Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
On ne peut plus faire grand chose, à ce stade. . Platitude ponctuée par le bruit crissant d’un ultime arrachement de scotch. Barreau après barreau, Beth descend prudemment de son piédestal de métal et relève le museau vers son œuvre pour en vérifier l’intégrité. De la vitrine qui résistait depuis plus de quarante ans, il ne reste en trois jours qu’un tas de bris prudemment rassemblés au sol. L’invitation chaleureuse d’une enseigne à la police démodée, dix fois repeinte, a été remplacée par la coupure nette et intimidante d’une bâche de plastique tendue qui incite plutôt à imaginer le danger. Entre les champs de débris et de rubans bariolés que sont devenus les sentiers battus de la ville, les foyers se transforment en sas de décontamination sans fenêtre sur le monde ; les rideaux de fortune plastifiés en guise de barrière dissimulent pudiquement le malheur contagieux des habitants. Les assurances se chargeront du dédommagement. Sitôt qu’il ne doit plus tenir l’échelle, Herb s’en retourne à son vieux bureau pour examiner les cadavres de de montres et d’horloges déposés entre la caisse enregistreuse et le TPE, dûment triés dans leurs petits cercueils de boîtes en carton. C’est la première chose qu’ils ont faite bien-sûr, alors exposés aux quatre vents et ignorant superbement les couteaux menaçants et translucides de verre éparpillés autour de la devanture. Et c’est la dernière chose qu’Herb fera, proactif dans son malheur, contraint de se pencher tout près dessus pour mieux le voir, ce malgré les encouragements subtils de son assistante à ne pas tant se faire du mal. Rentre chez toi, Beth. C'est gentil d'être passée. Dans la présence de ce moment qui accapare ses sens et ses pensées, à le voir souffrir ainsi avec la pudeur obstinée des hommes de son âge, Beth voudrait bien-sûr refuser. Mais derrière le sas il y a monde qui ne la trouvera pas chez elle. Et si Clyde passait ? Le cœur serré, elle se résigne à s’en aller vers d’autres combats maigres et bien inutiles, après ces salutations un peu fermées qu’ont souvent les gens déboussolés.
Campée dans son ciré râpé, elle chemine dans le silence lourd de la ville, comme si les vacarmes de la veille en avaient éreinté les cordes vocales. Sa progression rencontre des paysages hétéroclites et saccadés, des bulles préservées aléatoirement dans le désastre, de simples carrefours suffisant parfois à séparer l’apocalypse de l’intégrité, dans cette injustice absolument impartiale que seul sait produire le hasard. La cruauté sociale s’établira plus tard, dans les moyens déployés, l’équilibre fragile de la précarité qu’il faut une pichenette pour dévaster et des années à retrouver. Pour cette heure courte, rois et malandrins errent hagards et égaux dans le malheur ; les classes sociales se rencontrent à grands renforts de sourires complices et désolés dans une trêve illusoire d’égalité. La rue d’Herb elle-même a été préservée, sa boutique fait figure d’impact de balle dans un mur intact. Ce n’est pas la beauté du hasard ou l’impétuosité du ciel qui est l’origine de ses malheurs mais juste l’instinct humain, aussi bête et inévitable qu’une tornade ; une camionnette qui s’est crashée là entre deux tornades, le conducteur voulait rejoindre l’école de son fils. Les hommes tuent autant que les catastrophes qui les accablent, et souvent avec tout aussi peu de malignité.
