45
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
l'obscur
TW : ras
Il n'y a a pas d'amour heureux
Ils ont appris à évoluer dans l’obscurité dès le départ, les yeux bandés et leurs doigts solidement noués. Les autres sens s’en sont naturellement développés. Ils ont grandi dans cette conscience accrue de l’autre. Ils se sont guidés dans les nuits les plus noirs, ont trébuché à bien des endroits mais se sont relevés à chaque fois. Parfois, ils ont clopiné. Trop souvent, ils ont ralenti puis accéléré. Une seule fois, ils se sont relâchés. A travers le temps, il a pu appréhender la densité de son mal être, déduire à la pression de sa main, l’ampleur du mal. Il a tutoyé sa détresse, conversé avec sa culpabilité, tâté ses plaies et respiré à plein poumons ses regrets. Il a décomposé ses douleurs pendant des heures au fond de sa tête ou au fond de son salon, a nourri ses insomnies des cauchemars qu’elle a traversé et sustenté son sommeil des rêves qu’elle a dû briser. Il a dédié la suite de son trajet aux pas qu'elle fera, convaincu qu'elle trébuchera encore par endroits, qu'elle clopinera à nouveau. Mais, comme toujours, il sera là, quoi qu'il arrive, pour nouer ses doigts aux siens quand la nuit s'obscurcira. Toujours aveugle aujourd’hui encore mais l’invisible n’existe pas. Le vide se ressent même à distance et gagne ainsi une âme, des contours, une masse. Cette réalité méconnue subsiste avec lui et l’ornière a été annoncée. Il compose son numéro quelques fois, perçoit derrière la tonalité qui n’en finit pas, la possibilité d’une entrevue rallongée alors il ne s’affole pas. Il attend comme un enfant qu’on aurait abandonné dans une salle d’attente bondée et qui ne peut pas pousser la porte pour rejoindre ses parents. Les regards des autres patients sont dérangeants, il n’a pas assez d’espace pour penser, pas assez d’intimité pour éparpiller les signes de sa nervosité. Il s’isole alors loin de l’humanité, s’éloigne du centre-ville avant de réessayer. Et cette fois, sa voix interrompt les tintements oppressants. La première note ressemble à un tir porté en pleine forêt. La seconde au cri qui annonce la tragédie. Il se met à courir immédiatement entre les arbres pour la retrouver, quitte à se prendre les pieds dans les racines ou à heurter une branche. Ne bouge pas. J’arrive. La vérité, c’est qu’il est arrivé, à chaque fois, trop tard pour la sauver. Et ce n’est pas en accélérant bêtement qu’il conjurera le mauvais sort.
L’aiguille frôle des chiffres indécents à mesure qu’il parcourt le dédale de rues. Le vacarme produit par le moteur menace de chasser les oiseaux des fils électriques, d’interrompre les conversations que les passants entretiennent allégrement. Il dérange un monde de normalité de son urgence singulière et s’en moque totalement. Il ne laissera personne trouver la paix tant qu’Elisabeth ne la dénichera pas elle aussi. La brutalité des virages menace de le faire chuter, il opère à quelques ajustements pour s'éviter l’écueil de l’accident et termine sa course contre le temps sur le parking du Wendy’s. Le casque est délaissé sur la moto, cette dernière est stabilisée rapidement. Tig repère, ensuite, le véhicule de sa sœur et s’élance dans sa direction. Les reflets placardés à la vitre le préservent d’une vision correcte, il ne peut pas encore faire état de sa difficulté. Il ne compte plus le nombre de portes qu’il a entrouvertes dans l’incertitude, terrifié à la seule idée de ce qu’il trouverait de l’autre côté. C’est un essai de bravoure auquel l’instabilité de sa sœur l’a soumis. Qu’il réitère désormais, le ventre tordu d'appréhension. La portière est tirée, le corps se penche déjà vers la conductrice désemparée. Les yeux ramassent les dégâts, débris de verre plantés ci et là, les artères sectionnées par une main habile. Pas besoin d’obtenir le compte rendu détaillé de l’entrevue pour reconnaitre la technique du boucher. La mère saigne sur son siège, menace de s’éteindre, emportée par sa mélancolie. « Beth. » Le souffle comprime un silence de mauvaise facture. La détresse de Beth produit un vacarme assourdissant à l’intérieur. Tig s’accroupit pour arriver à sa hauteur, tombe la tête la première dans la fosse que le passé a creusée. Il compte bien l’aider à remonter à la surface, une main contre son épaule, la seconde cherchant déjà la sienne. Il tente de corrompre l’emprise de la pénombre sur son esprit. « Je suis là. » Avec un peu d’effort, il parvient à hisser son bras derrière sa nuque, la déloge suffisamment de son siège pour entourer ses épaules et la rapprocher. L’étreinte essaie d’agir en filet de sécurité afin de stopper la chute. Il rassemble la porcelaine entre ses bras, s’assure qu’elle ne s’ébrèche pas plus qu’elle ne l’est déjà.
Il se voudrait créateur d’un dôme protecteur, chargé d’un éclat apte à déjouer la malédiction des ombres. Un exercice auquel il s’est essayé un millier de fois par le passé. Il a oublié qu’il n’a rien d’un paladin. Chevalier noir sillonnant des sentiers damnés, il n’est qu’un habitant de plus dans ce royaume infertile. Elle qui s’est acharnée à semer des graines de lumière ces dernières années, aurait dû pouvoir s’en échapper. Et il le sait, il n’y a pas que Clyde pour détenir la clé. Néanmoins, aujourd’hui, c’est bien son neveu qui a relevé le pont-levis et qui a laissé sa mère être dévorée par les créatures de l’autre côté. Et si elle avait raison finalement ? Et si ça ne s’arrangeait jamais ? Et s’il se portait mieux sans eux ? Il ne cède pas à l’empressement de la fatalité. Le pilier ne se fissure pas, il ne s’érode pas. Il tient bon même quand la marée remonte et cherche à le briser. Captifs de l’instant, ils s’assurent de placer le mal au centre de l’interaction pour une durée indéterminée. Pas de mots, pas de sons, aucune question. Après une éternité à la maintenir contre lui, il finit par lui donner une ligne de conduite, un ensemble d’étapes pour tenter de survivre à la seconde suivante. « On va rentrer. » Il recule légèrement pour se confronter une nouvelle fois à l’abolissement de toute forme d'espoir contre ses traits. « Je vais te ramener. » Ses doigts noués autour des siens se resserrent. Qu’elle n’oublie pas qu’il est là pour guider dans l’obscurité. « Et je resterai près de toi. » Il le chuchote pour que les bêtes aux alentours ne le sachent pas. Elle ne sera jamais seule à lutter. « Tu peux te mettre du côté passager ? Je vais conduire. » Aucune considération pour la moto qu’il abandonne là. Les détails ne l’intéressent plus. Seule la survie de sa sœur importe. Elle a marché si longtemps pour en arriver là, a dû enjamber tellement de rivières, sauter par-dessus tellement de fossés, grimper tellement de rochers, qu’il refuse qu’on la renvoie ainsi d’où elle vient.
Clyde Saracen, Jean Lowe et Elisabeth Saracen aiment ce message
Lun 7 Oct 2024 - 18:33
Elisabeth Saracen
p e a c eo fm i n d
le clair
Surnom :
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
Beth serait encore moins que ça, sans Tig – moins que rien ou que ce maigre miracle émotionnel qui la fait pencher sous ses couches de tares vers le trop d’amour plutôt que le pas assez. Elle serait sans doute comme sa mère, d’une apathie qui a même gangréné le cœur et la bonté, mauvaise herbe rabougrie par l’étroitesse d’un monde sans avenir et sans âme. Ce bien trop de sensibilité dans la petite enfance, c’est Tig qui a déposé dessus une cloche de verre protectrice à la place et même contre leurs parents ; lui qui s’est fait plus grand que lui-même, pour la recouvrir de son corps, la mettre à l’abri de l’acidité dans l’atmosphère. Orphelins de toute tendresse, il est l’unique figure parentale, lui qui creusait un sol stérile et aride avec ses trop petites mains pour y planter des graines d’inconditionnel capables de nourrir son âme. Ce minuscule noyau solide que Beth possède dans un monde sans ordre et sans matière, c’est son frère qui en a ensemencé le coeur au sacrifice de sa propre enfance, obligé de courir après des notions bien trop brutales et complexes pour un bambin de son âge, dans l’espoir de leur bâtir un foyer bancroche loin de la laideur ambiante. Tout ce qui empêche Beth de devenir sa mère en réalité, ce qui la rend capable d’aimer même trop ou même très mal, c’est l’indéfectible certitude que Tig l’aime. Et le plus grand génie de son mari, sans nul doute, aura été de la convaincre du contraire : d'attendre l’absence du seul véritable danger pour ses sombres violences, pour vicier le sol d’autres graines, celles du doute et de l’irrésolution, profitant d’un terrain terriblement propice malgré tous les efforts et les sacrifices infantiles de son aîné à l'assainir. Non pas en attaquant l’homme ni la moindre de ses vertus, pas en se risquant à une critique frontale qui aurait été aussitôt accueillie par une rébellion farouche ; mais en choisissant pour cible l’essence de Beth elle-même. En soulevant peu à peu l’hypothèse que même son frère n’était pas assez saint pour l’aimer, qu’il était plutôt égoïste de le lui faire porter, ce fardeau qu’elle n’avait jamais cessé d’être, celui consistant à l'aimer. Mason savait qu’il ne l’emporterait jamais sur Tig ; mais aussi que sans lui, ou en le dissimulant complètement dans ses ombres, Beth perdait sa seule corde, et n’était plus qu’un corps flottant dans le vide, sans défense et sans vitalité.