Des instincts dévastateurs et compréhensibles, Beth en a eu son lot. Uturns de film d’action à chaque bretelle pour s’en retourner chercher la chair de sa chair en danger. Appels frénétiques malgré les lignes d’urgence à ne pas saturer, quand c’était encore possible. Mille retours entre deux tornades, qui l’auraient crashée dans la boutique d’un petit commerçant affligé. L’alcool est demeuré absent ; avec le temps, les pulsions sont devenues plus rares et plus arbitraires, l’épargnant chaque fois qu’elle s’y attend et la frappant dans les moments les plus invraisemblables. De toute façon le motel n’avait pas sa marque de bière fétiche, plaisanterait-elle dans des oreilles qui l’y autorisent. Elle a tout combattu comme une grande mais une fois la sécurité revenue, ses terreurs ont cessé de rester sages. Indifférente à l’état de son appartement, qu’il pleuve ou qu’il vente à cause d’elle sur les voisins, elle s’est ruée à l’endroit où elle pensait trouver son fils. A la vision de la zone dévastée, du barrage qui en fermait l’accès, elle a bien cru mourir sur place ; que la peur avait transformé ses guiboles en brindilles et qu’elle allait s’écrouler là, comme un château de carte inanimé. Elle a alpagué toutes les silhouettes, connues ou non, pour rassembler des indices de nouvelles ; consulté et pointé tous les registres pour se convaincre absolument que tout le monde, Tig, Jean, Austin, était encore vivant. Elle aurait voulu errer jusqu’à l’épuisement pour espérer tomber sur Clyde mais à ce stade, le surréalisme de cette idée se confrontait aux nécessités pratiques ; et la fourmilière du gang (pas moins de trois personnes lui ont confirmé l’avoir vu, quatre pour Tig) à la solitude effroyable de Herb. Beth avait mieux à faire pour d’autres que son fils, même si la répétition accablante de cette réalité la dévastait aujourd’hui plus que toutes les tornades.
Elle passe par quelques magasins fourre-tout pour glaner dans les rayons évidés ce que des survivants plus organisés n’ont pas déjà pris. Un petit sac en plastique noir au bout du bras contenant quelques bougies de mauvaise qualité, une veilleuse en forme de dauphin à défaut de trouver mieux et un réchaud qui était miraculeusement caché par une pancarte promotionnelle sur les tentes de jardin, Beth traîne ses cannes épuisées sans se plaindre jusqu’à son immeuble épargné des désastres. Sa démarche un peu découragée s’accélère et trottine dans un emballement de tous les muscles dès qu’elle aperçoit les épaules massives et le crâne de son frère qui en quittent le porche faute de l’avoir trouvée. La voix avec laquelle elle appelle son prénom a encore tout l’excès de l’urgence et arrivée à lui, Beth en est à courir pour de bon. Avant toute chose, son sac s’échoue lourdement au sol fi de toute casse pour lui permettre de se jeter contre Tig dans une étreinte qui a la fébrilité des vrais désastres. C’est dans ses bras, dans la panique fulgurante qui l’a immédiatement reprise et les sanglots qui la menacent tout de suite, dans ses mains serrant maladivement et sans contrôle ce qu’elles trouvent de son dos, et les larmes qui l’inondent en fait pour de bon, que Beth réalise l’ampleur de son état. De la situation dans son ensemble. Clyde ? ne peut retenir de quémander Beth après de longues secondes à pleurer contre lui, à ne plus savoir si elle est heureuse ou accablée, noyée de soulagement ou de peur, une énième confirmation, un maigre tampon de nouvelles sur sa détresse. Elle se calme un peu dans un hoquet dès qu’elle l’obtient, balaye les larmes de ses joues d’un battement d’aile fébrile pour retrouver contenance. Tu as le temps de monter ? Elle se voudrait moins implorante, Beth mais dans ces circonstances, c’est aussi illusoire que futile.