Cette même corde qui descend encore et toujours jusqu’à ses abîmes, pourtant, mince filin d’or déployé jusqu’à elle, auquel peut-être le plus grand traumatisme qui lui fut infligé était de la rendre aveugle. Désolée. Beth largue instinctivement son ratatinement dès que la petite syllabe de son prénom fend l’air renouvelé par son arrivée, mortifiée de honte, incapable de ne pas y entendre une forme de fatigue, au moins de répétition. Elle ne se débarrasse pas du sentiment cinglant, si grand et envahissant qu’il relève de l’être, de n’avoir formulé ces derniers temps que des odieux mensonges ; que cet état vermineux dans lequel elle se trouve est la simple vérité, à nouveau révélée par le pouvoir des questions pertinentes, qui savent trancher dans les dissonances et les discours fallacieux. Jusqu’à quand, donc ? Jusqu’à dans dix minutes. Jusqu’à la première difficulté. Il suffirait pourtant juste de ne pas le faire, ou d’arrêter. Et grand dieu ne pas être capable d'une si simple absence d'inconvénient la dévore. Quand elle coule contre l’épaule de Tig, Beth a rien qu’envie d’y rester, à jamais : de retourner au stade fœtal dans cette matrice fabriquée à l’emporte-pièce, qu’elle chérit et dans laquelle elle se sent enfin protégée. Tout le monde qui ne se trouve pas dans l’angle formé entre le bras et le torse de son frère lui paraît sombre, hostile et dur comme une roche où l’on retombe sans cesse se fracasser la gueule. Là, elle retrouve un semblant d’accalmie, les hoquets s’espacent et les sanglots s’assagissent, dans une fatigue immense. Les paupières closes, sa respiration frénétique retrouve un semblant de constance à force d’insuffler l'odeur qui l’entoure à ses sens, la plus primitive de toutes. Débarrassée de toute conscience sinon celle du corps qui la retient, elle ne fait rien pour s’en détacher, et ne reconnaît au monde que toute sa violence quand lui doit s’y résoudre. Arrachée au tourbillon mental, au moins, suspendue dans le vide à son fil et assourdie par le grondement qui continue d’en émaner en-dessous ; Beth s'ancre dans la vue de sa main avalée par celle de Tig pour ne pas se trouver des envies de lâcher et de retourner valdinguer.
Elle gigote pour exécuter la première étape d'un plan sur mesure et se déporter docilement sur l'autre siège sans se donner la peine de sortir de son refuge. Le cuir est froid, une soudaine fraîcheur caresse ses reins et lui arrache un frisson pénible. Sitôt qu'elle sent le moteur démarrer, que son corps se fait gentiment remuer vers une perspective de mouvement, elle sent et laisse passer un rai d'énergie éblouissant et fugace : celle de changer d'avis, d'arracher la portière et de courir à toutes jambes vers un endroit moins exigeant quant à la notion d'existence. Elle coule dans son siège pour s'y ancrer davantage contre ses pulsions addictives ; et se souvient de boucler sa ceinture après quelques mètres de parking, quand l'alarme agresse l'habitacle pour le lui rappeler d'un bruit strident. On peut aller chez toi ? Beth implore d'une voix désincarnée, sans pouvoir argumenter. Elle n'a pas la force de plaider son manque de force ; celle d'exécuter tout un tas de gestes de gestion et d'accueil en son foyer. Celle d'aller retrouver l'étendue de son échec dans cet appartement encore figé dans l'instant où elle s'en allait gaiement le rencontrer : les tenues essayées et essaimées, le nécessaire de maquillage répandu et le shampoing encore ouvert, le verre d'eau qu'elle a avalé d'une rasade avant d'aller affronter le soleil, abandonné près des plaques. Rien que d'y repenser pousse une nouvelle salve de larmes au bord de ses lèvres, alors elle se concentre sur la vision de son frère ; mais il ne pourrait pas lui cacher ses traits tirés par l'inquiétude en y déployant tous les efforts du monde. Et comme cette pensée-là lui provoque des maux de ventre, Beth s'en remet à la fenêtre, où défilent les éternels acteurs plus ou moins insouciants dans le décor immuable de Clifton. Je te cause du souci pardon. elle se sent le besoin de répéter, ad nauseam, dans l'espoir d'y gerber une once de sa culpabilité ; de glisser dans les assertions les plus vagues possibles, le résumé d'une vie à provoquer ce genre de sortie de route et de souci, dans la vie d'un frère qui n'avait pas besoin de plus.
Clyde Saracen, Jean Lowe et Tig Welch aiment ce message
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Ven 11 Oct 2024 - 18:47
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
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- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
l'obscur
TW : ras
Il n'y a a pas d'amour heureux
Chassée de son siège, elle parait écrasée par le poids d’une symbolique qui n’échappe pas à Tig. Devenue passagère de sa propre existence, le temps d'avoir la force pour reprendre les commandes, elle contemple sa douleur en silence. Beth lui cède le contrôle de l’instant, lui fournit, par ce seul geste, la preuve d’une confiance absolue (dévotion qui n’est plus à prouver entre eux) mais elle lui octroie, surtout, un vague sentiment d’utilité. Sentiment toutefois précaire dès que l’attention dévie dans sa direction et qu’il la cueille enveloppée de son linceul de tristesse. Derrière le volant, il se donne des allures de meneur de meute. En réalité, il n’est qu’un loup seul face à une horde d’ombres. Il espère seulement qu’il parviendra à les repousser, juste assez pour que sa sœur ne sombre pas dans un nouvel abysse. La voiture démarrée, il leur donne l’illusion d’une direction, d’un sens à donner au reste de la journée, d’un horizon à conquérir. Absorbé par sa propre mascarade, il ne notifie l’alerte de la ceinture que tardivement et s’arrête immédiatement, le temps qu’elle s’attache correctement. L’alarme en rappel concret de la vigilance à déployer, ne résonne déjà plus que dans sa tête ensuite, couvre le son des pulsations. La requête n’est pas analysée, tout simplement déjà validée dès qu’elle la place entre eux. « Oui, bien sûr. » Il ouvrira, de toute façon, toutes les portes à sa portée pour qu’elle puisse retrouver un semblant de paix. L’œil dévie de manière régulière du bitume à la silhouette recluse dans un monde gouverné par la tourmente. Les mots s’absentent. Il n’a jamais su combler les blancs, n’a jamais réussi à les colorier avec efficacité - en tout cas, pas sans déborder ou sans tout entacher. De toute manière, il dispose d’une palette réduite de tons bien trop mornes pour parvenir à satisfaire les critères de l’exercice. Dans ce précis, il s'agit plus que d'un travail de minutie et de colorimétrie. Car le canevas est détérioré, toile percée de part en part. Et il n’a pas les capacités pour le réparer. Il n’est qu’un artisan du chaos, un créateur de confusion, de rage et de frustration. Ainsi, il n’ose même pas toucher aux perforations, de peur d’élargir les cavités.
Tig ignore si le silence la guérit ou la blesse. S’il est occupé à disséquer son cœur ou à le suturer. L’inquiétude gonfle naturellement, menace d’éclater. Tandis qu’il s’interroge encore sur les bénéfices de son mutisme, elle rompt ses pensées empoisonnées pour insérer une culpabilité qu’il refuse d’emblée. Éraflure effective pour la gorge, les cordes vocales sont touchées, ça suinte dans les sons qu'il aligne dans la foulée. « Arrête de t’excuser. » L’injonction saccage la quiétude relative d'autorité. Derrière la sévérité se planque un sentiment assez lourd pour qu’il se sente forcé de parler avec force (histoire de ne pas le laisser tout couler). Les échos se font entêtants dans l’habitacle, le ramènent à ce qu’il a entrevu de sa (sur)vie aux côtés de Mason et de son parcours anarchique ensuite pour se souvenir de qui elle était avant qu’on la réduise à ce qu’elle n’était pas (faible, incapable, démunie, isolée, inintéressante). Tig ne supporte plus ce que ses répétitions sous-entendent. Elle s’excuse encore d’exister, cherche à craquer ses os pour qu’ils occupent le moins d’espace possible, réduit le volume de sa voix pour qu’on ne soit pas obligé de l’écouter. Lui ne lui souhaite que de s’étendre à tous les endroits, de provoquer mille et un impacts, de contaminer chaque environnement d’autant de cris qu’elle en comporte. Qu’elle sorte de ces pièces sans fenêtre et sans portes pour entrevoir l'ensemble des possibilités. N’a-t-elle pas gagné l’ensemble de ces droits ? Le dos se raidit sous l’impulsion de ces constats douloureux à l'heure où l’esprit établit déjà la plus féroce des vérités. « Ça me causerait plus de soucis si tu me cachais ça que l’opposé. » La crainte qu’elle presse ses mains contre ses lésions une nouvelle fois pour les lui cacher, ne cesse de le hanter. Il porte le blâme, d’avoir été si loin alors que le mal était si près, dormait à ses côtés, respirait son air et mangeait ses repas. Puis d’avoir, ensuite, rendu si compliqué le seul fait de lui révéler l’ampleur de son désespoir. La honte n’a jamais été du bon côté mais est-ce qu’elle finira par le conscientiser ?