Clyde Saracen, Jean Lowe et Tig Welch aiment ce message
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Jeu 11 Juil 2024 - 13:46
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
Les chiffres restent imprécis, parcourent la ville à la manière d’une rumeur enfiévrée. Contamination des esprits, l’épidémie se propage rapidement, affecte petits et grands. Le nombre de blessés recensés augmentent heure après heure, le bilan sera forcément aggravé quand la ville aura été désencombrée, vidée de ses gravats et de ses dernières illusions. Le sort de la majorité ne l’intéresse pas. Particulièrement égoïste face à la difficulté, il n’a d’espace à l’intérieur que pour ceux qu’il côtoie. Leurs visages, il les placarderait bien à chaque façade pourvu qu’on puisse l’informer sur le sort qui leur a été réservé. Il ne reste sur sa liste réduite que trois noms sans destinée actée, autant de lettres s’étirant dans sa conscience éreintée. Le soldat n’a pas quitté le combat, il a continué à errer afin d'obtenir les réponses espérées, spectre de Midtown hantant des allées massacrées. Le sommeil l’a, de toute façon, quitté pour une durée indéterminée. Il connait la chanson, sillonne ses cauchemars plus qu’il ne dort réellement. Rattrapé par l’intensité d’un état négligé toutes ces années, il lui semble avoir mené un bras de fer contre le temps. Il termine cette lutte avec le bras brisé et une défaite de plus à digérer. Le regard projeté de manière frénétique vers le ciel part en quête d’un signe amorçant à nouveau la fin des temps. Il prend toute la mesure du mal dont il est affligé. Il le savait présent, parfois dormant. Gérable à son échelle, quelques tremblements à camoufler, quelques pensées intrusives à étouffer, des rêves oppressants par moment et des crises de panique pour lesquelles il a développé ses propres techniques. Suffisant pour lui jusque-là. Mais il n’a pas pensé aux autres. Pas pensé non plus que le mal retrouverait la gravité des premiers jours.
Le corps charcuté, sectionné en parts inégales et éparpillé à travers l’histoire, il lui semble avoir perdu son enveloppe, égaré sa substance. Il n’est qu’un résidu persistant dans l’atmosphère, qu’une toxine que le vent n’a pas encore balayée, qu’un débris de plus coincé dans un caniveau surchargé. Et il ne sait déjà plus ce que ça signifie. Si cette impression est fugace ou si son existence toute entière revête ce caractère éphémère. En sursis depuis que la déflagration s’est produite, à peine en vie avant ça s’il doit être tout à fait franc. La vérité, c’est qu’il aurait dû crever il y a 19 ans. Le miracle qu’on lui a vendu, ressemble à une agonie de longue durée en ce moment. Le bonus finira plus tôt que tard par s’épuiser. Est-ce que ça devrait l’inquiéter d’y songer en ces termes aussi froidement ? Tig ne sait plus, il a oublié comment raisonner correctement. Son pragmatisme absent, il ressent tout bien plus fort qu’auparavant. Le cerveau court-circuité, le cœur est devenu opportuniste, en profite pour jouer le remplaçant. Intérimaire mal formé et sans expérience, il travaille d’arrache-pied pour que son hôte soit incapable de refouler les sentiments les plus troublants. Il a pris les devants avant que ça ne lui écrase les poumons une nouvelle fois, s’est rendu là où l’espoir se loge encore. Incapable d’envisager que le pire lui soit arrivé alors elle doit s’y trouver. S’il se met à croire le contraire, il s’achète un aller-simple pour l’enfer. Déjà bloqué au purgatoire, il ne reviendra pas s’il doit descendre encore plus bas. Elle sera là. Elle est rentrée. Elle a été épargnée. Il se le répète à la manière d'une incantation permettant d’inverser les rouages d’un mécanisme cosmique. Elle a assez subi, assez enduré. Si quelqu’un doit être ménagé, ça devrait être elle. Il se mettrait presque à prier pour ce résultat. Lui qui a renié toute forme de religion, balancé les enseignements branlants que les dimanches à la messe étaient censés apporter, remet en cause les fondements même de son bon sens. Mary, une main sur la bible, la seconde sur une flasque remplie à ras-bord, lui a appris que les hypocrites aussi souhaitent qu’on leur octroie la rédemption. Un point commun dont il se passerait bien, ni sa génitrice, ni lui ne sauveraient leur âme dans cette vie-ci. Mais Elisabeth, en revanche, a toutes ses chances. Dès lors, est-ce qu’une intervention divine semble si hallucinante ?