La façade d’austérité rendossée pour contre la difficulté de l’émotion, s’écroule rapidement et révèle une assurance nouvelle. L’établissement de leur zone de non-jugement. L’indulgence à son maximum dès que ça la concerne, immunité acquise dès l’enfance, qu’il surligne hâtivement. « Tu n’as pas à faire semblant, Beth, surtout pas avec moi. J’espère que tu le sais. » Quand bien même, la tristesse l’incommode. Quand bien même, sa détresse le désarme. Il préfère savoir, voir, entendre toutes les horreurs qui l'habitent plutôt qu’être privé de visibilité quant à ce qu’elle ressent. Pour elle, il déjouera bien son caractère naturel, abolira la pudeur et trompera volontiers sa personnalité afin qu’elle ne manque pas de bras dans lesquels se réfugier. Néanmoins, Tig respecte aussi les limites qu’il impose aux autres, refuse de s’inviter à l’endroit où le mal s’est imposé sans y avoir été convié. Mais il n’a toujours résolu son dilemme. Le silence en traite ou en allié, le silence en offrande ou en poison. La surcouche de culpabilité qu’elle lui a présentée, le pousse à trancher. Il lui offre une alternative, celle de la parole pour se libérer. Elle n’a pas à raser les murs, à se terrer pour maquiller ses hématomes. Pas plus qu’elle n’a à lui faire le récit de leur apparition si tel n’est pas son souhait. « Tu veux en parler ? » Et si elle refuse, alors, il n’insistera pas. Toutes ces roses sauvages qui ont poussé là où elle a été heurtée par le passé, menacent de se flétrir ou de piquer au moindre toucher. Quel traitement leur réserver afin qu’elles s’épanouissent, qu'elles soient les plus belles pièces de ce qui la compose ? A défaut de trouver une réponse correcte, il concrétise sa nécessité à l’action, à l’utilité en l’amenant à l’endroit mentionné.
Clyde Saracen, Jean Lowe, Elisabeth Saracen et Emmett Ludlow aiment ce message
Sam 12 Oct 2024 - 10:50
Elisabeth Saracen
p e a c eo fm i n d
le clair
Surnom :
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
Et le filin se délie, se déploie, amorce des mailles autour de son âme, suit le patron d'un filet de sécurité, probablement sans même que son tisserand ait vraiment conscience de son ouvrage. Parce que la soie solide et douce n'est pas tant faite de ce qu'il dit mais ce qu'il est, toutes les subtilités qui se dégagent de Tig et font de lui son frère : un cocon primitif de détails en fil d'Ariane vers le foyer originel. Sa façon d'arrêter la voiture et toute action au moindre signe d'insécurité (qui est le symptôme d'une terreur avilissante depuis trop d'années, mais ce soir aussi l'une de ces infinies subtilités capables d'ancrer Beth dans le monde à ses côtés) ; ou l'autorité un peu brusque, spartiate, qui le prend en guise de mot d'amour, qu'elle sait mieux que quiconque décrypter en l'infinie tendresse qui se cache en dessous. Les inflexions inexistantes de sa voix quand il parle, comme si la droiture était une valeur de si haute importance qu'elle devait se retrouver jusque dans la phonétique et la scansion. Cette façon qu'il a de dire les choses en troncatures de phrases, Diogène du dialogue, toute fioriture délestée pour traverser l'existence dans le plus abouti des dénuements lexicaux. On pourrait dire mille mots à Beth, elle en entendrait moins que dans les syllabes choisies de son frère ; et les discours d'orateurs les plus construits, les argumentaires les mieux déployés, auraient pour elle moins de sens que ce qu'il lui dit. Je sais. s'efforce-t-elle de répondre aux vérités économes qu'il déploie en se dispensant des thèses et antithèses, des faits déclarés aussi bien que le bleu du ciel ou l'humidité de l'eau. Sait-elle, pourtant ? Si un seul être au monde peut revendiquer un tel pouvoir, celui de tout entendre de Beth sans que la moindre particule d'avenir n'en soit déplacée, la moindre différence faite, c'est Tig et seulement Tig. La question est plutôt de savoir si un tel être existe seulement ; s'il est un discours, quelle qu'en soit la forme, capable de la convaincre que le ciel est bien bleu et l'eau ben humide. Sa honte, à Beth, est telle que dans ces faits elle entend aussitôt des erreurs et des hypothèses mal parties. Il ne s'agit même plus de savoir s'il peut tout entendre d'elle, mais seulement si elle mérite une telle dévotion, la raison physico-chimique qui rend le ciel bleu, l'eau humide. L'obscurantisme contre lequel Tig doit aller se battre seul n'est pas la honte ; il creuse ses racines bien plus profondément que ça, dans une détestation cruelle et aveugle de tout ce qui la compose.
Le rendez-vous s'est pas bien passé. Beth scande d'une voix blanche après un silence lourd et confus à sa proposition, une longue contemplation des forces qu'il lui reste et de leur suffisance à remettre le museau dans ce drame vertigineux et tourbillonnant ; les mirettes abaissées sur ses mains tordues, à se gratter et se pincer les pulpes sous les ongles en manifestations anxieuses. Il doit s'en douter bien-sûr, mais il s'agit moins de dire une éblouissante révélation que de trouver une accroche au discours. Il était une fois. Je sais pas à quoi je m'attendais. Mais pendant une seconde j'ai. Beth déglutit ce qui lui semble déjà être un reflux de larmes dans le gosier, et doit respirer quelques secondes les yeux fermés avant d'articuler la suite de son discours, regarder à nouveau le mal dur et grouillant sur lequel elle s'est mille fois désintégrée - depuis la sécurité de son filet fragile. J'ai cru entendre maman.
Elle ne blâme pas Clyde, et ne croit pas qu'il serait utile de décortiquer les mots et le ton, maintenant. En un sens elle aurait le sentiment de trahir une confession après l'avoir arrachée de force, en racontant les moindres détails de sa réaction. Tout cela en dit moins sur lui que sur elle - ses vicissitudes, le mal qu'elle lui a infligé, et ce vers quoi elle tend chaque fois qu'elle y est confrontée, cet état larvaire improductif gigotant sous la douleur. Qui est Clyde, c'est Jean ou Emmett, peut-être même Tig ou Austin qui en parleront toujours mieux qu'elle ; l'homme face à elle relevait moins de l'être que de la réaction. Qui est Beth pour engendrer une telle réaction, songe-t-elle, c'est toute l'ampleur du problème. J'ai vraiment essayé tu sais. Après le départ de Mason. Je sais que ça en a pas l'air mais j'ai vraiment. Essayé. C'est le récit caché sous les affres qu'ils ne cessent de traverser. C'est l'histoire que Beth n'a jamais vraiment racontée. Le secret que Tig s'écorche de subir, que Clyde a dû porter, et que les autres n'entendront probablement jamais. Il veut la connaître, cette histoire, et Beth en est au point où elle n'arrive même plus à lutter pour la conserver en elle. Et tant pis, vraiment tant pis, si tout est perdu après, même lui. Il était une fois une fille qui entendait des voix.
La première fois que j'ai bu seule c'était pour oublier la douleur. A ma sortie d'hôpital le moindre geste me faisait mal, les médicaments aidaient pas et j'avais peur de la surdose si j'en reprenais alors... Dans sa contemplation du vide qui lui semble avoir empli l'habitacle protecteur, Beth se donne la peine de sourire maigrement, avec un léger amusement, d'avoir trouvé sincèrement que le mélange était moins effrayant que de simples médicaments. Il était une fois une fille qui entendait des voix et qui ne savait pas comment les faire taire. J'ai presque fait un coma je pense mais au moins pendant quelques heures j'ai oublié. La douleur. Son absence. La voix de maman qui arrêtait pas de me dire que j'allais tout rater. C'était la première fois que je dormais vraiment depuis des semaines alors j'ai recommencé, la nuit, quand Clyde était couché. Un jour j'ai compris qu'il en voyait plus que ce que je croyais, j'ai vu son angoisse quand il me regardait, donc je me suis dit qu'il était temps d'arrêter. Mais tout était tellement dur. Elle doit se taire une fois de plus, déglutir d'autres reflux, respirer à nouveau. Il était une fois une fille qui entendait des voix et qui ne savait pas comment les faire taire, alors elle a cru que tout oublier l'aiderait à avancer. J'étais seule, j'avais jamais travaillé, pas d'argent, et tout ce que la lucidité m'apportait c'était de me répéter que j'y arriverais jamais. De les entendre. Maman. Mason. Toute la sainte journée. Chaque fois que j'ai pensé à demander de l'aide, j'entendais Mason me dire que je la méritais pas et qu'on allait m'enfermer. Y a que quand je pensais à parler de mon problème que je réalisais que j'en avais un, mais j'étais sûre qu'après tout ça je serais impardonnable, et que je méritais pas vraiment d'être pardonnée, mais que si on m'enlevait Clyde j'aurais plus de raison de vivre. Donc j'ai recommencé, pour le garder, plutôt que de nous aider. Et quand je buvais j'arrivais au moins à trouver le courage de me lever pour chercher du travail, ou regarder les factures, avant de finir par en abuser. Je sais pas combien de temps je me suis convaincue que ça m'aidait, que j'arrivais à le maîtriser, que je m'arrêterais quand tout serait rentré dans l'ordre. C'est jamais rentré dans l'ordre. Il était une fois une fille qui entendait des voix et qui ne savait pas comment les faire taire, alors elle a cru que tout oublier l'aiderait à avancer, mais au bout du compte elle a aussi oublié qu'elle avait un fils. Le jour où il a rejoint les Bloody Eagles j'ai réalisé le temps qui s'était passé, et à quel point j'avais perdu le contrôle, j'ai tout arrêté, pour de vrai. Et c'est la pire expérience que j'ai jamais vécue. Elle pèse ses mots, même au milieu de tous les autres maux. Et cette expérience là l'arrête une fois de plus, Beth, plus longtemps encore. La souffrance. Le manque. Le delirium tremens. Le réveil à l'hôpital. Et la souffrance à nouveau. Quand j'ai replongé cette fois j'étais convaincue que je pourrais jamais de nouveau supporter une telle douleur et j'ai juste... j'ai abandonné l'idée. Il était une fois une fille qui entendait des voix et qui ne savait pas comment les faire taire, alors elle a cru que tout oublier l'aiderait à avancer, mais au bout du compte elle a aussi oublié qu'elle avait un fils, et à la fin elle s'est aussi oubliée elle-même.
Et voilà la terrible histoire, le récit exposé sans faux semblant de sa terrible médiocrité. Beth est pas certaine que l'avoir dégobillé lui sera bénéfique - si une chose, elle se dit qu'elle a juste annihilé une partie de l'amour de son frère, mais qu'elle est épuisée de mentir juste dans l'espoir de la conserver. Et il souffre, lui, d'avoir été toujours cinglé par son secret ; alors si elle peut au moins le soulager d'une partie de son fardeau, elle aura accompli quelque chose dans son grand néant de déboires, peu importe finalement le reste. Tout ce que je voulais c'était le rendre heureux, cet enfant. La seule chose. Le seul... Le seul objectif d'une existence qui par ailleurs, n'a jamais pu prétendre en avoir vraiment. C'était censé être indérogeable. Immuable. Inconditionnel. Et cette fois il existe pas de silence ou de respiration pour empêcher la douleur dont cette idée l'inonde, à chaque fois. Mais t'aurais dû le voir. T'aurais dû voir ses yeux. Beth retrouve ses sanglots compulsifs rien que d'y repenser ; et si l'oublier est devenu hors de question, ça ne rend pas le souvenir moins insoutenable pour autant. Je veux plus le voir. Plus jamais. Si c'est pour lui faire mal comme ça je veux plus le voir. Elle hoquette, en se tournant pour s'écraser sur la fenêtre, tolérant difficilement à nouveau l'existence du monde, l'idée d'un regard pour assister à sa honte. Et je veux pas qu'on me pardonne Tig. Je veux pas qu'on soit compréhensif avec moi tu comprends ça ? C'est tordu. C'est mal. C'est mal de la consoler après ce qu'elle a fait. C'est mal d'être là avec elle et pas ligué dans une punition méritée. C'est que l'épuisement les rend fines comme du papier à cigarettes, les barrières entre les mondes de Beth, entre la conscience des faits réels et cet inconscient plein de détestation, qui la noie dans ses sanglots. Si aujourd'hui, elle peut accepter autre chose quand elle va bien ; dans cet état la punition et le mépris demeurent le premier langage conscientisé, comme il dit, et le seul qui a le moindre sens pour elle. Me pardonne pas. S'il-te-plaît. Me pardonne pas.
Clyde Saracen, Jean Lowe, Tig Welch et Emmett Ludlow aiment ce message
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Sam 12 Oct 2024 - 23:43
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
l'obscur
TW : ras
Il n'y a a pas d'amour heureux
L’eau se fraie un passage, d’abord timidement. Il s’échappe par l’interstice d’une porte. Cogne ensuite le bois plus rudement. De légères fuites en flots ravageurs venus faire céder les gonds. C’est un océan de douleur qui s’abat à l’intérieur, inonde la totalité du foyer qu’ils ont toujours formé. Ça montait à la cave depuis une multitude d’années et il le savait qu'éventuellement, la canalisation finirait par péter. Il le souhaitait même‧ Enfin, les rénovations peuvent s’amorcer. Sans doute, qu’il a encore oublié que lui n’est bien qu’un artisan du chaos, un créateur de confusion, de rage et de frustration. Ou alors c'est qu'il veut prétendre pouvoir déjouer ça aussi aujourd'hui. Les yeux n’osent plus aborder cette silhouette croquée par sa tragédie. S’il mobilise tous ses sens pour appréhender son récit, il succombera sans doute à la violence de ses émotions. Alors il s’en tient à fixer la route droit devant lui, à s’attarder sur tous les détails familiers de cet environnement, afin d’y dénicher un certain apaisement. Comment prétendre à la neutralité et la sérénité alors qu’ils sont proches de la noyade désormais ? Plus elle poursuit sa narration, plus l’horreur gagne un relief singulier. Pas d’atmosphère installée, pas de suspense pour gonfler le niveau de stress, juste une menace concrète, directe, armée et prête à tout éliminer. Les doigts se resserrent naturellement autour du volant à mesure que les mots plantent des scènes tangibles et des sentiments viscéraux. La gorge se resserre sous l’impulsion de ces réalités qu’elle a omises et qu’il a dû deviner. L’incendie dans les poumons projette une colonne de flammes dans le larynx. Il cesse de respirer pendant une poignée de secondes, sent sa vigilance s’abolir à mesure que la fin du récit déploie une multitude d’ombres pour absorber les contours de sa sœur. L’aveu de la lézarde interne, la confession de trop, entame rapidement le sang-froid de façade. Il ne lui accorde qu’un seul et unique regard, celui qui ne ment pas, qui n'esquive pas la gravité du moment. L’œil détérioré par le vide qu’elle a évoqué, hanté par tout ce qu’elle sous-entend, percé de part en part par une détresse brute. Jamais, elle ne sera libre. Jamais, elle ne s’autorisera à faire entrer un peu de lumière. Dans sa pièce sans portes ni fenêtres, elle s’est totalement barricadée. Combien de temps avant qu’elle ne finisse par y étouffer ? Tout s’éclaircit alors que l’obscurité a pratiquement gagné. Deux options s'offrent à lui dans ce moment à bascule où tout peut s'écrouler ou être rattrapé. Il peut s’asphyxier, céder à cette panique qui lui comprime la poitrine et lui broie l’estomac, sustenter les sanglots de Beth de sa propre affliction. Ou résister, de toutes ses forces, pour démolir ses propres tares, pour incarner cette rage d’autrefois entretenue afin de vaincre les circonstances. Cette fois-ci, il brisera ses maudits murs, la tirera de force de son tombeau sans issue et sans vitres.
La trajectoire change brusquement en conséquence, la bagnole rejoint un emplacement sur le bas-côté assez sécurisé pour lui permettre tous les excès. Le moteur est même coupé avant qu’il ne soit tourné vers elle. La détermination se pare d’une férocité inutile. Le loup a relevé les babines, attaque ces ténèbres directement à la source comme il peut. « Et toi ? Tu ne comptes jamais te pardonner alors ? » Il peut humer cette odeur âcre de sang depuis le siège qu’elle occupe. Tout ce qu’elle a saigné pour parvenir à lui exposer les pans les plus intimes de sa douleur, pour lui tendre à bout de bras un cœur broyé et définitivement infecté. « Tu n’es pas indigne d’être aimée ou pardonnée. » Qu’elle chasse l’obscurité de ce palpitant, qu’elle le sèvre de la pénombre qui l’a investi. « Tu m’entends ? » Il pourrait le crier, voudrait pouvoir hurler ces vérités qu’elle refuse d’entendre mais la lucidité l’en préserve. Toute la barbarie ressentie, doit être abolie. Toute la pudeur cède sous cette brutalité contenue à l’intérieur, dans l’urgence à contrer le prochain drame. « Ne les laisse pas entrer dans ta tête encore maintenant. Mary et Mason n’ont jamais été capables d’aimer qui que ce soit. Mais ce n’est pas ton cas. Tu n’as jamais été comme eux. » La mention du titre honorifique pour leur génitrice résonne encore comme une mauvaise blague dans sa tête. Il tente d’écarter ses lésions de la conversation, de les enrouler dans des bandages de mauvaise qualité le temps de consacrer à sa sœur, l’ensemble de sa pensée. « Tu as fait des erreurs, oui. Elles sont à la hauteur du merdier dans lequel tu as grandi et de l’enfer que t’as vécu ensuite. Ça, ce sont des faits objectifs. » Qu’elle ose encore le défier sur ça. Il se battra corps et âme pour qu’elle le reconnaisse. Sa défaillance en tant que parent et toute la colère de Clyde ne pourront jamais rien y changer. Elle a débuté sur les mauvaises bases et a poursuivi son trait sur une feuille déchirée, avec la mine cassée. « Notre patrimoine génétique nous donnait une chance sur deux de souffrir d’une addiction. Ça aussi, ce sont des faits. Explique-moi, pourquoi tu devrais vivre ta vie comme si tu étais responsable d’absolument tous les malheurs de ce monde ? » Seulement de ceux de son fils, il semblerait. Il aimerait pouvoir s’emporter à ce sujet, nourrir sa rancœur maintenant que son neveu a renvoyé sa mère dans des souterrains condamnés. Mais une partie de lui se sent tout autant coupable de cette agonie métamorphosée en mépris. Et l’autre le comprend à un niveau qu’il ne soupçonnera jamais. La rage pour se protéger, la cruauté pour s’éviter la prochaine crevasse. Clyde est comme lui, atteint de la même faiblesse, vulnérable aux assauts de ceux qui comptent et prompt à l'attaque pour masquer cette fragilité. Il n’y a pas d’armure si la muraille est éventrée, rien pour les sauver. Là où Beth affronte, confronte et tombe. Fait preuve d’une bravoure répétée et sans conditions pour ne rien laisser au hasard, quitte à se blesser. La peau plus dure que la leur, elle parvient toujours à se relever - même s’il lui faut tituber. Comment ne peut-elle pas le remarquer ? D’entre eux, c’est elle, la plus forte.