Les pensées en vrac, avalées par des émotions voraces, il atteint le porche. Il se manifeste et persiste devant la porte, refuse le silence, attaque frontalement la réalité. A deux doigts de démonter les murs pour s’imposer à l’intérieur, pour arracher au vide, sa vérité. Celle qu’il s’est ficelé en chemin pour ne pas sombrer. Mais sa prophétie n’a pas suffi. L’absence s’étale sans mal, personne ne lui répondra. Que va-t-il faire ? L’impuissance génère un peu plus d’incohérence. La respiration s’emballe. Fébrile, il recule, affronte bien mal la possibilité d’un retardement dans l’emploi du temps. Les si s’occupent déjà de lui crever le cœur. L’hémorragie dégueulasse l’entrée mais ça n’est pas un endroit adapté pour saigner. Il s'en détourne, en quête d’un endroit capable d’accueillir son déclin. La tête rentrée dans les épaules, il enjambe la distance à la manière d’un repris de justice emmené vers la chaise électrique. Définitivement en sursis, oui. Jusqu’à l’éclat de sa voix, tintement distinct annulant la sentence. Les yeux se relèvent, la rattrapent. Le soulagement diffuse une chaleur qu’il croyait perdue à jamais.
Météore cramant un ciel obscurci, définissant une trajectoire précise, elle abolit les ravages autour d’elle. Elle court quand il est juste capable d’enchainer quelques pas maladroits. Les bras s’ouvrent pour la réceptionner, le poids de ses craintes déjà posé sur sa poitrine à lui. Ses mains s’accrochent à lui avec la force des survivants, ceux qui n’ont pas le luxe de relâcher leur prise, sans quoi ils succomberaient. L’urgence de sa détresse le pousse à la serrer plus fort encore. Il tente d’emboiter tous ces petits morceaux d’elle qui se sont fissurés et qui ne parviennent plus à se raccorder correctement. L’étreinte ramène pour un temps, l’essence en fuite, le renvoie à ses objectifs les plus basiques. Elisabeth en priorité, constellation facile à identifier, elle indique le Nord quand il atteint l’Ouest. Plus facile de remonter le chemin quand on se rappelle où la maison est située. Le domicile familial, assemblement de briques abritant des êtres médiocres et décevants, n’aurait pu être qualifié de foyer. Le lieu n’a jamais compté, seule la présence d’Elisabeth lui a permis de comprendre le concept. Les sanglots de la sœur resserrent la gorge du frère drastiquement, comme si la fuite avait inondé leur abri et menaçait d’emporter leurs souvenirs d’enfant. La main cherche à ramasser sa peine, se met à remonter et descendre le haut du dos futilement. Les mots réclamés agiront sûrement avec bien plus d’efficacité. « Il va bien. » C’est tout ce qu’il est capable d’articuler. Il doit repousser tout ce qui est associé à cette pensée, inapte à gérer ses émotions en plus des siennes. Il tient sur ses guiboles à la seule volonté de son affection, du besoin qu’elle manifeste de l'avoir en pilier. L’armure est renfilée, s’il doit lutter pour deux, il doit bien s’y préparer.
Un hochement de tête pour toute réponse à sa question, une évidence que pour elle, il mettra tout entre parenthèses, reculera les échéances si elle lui demande. De toute manière, il parvient à peine à relâcher sa prise, ne conçoit pas de l'éloigner. Pas quand il n'arrive pas à conscientiser le seul fait qu’elle soit bien là, présente, vivante. Il ne pourra pas repartir avant de l’avoir intégré. Un bras est passé autour des épaules d’Elisabeth (autant pour soutenir sa démarche que pour s’assurer de sa proximité). Il l’emporte jusqu’au logis qu’elle a investi, la laisse lui ouvrir son antre et se faufile à sa suite. Dans l’entrée, les vestiges de la normalité entrent immédiatement en conflit avec son état d’esprit. L’effet des retrouvailles commence à se dissiper. L’imposture reprend légèrement, il n’est qu’un écho qui s'évanouit déjà, copie non conforme de celui qu’il était. Mal à l’aise, il s’autorise rapidement à combler le silence pour ne plus avoir à penser. « Ça allait là où t’étais ? Impossible de savoir vraiment c’était quoi la situation hors de la ville avec le réseau et l’électricité coupés. » Cette discussion (bien qu’importante) lui parait pourtant