Tig se racle la gorge, tente de calmer les vibrations de sa voix mais dès qu’il n’y applique plus la même ferveur, la mélodie se casse par endroit. Il effleure sa propre vérité en attaquant ce morceau. « Tu n’as connu que la survie. C’est le cas de Clyde aussi. Pour survivre, on prend les décisions qui s’imposent sur le moment. Pas celles qui sont justes, logiques ou même en accord avec la personne qu’on est. Juste celles qui permettent de ne pas crever. » Il fonce droit sur le triangle des Bermudes, conscient que le prénom du fils n’amènera que la tempête et précipitera leur perdition. « Mais c’est un mode, un fonctionnement. Ce n’est pas ce que tu es. Ni ce qu’il est, lui, réellement. » Encore faut-il qu’il sorte de cet état un jour. Et là-dessus, il la rejoindra. Lui aussi craint qu’il ne trouve jamais la paix. Mais pour l’heure, Tig n’a pas assez de force pour tolérer ne fusse que l’esquisse de ce songe-là et préfère se concentrer sur son travail d’orfèvre. Il sertit le métal rouillé de toutes les gemmes à sa disposition. « Tu ne crois pas que tu as assez souffert, Beth ? Il faut que tu sois sûre que tout le monde te déteste en plus ? » L’injustice lui cintre la poitrine, lui étrangle le cœur. « Je n’en suis pas capable de toute manière. » Après cette éternité à lutter contre tous les démons conviés dans l’habitacle, il relâche enfin le volant qu’il comprimait jusque-là de ses doigts et se décide à traverser l’espace-temps pour rattraper la mimine opposée, redevenir cet enfant qui l’emportait loin de Mary et de Joe. Il porte sur elle, l’ensemble de son affection, les deux ciels ouverts sur l’immensité de ce sentiment indestructible. « Tu es bien plus que ta maladie. Bien plus que la personne que tu as dû devenir pour survivre. » Bien plus que la mère qui a dysfonctionné aussi mais il se retient de l’ajouter, jongle comme il peut avec ces tabous bien intégrés. « Le seul mal qu’il y a ici, c’est celui que tu te fais. Et je ne peux pas l’accepter. » L’intonation redevienne propre à elle-même, gorgée d’inflexibilité et de dureté pour clôturer le débat autour de cette requête insensée. « Je refuse de l’accepter. » Et il refuse de redémarrer tant qu’il ne s’est pas assuré que ce message-là soit bien passé.
Clyde Saracen, Jean Lowe, Elisabeth Saracen, Emmett Ludlow et Jared Cassidy aiment ce message
Mar 15 Oct 2024 - 17:00
Elisabeth Saracen
p e a c eo fm i n d
le clair
Surnom :
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
Du fond de de ses gesticulations morbides, Beth sent la déviation et l'arrêt du véhicule – elle n’a bientôt même plus les ronronnements du moteur pour remplir la chambre d'écho terrible qu'est devenu la caverne de son âme. Le silence, si bref soit-il, l'assomme étrangement, à lui donner des acouphènes, et lui fait à nouveau réaliser la porte qu'il suffirait d'ouvrir pour aller s'égarer dans sa forêt hostile et insonorisée. Sachant déjà qu'elle a tort, une irréductible partie d'elle-même se dit que Tig s'est arrêté pour suivre le même plan, pour la chasser hors de l'habitacle, soit dégoûté de ses méfaits, soit lassé de ses jérémiades. Dans les deux cas, elle a bien travaillé, suffisamment appris que ça n'avait aucun sens, que c’était une idée parfaitement saugrenue. Mais c'est pas parce que c'est logique, Beth. C'est parce que t'en as envie. Qu'il devienne froid ou même brutal, fatigué de lui courir après, grandiloquent peut-être : qu'il lui présente un ultimatum grossier dans le pieux espoir de la réveiller. Ou même qu'il emprunte les notes de son fils, c'est peu probable, qu'il chante la même partition et assassine pour de bon ce tout aussi irréductible espoir, cet entre-deux dans lequel elle agonise. Que tout ça soit tranché une bonne fois pour toutes, comme on abat un animal. Puisque tu veux donner dans les confessions, avoue lui donc le véritable inavouable : que ce serait plus simple, s'il te donnait raison. Que tous ces gens qui t'aiment et te maintiennent à flots sont aussi les geôliers d'une cage de conscience intolérable, d'un monde soi-disant meilleur où l'oubli n'est pas toléré. Que tout serait plus simple, s'ils avaient tous le même discours. Qu'il existe une tentation indéniable à n'avoir plus rien à sauver. Après tout, si c'était vraiment trop tard, personne ne pourrait te reprocher d'arrêter d'essayer. La vérité c'est qu'il y a comme un air de châtiment éternel à être aimé à jamais. Que l'amour inconditionnel d'un filet au-dessus du vide, c'est aussi un purgatoire entre deux dimensions, où on ne sait remonter ni ne peut chuter.
Mais Tig n’est pas homme à se laisser avoir par un piège aussi grossier qu’une succession de blâmes bien choisis et semi formulés, tartinés d’une voix penaude (presque à croire qu’elle ne veut peut-être pas vraiment se faire détester, Beth, finalement, et qu’il y a une graine de conscience à l’avoir appelé lui en sachant qu’il ferait un accusateur déplorable). C’était pourtant une bonne candidate, que son intransigeance ; un jour il sera peut-être temps d’accepter qu’elle en est parfaitement épargnée, et même que ce n’est pas seulement la manifestation d’amour irrationnel d’un frère, qu’un certain « mérite » n’y est pas parfaitement étranger. Cet amour-là, il perce des trous dans son armure de béton armé pour l’en faire échapper autant qu’il le peut et le distiller sur elle, goutte à goutte, dans une épreuve d’acharnement contre soi qu’elle imagine bien. C’est pour ça que Beth n’y répond pas obstinément par le Non, au sujet du mérite de cet amour, davantage dans l’effort de ne pas le rejeter que dans une quelconque légitimité d’acceptation. Comme quoi alors ? Comme si c'était pas grave ? se rebiffe-t-elle juste un peu, entre deux chevrotements, les paupières fermées comme pour s’en cacher chaque fois qu’il est question de tendresse mais un peu apaisée de sa crise par tous les mots qui se distillent, et l’appel primal de la voix qui les sort de l’armure, la bouche collé au béton. Bien-sûr, qu’elle pourrait le défier. Devant tous les faits, il y a mille expériences de pensée à répondre ; face à ceux-là, un dédale sans fin sur les explications et les excuses, la rédemption des uns et non des autres (qu’est-ce qui rend le destin de Mary et de Mason si moins justifié que le sien, quand arrête-t-on de brandir le déterminisme en excuse ou en raison). Et pour chaque hyperbole bien-sûr, une exagération contraire. Tig est bien naïf s’il pense qu’elle n’a jamais entendu de tels discours, et rédigé en elle-même une encyclopédie entière de réponses. Bien-sûr qu’il y a quelque chose de fondamental à l’entendre de sa bouche ; mais non moins un avenir tragique où il s’épuisera à le lui dire sans jamais être entendu, à se battre seul contre les démons de sa sœur sans qu’elle daigne lui prêter plus qu’une assistance symbolique pour végéter ainsi dans son entre deux. Un destin qui ne dépend pas de Tig, ni même de Clyde, de personne d’autre qu’elle bien entendu.
C’est la suite qui ébranle la fâcheuse obstination de Beth à se morfondre, assez pour dissiper un peu le mutisme. Parce qu’elle entend sans même y construire la moindre pensée, l’évidence du pont qu’il est en train de faire avec lui-même. Et c’est ainsi, dans la compassion de l’autre, que tous les mots commencent à s’orchestrer timidement dans un discours cohérent et audible, difficilement révocable celui-ci. Parce que ça oblige naturellement Beth à retrouver ses yeux qu’elle fuyait maladivement, dans un réflexe de soutien pas réfléchi. Parce que le débordement de tristesse qu’elle sent poindre à l’entendre parler de sa survie, rend déjà risible qu’elle n’en soit pas capable pour elle-même. Et enfin, que derrière son frère livré à l’exercice difficile de ses confessions détournées, pudiques, il y a des voitures qui défilent. Qui sait ce qu’elles contiennent ; pourquoi pas une violence émotionnelle du même acabit.
Il est un certain égocentrisme dans le martyre, un manque d’humilité à se penser responsable de tous les malheurs du monde. S’il faut entendre que Clyde est traumatisé au point de se contenter de surprise, qu’il souffre autant qu’elle voit son frère souffrir parfois, Beth ne pas comment elle pourrait s’en trouver réconfortée. Mais s’il faut comprendre qu’il y a là une certaine fatalité, en tout cas des choses qui ne relèvent pas entièrement de la décision éclairée, alors… en ce sens elle n’est qu’une particule d’anomalie dans un univers entier d’erreurs, soumise à la même entropie des déboires de l’humanité. Son destin prévaudrait-il tellement sur les tragédies de la famille Lowe, la solitude d’Austin, les souffrances bétonnées de son frère, qu’il mériterait un traitement particulier, un purgatoire customisé. Ce qui la caresse d’une tiédeur inattendue, Beth, ce n’est pas tant de ne pas être fautive tout à coup, que de ressentir une sorte de perspective sur un monde d’autres, où sa faute ne serait pas si importante que ça. C’est un univers entier de souffrances qui ne sont pas les siennes mis en lumière. C’est la vie de son frère lue comme une partition tronquée par une boîte à musique délicate sur le siège d’à côté. Et la giclée de terreur qui la prend avec la violence d’une illumination quand elle le regarde, à l’idée qu’elle s’apprêtait à aller là où elle ne pourrait plus l’entendre, une cave insonorisée loin des berceuses blessées, pulsatives et résistantes de son existence à lui.
Je veux pas que tu me détestes. Une autre bouderie s’échappe alors comme un murmure alors en ce sens. Elle a conscience que c’est en contradiction directe avec les suppliques déchirantes de son âme, plus tôt ; c’est le problème d’être coincée entre deux mondes. Mais elle veut pas, en fait. Ca l’affole, ça la terrorise même, une fraction de seconde là sur son siège. Ca lui inspire presque de la révolte. Elle réalise. Elle veut pas partir. Elle veut pas oublier. Elle veut pas les perdre. Elle veut pas rater une seule minute supplémentaire, fusse-t-elle mauvaise, ou même insupportable. La souffrance vaut la peine, si elle veut dire continuer à ne pas louper la vie des autres. Même si c’est rien qu’un spectacle de trains de gare. Ils sont beaux, ses trains, et elle les échangerait pour rien au monde ; autant qu’elle n’aura jamais rien de mieux à faire que d’attendre celui de son fils, et même si c’est à jamais sans le voir. Peut-être... Beth rabaisse les yeux pour trouver de quoi ouvrir la bouche, sur la main qui s’est de nouveau déployée contre la sienne et ne demande qu’à s’entendre autoriser une traction pour l’emmener loin de son propre carnage. Mais ce discours-là, elle le trouve étonnamment décousu, elle n’a pas une encyclopédie entière d’espoirs dans la caboche. Peut-être pas tous les malheurs du monde. A défaut de pouvoir articuler en romans le sentiment qui la prend, Beth choisit de tourner sa concession sur le ton de la dérision, qu’elle trouve en soi porteuse de légèreté, donc d’espoir. Quand elle retrouve le visage de son frère, la cire luisante de son visage semble même moulée d’un sourire menu, qui atteint certes difficilement ses yeux bouffis de larmes. Et elle sait pas trop combien de temps elle reste-là à le regarder, comme enfin retrouvé sur un quai de gare. Beth sait que ce n’est pas complètement suffisant, qu’il va falloir un peu plus que l’amour des autres pour remonter à la surface. Qu’en un sens elle n’a pas vraiment contredit son propos précédent ; ni encore rien fait, en revanche, pour aller dans le sens de ceux qu’il se débat comme un diable pour lui déployer. Ça demande beaucoup d'amour, et de compassion, de pardonner un mal qui a pas été réparé Tig. Je suis pas sûre d'avoir ça en moi. Pas pour elle-même – ça revient à lui demander de remplir la surface d’un lac presque tari avec des paniers percés de part en part depuis l’enfance. C’est bien pour ça que Beth a employé la stratégie bien plus naturelle de la balance jusque-là, entre martyre et réparation. Qu’elle y a déposé des poids aussi dérisoires que les tisanes et les journées de travail pour espérer faire décoller en face, même un peu, la charge avilissante de ses propres fautes. Le raisonnement a trouvé sa limite : elle est forcée de regarder l’idée qu’elle ne pourra peut-être jamais vraiment faire amende honorable auprès de son propre fils, sa principale victime. Elle sait pas, comment on se relève de ça. Sa seule certitude, à Beth, c’est de ne pas avoir le choix si elle veut garder les autres : que d’attraper le filin d’or et de sortir de la caverne, d’une façon ou d’une autre. Y a pas de solidité sans un tout petit peu de foi ; et même si son fils était un jour prêt à l’écouter, comment diable pourrait-elle le convaincre de cette solidité, cette fois, si elle y croit pas. Mais je vais chercher. Et comme pour sceller sa promesse, Beth coule dans les bras de son frère dans le verrou d’une étreinte ; dans les maigres forces qu’il lui reste et qu’elle déploie autour de son ancrage, y a moins de désolation de lui causer tant de problèmes, que de reconnaissance à être venu les affronter pour la chercher, cette fois. Je t'aime plus que tout, tu sais. Plus que le refuge familier de la souffrance, il faut croire.
Jean Lowe, Tig Welch, Emmett Ludlow et Jared Cassidy aiment ce message
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Dim 20 Oct 2024 - 17:06
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
l'obscur
TW : ras
Il n'y a a pas d'amour heureux
L’oxygène se raréfie à mesure que l’habitacle se gorge de silence, comme si le son était le seul élément à pouvoir remplir ses poumons. Mary et Joe les ont éduqués dans ces conditions. Tig et Elisabeth ont dû pousser au cœur de ce néant, sans paroles et sans encouragements. Pendant si longtemps, Tig s’est cru sourd mais la vérité, c’est que ses parents l’ont surtout rendu muet. Personne pour parler mais surtout, personne pour écouter. Personne sauf sa sœur devant qui il peine encore à aligner quelques mots saturés de sincérité. C’est une lutte menée sans cesse contre ce handicap que le temps n’a pas atténué. Ainsi quand le calme se réinstalle, il se met à craindre qu’elle ne soit atteinte du même mal, désespère à l’idée d’être à nouveau replongé dans l’absence totale de sonorités. Pour lui, c’est un aveu d’échec, de revenir au point de départ là où leurs géniteurs les ont piégés. Après toute l’énergie dépensée (surtout celle de Beth, elle a redoublé d’efforts là où il s’est contenté du minimum) afin de dépasser ces infirmités, redevoir compiler avec ces entraves accentue l’espèce de fatalité à laquelle les Welch les ont condamnés en les mettant au monde. Le temps que ça dure, dans l’expectative de sa réaction, il égare une part de son audace, fait état d’une fébrilité que son organisme parvient, par chance, à cacher. Quand enfin, Elisabeth le libère de cette sentence, qu’elle lui prouve qu’elle a bien échappé aux prédispositions du mutisme et de la surdité, il se remet à respirer correctement. Elle l’a entendu, réellement entendu et ça suffit à justifier son acharnement, à rebattre les cartes. A lui faire croire qu’ils seront plus que les rejetons de la médiocrité. A lui rappeler qu'il n'est pas tout à fait muet, pas s'il a quelqu'un pour l'écouter. L’espoir rallume un brasier au fond de la poitrine, le reflet des flammes réchauffe la surface de l’océan. Il projette cette chaleur dans les prunelles opposées.
Quelques craquelures se discernent dans les propos renvoyés, elle ne lui ment pas (jamais) et il préfère ça. Elle ne lui cache pas que le travail sera ardu et de longue haleine. Mais il ne lui demande pas de guérir dans l’heure ou même dans l’année. Il voudrait pouvoir lui dire qu’elle peut puiser ce qui lui manque chez lui, il est apte à lui fournir tout ce qu’elle dit ne pas posséder. Lui déborde de compassion pour l’enfant qu’on a négligé, l’adolescente qu’on a mal guidée et l’adulte qui a été brutalisée. Il est tout autant submergé par l’amour qu’il porte à cette sœur qui l’a tiré d’une solitude insoutenable et lui a permis de récupérer, en chemin le cœur que leurs géniteurs n’ont pas daigné lui accorder. Un gosse qui grandit sans affection, qui ne connait la cruauté et l’indifférence, ne peut devenir qu’insensible. Principale gardienne de son humanité, Elisabeth s’est assurée en débarquant dans leur foyer, de le soustraire à ce sort peu enviable et à lui concéder cette capacité à aimer de manière inconditionnelle. Si seulement, elle pouvait enfin se rendre compte de sa valeur. Si seulement, elle pouvait réaliser une bonne fois pour toute, qu’elle ne peut pas être la source de tous les fléaux quand il lui doit absolument tout. Qu’il n’y a rien de plus important pour lui qu’elle. Qu’à ses yeux, peu importe les épreuves, peu importe les faux pas, elle restera la lumière qui a corrompu l’obscurité, qui a donné une chance au loup de ne pas se tourner vers l’isolement prolongé, d'attaquer toutes les âmes qui traverseraient sa forêt. Sans elle, qui sait ce qu’il serait devenu ? Un monstre de glace et de malveillance. Il préfère ne pas y penser. Cette version de lui est déjà suffisamment imparfaite pour qu’il affronte ce qu'il aurait aisément pu incarner. Les hypothèses foutraient presque en l’air ce qu’elle accomplit pour lui, rien qu’en existant alors ça ne l'intéresse déjà plus.
Surtout qu'elle réitère, encore une fois, tous les miracles en souriant à travers ses larmes, en lui prouvant une fois qu'elle possède une force inépuisable. Ses bras s’ouvrent immédiatement quand elle les réclame. Il la maintient contre lui et accepte qu’elle le renvoie au prodige réalisé dès le premier cri, de lui greffer un organe si prompt à ressentir toute l’intensité de son affection. Ses déclarations, rendues puissantes par la brutalité de sa sincérité et l’authenticité issue de sa simplicité d’expression, trouvent toujours difficilement une réponse adaptée. Il ne sait pas comment ne plus être muet. Se rend coupable de pudeur et réarrange sa communication comme il peut pour ne pas laisser ce crime impuni. L’intonation enrobée de douceur, coule entre eux après une éternité, porte tout le poids de sa tendresse. « Si seulement tu pouvais rediriger vers toi, un centième de tout ce que tu donnes aux autres... » Alors sans doute, qu’elle sera déjà totalement sauvée, exempte de ces tourments qui l’enchainent injustement au passé. A ce songe, il veut rétablir toute la vérité, ajouter que sans elle, il ne sait pas ce qu’il aurait fait. Sauf qu’évoquer cette faiblesse lui parait risqué en l’état actuel des choses alors il remanie l’idée de sorte qu’elle soit plus tolérable et moins dramatique. « Et je parle en connaissance de cause. » Il recule légèrement pour pouvoir disposer une paluche contre sa joue.
Le ciel se confond à la mer, il floute la distance émotionnelle restante pour ancrer ce qu’il a cherché à lui signifier plus tôt. Que ça puisse s'infiltrer à l'intérieur, que ça soit une certitude renforcée de son côté. « Et toi, tu sais que rien ne pourra jamais changer ce que je pense de toi, ni ce que ce que tu représentes pour moi ? » Elle pourrait mettre ce monde à feu et à sang qu’il ne serait pas en mesure de l’ériger en génie du mal. Elle dispose de tous les droits qu’il n’accorde pas aux autres et elle ne les perdra pas, peu importe les choix qu’elle fera. « Absolument rien. » Il scelle son serment avec solennité avant de doucement s'écarter pour mieux replacer son dos au fond du siège et cloturer ces confessions troublantes. Il doute que les mots suffisent encore après ça. Alors il leur octroie ensuite, un semblant d’apaisement en redémarrant, en reprenant sa trajectoire là où il l’a abolie. Le mouvement reste salutaire de son point de vue, lui donne l’impression d’injecter un dynamisme à ce qui stagne inutilement. Dans cette optique, il se permet d’aborder le changement à venir, celui qu’il leur faut célébrer à tout prix. La chaine la plus lourde a été sectionnée. La défaite essuyée avec Clyde ne devrait pas minimiser cette victoire-là. « Tu sais déjà quand ton changement de nom sera effectif ? » Bien qu’être née Welch n’ait rien d’une bénédiction, au moins ne sera-t-elle plus associée au bourreau qui l’a détruite. Ça ressemble au signe le plus clair, le plus définitif et le plus rassurant de sa volonté à avancer. Il tente de s’en assurer en plaçant entre eux une question essentielle. « Tu te sens prête à redevenir Elisabeth Welch ? » A défaut d’être affiliée à une famille plus honorable que celle qu'elle a quitté, ils seront enfin à nouveau reliés par le même nom. Et ce constat suffit à atténuer tout le mépris que Tig a nourri à l’égard de cette partie de son identité.
Jean Lowe, Elisabeth Saracen et Emmett Ludlow aiment ce message
Lun 21 Oct 2024 - 17:40
Elisabeth Saracen
p e a c eo fm i n d
le clair
Surnom :
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
Beth se sent déjà un peu plus solide dans son étreinte, plus un corps terrestre qu'une poupée d'eau visqueuse sans forme et sans consistance, dont l'unique ambition serait de couler loin de toute chose tangible. Les illusions terribles que le désespoir peut créer, comme un sentiment inextinguible de fin des temps, semblent avoir perdu en miroir de leur proximité et leur robustesse, ne laissant que des formes plus abstraites et évanescentes dans l'horizon de sa fatigue immense. Elle essaye de réceptionner les propos de Tig sans élaborer, même s'ils lui apparaissent comme un souhait fervent à un dieu ou un génie malicieux. C'est plus facile, quand on aime, d'aimer les autres : sans compter chaque erreur ou négliger de les contrebalancer avec de bonnes choses, qui ont toujours un poids plus petit de normalité, de c'était la moindre des choses. Parce qu'on a la vie entière pour décortiquer leurs nuances, tant et tant d'occasions d'énumérer, ou de dépeindre, une liste réductrice mais toujours croissante, un portrait complexe de ce qui les compose et qu'on aime. Quand la conscience n'est qu'une existence de ressentis bruts, l'expérience une loupe qui regarde en arrière, pas toujours avec charité ; quand on sait si bien détester ou ridiculiser les âges qui ont précédé le nôtre. Les impulsions créent des émotions qui créent des impulsions et l'on est condamné à vivre avec leurs concrétisation en actes, même ceux que l'on n'a pas réfléchis et que les impulsions ont seules décidé. Alors que l'on incarne une jolie liste ou un portrait flatteur dans les yeux de ceux qui nous aiment, on est cette conscience que personne ne connaîtra jamais entièrement, que les gens ne feront jamais qu'abstraire ; le seul juge sachant et pourtant partial des faits dans leur ensemble.
Mais ce que Tig ajoute et soutient d'une pogne ferme contre la joue de Beth, elle veut bien y croire, en tout cas mieux qu'hier et elle l'espère moins que demain. Ce qu'il dit déverse en son âme cette substance chaleureuse, catalytique, qui change le fluide désespéré en être consistant. Et ce terrible moment est une aide précieuse pour croire : parce qu'il a refondu deux cœurs d'enfant qui ne savaient que survivre que dans la fusion fraternelle, longtemps ; gracié un moment que le mauvais Juge pourrait qualifier de crime d'un regard aimant. Être aimée dans une telle défaillance que celle qui s'est exposée ici, est le don le plus pur que Tig pouvait lui faire, un don capable de sauver une vie, littéralement. C'est risqué comme déclaration. Je pourrais me teindre les cheveux en bleu électrique et te traîner dans des réunions du parti écolo. sourit Beth dans un murmure quand l'étreinte doit se terminer et que son aura est un peu retombée, que le véhicule a rejoint la route ; sa façon à elle de regagner le monde, de consentir à abandonner l'arrêt morbide du désespoir et de réinjecter à son tour un semblant de vie dans l'habitacle. Et avec le monde, avec la vie, reviennent les détails pratiques et les abstractions de l'avenir, qui ne se résume alors plus à survivre à la seconde suivante. Oh oui. rebondit Beth à la seconde question, dans un ultime cri un peu désarmé du cœur, un rappel à l'étreinte ; toutes ses viscères tournées inexorablement après ça vers le souhait de rejoindre cette famille unitaire, de battre le jeu d'un mari violent et retrouver son frère. La première, celle de la réalisation donc, a pourtant rencontré un silence prudent. Les yeux plongés dans un défilé d'éléments urbains à travers la fenêtre, Beth y soupèse ses forces à rattaquer si frontalement le monde et ses nuances, ses déboires, avec cette discussion. Elle pourrait laisser mourir les choses, se dire épuisée (pas entièrement à tort) s'il insiste, trop pour discuter les dédales de l'administration.
Elle inspire profondément pour essayer de raisonner son cœur qui accélère, se tord, et largue un soupir d'admission encore plus long. C'est ce que Clyde a relevé aussi. Le changement de nom. Ses yeux parlent à sa place, et avec éloquence, quand elle les tourne vers Tig, fardés d'émotion mais aussi contrition. Ils voudraient presque s'excuser que ce sentier du changement de sujet soit en fait l'impasse d'un traquenard aussi grossier. Ils soulèvent surtout la vérité sur toute cette débâcle, le coeur entier du sujet qui l'a poussée à se recroqueviller où il l'a trouvée, qu'elle n'avait pas tout à fait le courage de verbaliser du fond de son désastre. Il a eu l'air assez choqué. J'ai essayé de me rattraper mais j'étais prise de court et il s'est mis en colère. Je suis vite partie, je voulais pas qu'il me voie dans cet état.
Beth continue d'omettre les détails des termes exacts prononcés, qui ne feraient que profondément blesser son frère alors qu'il n'était sans doute pas concerné, quand bien même porterait-il le même nom. Beth l'espère, du moins. Et disons qu'elle ait tort, disons que Clyde pensait à lui, elle ne voit pas quel bien ça lui ferait de le savoir ; quelle utilité il y aurait à brûler l'oncle avec le souffle de la déflagration dédiée à la mère. C'est ce qu'elle essaye d'être, une mère, quand bien même ses défaillances passées pourraient inspirer de sa tentative, le rire ou surtout la haine apparemment. Si ça la dédouanait, même un tout petit peu, l'existence des parents serait une promenade de santé. Elle essaye de réfléchir ainsi et pas uniquement comme un animal de gibier écorché vif sur le pavé, ni même en martyr sur la croix de ses propres pêchés. De penser au monde et à l'avenir, avec un semblant d'intelligence. C'est presque encore moins simple : le dilemme lui fend le crâne et l'oblige à le masser pour tenter d'en extraire des mots réels et peut-être même, osons l'extravagance, des décisions. Pour s'empêcher de retomber en morceaux, aussi, rien qu'à revivre l'instant, qu'elle s'efforce de chasser pour garder un pied tout juste retrouvé dans le réel. Mais moi j'ai pas divorcé pour un nom. C'était beaucoup plus concret que que ça. scande-t-elle après avoir pesé chaque mot, quittant la friction nerveuse, un peu brutale de ses tempes pour tourner un visage recomposé vers son frère. C'est pas que symbolique. S'il m'était arrivé quelque chose, juridiquement, Mason avait tous les droits. C'est presque un petit miracle qu'il ait rien tenté quand j'étais au plus bas. Quelque chose lui dit que ce miracle porte l'empreinte de Tig, et que l'ombre d'un gang d'aigles plane dans sa longévité - elle ne le saura sans doute jamais.
Jusqu'au jour où Beth tombe malade ou meurt, et que son frère, son fils, n'ont qu'à choisir de le regarder emporter la moitié de ce qu'elle a, ou essayer de la flanquer sous tutelle ; ou comme autre choix, de se livrer à une bataille juridique sanglante au milieu des douleurs du deuil. Il peut plus. C'est déjà bien. C'est ce combat là qu'elle voulait mener, par elle-même, et elle s'accorde de l'avoir remporté. Et maintenant, s'agissant de Clyde, et de son nom... la timide fermeté de Beth s'effrite un peu à nouveau, les lèvres tordues d'une moue moins affirmée. Alors tu vois, je me dis que si le jugement prend un peu de retard pour arriver à l'état civil, et que les administrations mettent plus de temps que prévu à faire le changement de papiers... Elle a un peu honte de le suggérer, abuse sans doute du détour stylistique d'ailleurs, par crainte de ce que devrait en penser son frère. Mais que peut-elle bien faire, maintenant ? Clyde a donné une réponse, pas celle qu'elle espérait, la première depuis des années tout de même. Qui serait-elle, Beth, pour prétendre être une mère, et ignorer tout ce qu'elle sait de ses émotions dans l'heure. Elle ne dit pas jamais, mais ne sait plus penser immédiatement. L'idée de gambader gaiement faire la seule chose qui a semblé ébranler son fils la révulse fatalement.
Jean Lowe, Tig Welch et Emmett Ludlow aiment ce message
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Lun 28 Oct 2024 - 16:17
Tig Welch
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le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
l'obscur
TW : ras
Il n'y a a pas d'amour heureux
La voie ouverte sur l’horizon permet au regard de s’évaporer dans des contemplations plus à même de l’aider à se concentrer. En se focalisant sur le décor, il se soustrait, un tant soit peu, au poids du chagrin allié. L’esprit ne dissout pas l’entièreté des émotions (impossible pour lui de s’en tenir à son pragmatisme dès lors que sa sœur est impliquée) mais réussit au moins l’exploit de conserver sa place de guide et garant de l’instant. Les touches de lumière apportées à la toile, atténuent les nuages noirs, concèdent de nouveaux reflets à la mer. Le paysage ne s’est pas métamorphosé du tout au tout mais il a gagné en nuances, sa mélancolie sublimée par quelques coups de pinceaux. Il peut la voir subsister dans cet entre-deux, peut envisager sa survie entre l’orée d’une forêt enténébrée et des plaines dégagées. Beth finira par retrouver son chemin, s’occupe déjà de cueillir quelques baies pour nourrir d’optimisme la suite. Légèrement rassuré par l’affirmation, Tig finit, néanmoins, par retrouver un peu de sa nervosité quand elle lui donne accès à une partie des faits. Conscient d’avoir été à nouveau, déployé en terrain accidenté, l’ancien soldat applique tous les gestes de sécurité et ne remue plus, le temps d’observer, d’analyser et de déduire quelle direction prendre. Ainsi, il conserve son mutisme tandis qu’elle lui délivre son récit. L’impassibilité de façade, rideau opaque derrière lequel l’ensemble de son trouble se dérobe, se solidifie grâce à l’action entreprise. La conduite en échappatoire face à ce qu’elle vient remuer, il a le loisir de s’adonner au travail de minutie exigé. Il scinde son vécu du sien, emballe rapidement ses plaies pour ne pas saigner par-dessus les siennes. L’absence de Mason surlignée l’oblige seulement à solidifier son masque de neutralité. Ce pan d’histoire demeure hors de portée, il a arraché les pages et a tout fait pour qu’ils se concentrent sur le chapitre suivant. Au lieu de recoller les morceaux, il continue à taire la narration, ne révèle pas l’acte de vandalisme opéré pour démolir une partie du bouquin. Il ne compte pas lui expliquer le passage à tabac de son ex-mari et sa promesse de le tuer s’il se remontrait. Depuis tout ce temps, sans doute, a-t-elle déjà dû tirer ses propres conclusions.
Naviguant entre deux courants contraires, Tig se remet à faire preuve de vigilance. Le souvenir de leur dernière discussion à ce sujet suffit bien à ramener une prévenance qu’il ne manifeste pratiquement jamais. Il s’essaie à communiquer avec davantage de délicatesse, redoublant d’efforts pour ne pas faire sauter le pont qu’ils ont bâti aujourd’hui, celui qui la mène de l’autre côté d’une rivière aux flots particulièrement traitres. Des intentions claires pour une honnêteté toujours trop brute, il veut y mettre les formes mais se trébuche sur la formule utilisée. « Je doute que le retard de procédure change réellement quelque chose au résultat. » Le mal est fait. Quant à la colère, elle ne témoigne que d’un comportement que Tig se permet d’identifier (ou du moins, d’interpréter sous un spectre bien particulier). « Clyde ne fait que rejeter avant d’être rejeté. » Mécanisme de protection familier, il l’applique lui aussi dans la majorité de ses relations (parfois avec un peu plus de subtilité). Le gosse qui ne s’est pas senti aimé, finit par craindre d’être à nouveau repoussé. Ce songe lui crispe le cœur, en vient à fissurer l’artère principale. L’hémorragie remplit les poumons d’hémoglobine. Il s’étouffe brièvement, emporté par ce sentiment d’échec qui a eu l’audace de s’amplifier depuis que son neveu a rejoint le club. Ils n’ont pas pu le sauver de leur malédiction, pas pu faire mieux que leurs parents. Les sourcils se froncent sous l’impulsion de cette difficulté qu'il peine encore à accepter. Il se rappelle alors de son serment, il doit déloger sa peine de ce combat-là. « S’il réagit encore comme ça, c’est qu’il n’est pas indifférent malgré tout ce qu’il a pu te dire à chaud. » Simple à délier ou à analyser quand il n’est pas directement impliqué. Il oubliera ses propres constats quand il affrontera cette même hargne à nouveau. Pour autant, ça n’en reste pas moins vrai. Si Mary leur annonçait un changement de nom, si elle comptait même couper tout ce qui maintient le lien de sang, il serait le premier à s’en moquer et à ne pas s’en offusquer. N’est-ce pas là la fin réelle de toute relation ? Le point de non-retour ? L'emportement n’est qu’une protection face à ce qui subsiste (la déception, l’appréhension). Une blessure non suturée laisse à penser quelque chose peut encore venir la réparer.
Tig souffle légèrement et de manière totalement inconsciente afin d’évacuer la tension soudaine. Il prend ensuite un virage plus large, plus facile à négocier. « Tu as pris la bonne décision. Et tu as bien fait de lui annoncer de vive voix. Laisse-lui le temps d’accuser la nouvelle. Tout est resté en suspens pendant un moment, il ne s’y attendait sûrement pas. » La main déserte le volant pour s’égarer contre l’avant-bras opposé, simple contact venu renforcer le fond de sa pensée. « Et sa réaction ne change rien à ce que tu as accompli, tu le sais, pas vrai ? Tu peux être fière de toi, Beth. » Les yeux se décrochent de l’asphalte pour se confronter à leurs reflets. « Des fois, je me demande même de qui tu tiens tout ce courage. » Sûrement pas de Joe ou de Mary, ni même de lui (si lâche quand il s’agit d’aller au-devant de sa douleur pour la défier). Elisabeth est une source d’inspiration, la seule gagnante d’une longue lignée de perdants. Quand il se gare dans son allée, il demeure galvanisé par cet état de fait. Au moins, y a-t-il eu une rupture du cycle quelque part, point de départ de la fin d'un cauchemar. Il espère seulement que l’abolissement du mauvais sort s’étendra à Clyde par la suite, que l'acharnement d'Elisabeth le libérera de ces chaines qui ne lui appartiennent pas.
Ce souhait l’accompagne quand il échappe à l’habitacle. Persécuté par le chahut de son propre esprit, Tig ne perçoit la présence de son voisin que tardivement, ce dernier se tenant au millimètre près entre sa propriété et celle de l’ancien militaire. Les yeux plissés, Monsieur Robertson admire la voiture (inconnue pour lui) puis avise Beth avec la même insistance. Quand il croise le regard noir de Tig, il se permet un commentaire tout à fait déplacé. « Hé ben, vous ramenez encore une nouvelle femme chez vous ? Vous ne vous ennuyez pas en ce moment. C’est fini avec l’autre ? » Un vent glacé se lève mais il lui semble avoir été plongé dans de l’eau gelée juste avant. Menacé d’hypothermie, Tig s’arrête dans son mouvement, les dents claquant en conséquence. « Je dois vous rappeler le concept de vie privée aussi ? » Après l’avoir craché, il reprend de nouvelles enjambées et atteint sa porte d’entrée. L’effroi le renvoie à une toute autre fébrilité. « Il est sénile. » Il se contente de ça et prie en son for intérieur pour que sa sœur n’ait rien entendu ou qu’elle soit trop accaparée par ses difficultés pour rebondir sur ce détail futile ou même pour le notifier. Il lui ouvre bien vite son antre afin qu'ils s'éloignent définitivement du rapporteur et de ses petits projets malsains.