dénuée de sens. Les mains tremblantes sont rassemblées au fond des poches du blouson, il masque d'un même temps la plaie emballée rapidement dans un bandage de fortune. Il ne doit pas répéter les erreurs. Mais pour combien de temps pourra t-il lui cacher la vérité ? Il voudrait pouvoir se délester des faux-semblants, cesser de leur offrir le loisir de les séparer. Ils n’ont pas lieu d’être entre eux. Volonté de communiquer autrement qu’en cryptant ses messages, besoin d'authenticité dans la brutalité des émotions partagées, ça prend la forme d’un murmure peu assuré, mâché par l’insécurité. « Beth… » L’attention est réclamée mais très vite mal reçue. Son regard accoste ses traits, dérive sur les stigmates que ses larmes ont provoqué. Sa vulnérabilité provoque aussitôt sa lâcheté. Il ne peut sûrement pas lui avouer ça. Oui, elle doit être épargnée. Elle a assez subi, assez enduré. Ses yeux ne sont plus les seuls à dévier, sa langue commet le même excès. « T’as eu des nouvelles de ton côté ? » Nicola, introuvable. Jean, hors de portée. D’autres considérations à envisager, qui ne les aideront sûrement pas. Il fait comme il peut pour être là et c’est compliqué de se sentir à sa place quand on est convaincu de n’être qu’un résidu persistant dans l’atmosphère, qu’une toxine que le vent n’a pas encore balayée, qu’un débris de plus coincé dans un caniveau surchargé.
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
Beth coule, liquide, entre les bras de Tig dès qu'il resserre son étreinte sur elle. Ses émotions à elle se réalisent entièrement, dans une détresse fébrile ; un écroulement qui attendait juste de pouvoir relâcher un peu de sa vigilance pour se constituer dans un alcôve sûr. Elle réalise que la pensée ne l'avait pas quittée jusqu'ici de leur mort à tous, ultrasons tapis sous les sérénades que l'on se chante pour fonctionner encore ; que la structure de cristal d'Elisabeth se fêlait peu à peu en vibrant sous les fréquences insidieuses, n'attendait qu'une caresse pour s'effondrer nette comme un arbre sous la foudre. Mais il est des effondrements qui vous sauvent et des vaillances qui vous condamnent. Si les hoquets de Beth peuvent paraître pénibles, ils sont une manœuvre cardiorespiratoire pour retrouver son souffle. Dans les borborygmes longs que sa gorge crache, elle vomit un peu de l'horreur. Si elle avait su pleurer avec autant de talent dans sa jeunesse, peut-être se serait-elle épargnée dix ans de malheur.
Tout ses sens veulent constater qu'il est vivant sans se reposer sur les porteurs de nouvelles ; ne se contentant pas d'une vulgaire vue, elle capte son odeur, pétrit sa peau, capte chaque syllabe des mots de son frère qui n'atteignent pas souvent le bout d'une ligne. Un nouveau hoquet de reconnaissance la secoue à ses paroles, qui ont plus de valeur que toutes les autres s'agissant de son fils, pour l'éternel soldat condamné à sauver es proches sur les champs de bataille. Trois mots et quatre allers retours sur son dos solidifient l'écoulement qu'est devenu Beth, lui font retrouver un peu plus que la consistance d'une flaque d'huile. Les brindilles de ses membres ont retrouvé de la sève, assez pour redevenir une masse, une forme cohérente capable de mouvement. Il y a toute la préciosité de sa relation avec Tig dans ce qu'elle ne se retient pas de l'implorer à mi-mot de rester, fi de toute incommodité, sans se soucier de déranger. L'inconditionnel de ses yeux a résisté à toutes les épreuves que Beth ne cessait de provoquer elle-même ; son étreinte à lui s'est refermée sans jamais faiblir sur des états bien plus déplorables que quelques hoquets de détresse. Sur la trajet, d'avoir tant et tant été soutenu dans ses bras à travers les années, le corps de Beth sent de lui une pression un peu inhabituelle, un instant où il semble se soutenir autant qu'il la porte. Elle n'en fait pas un cas : les dernières heures ont été si difficiles, et de savoir qu'il s'autorise cette faiblesse invisible devrait être une bonne nouvelle.
Arrivés chez elle, elle pose ses clés sur une petite tablette d'aggloméré que le temps effrite à vue d'oeil, luxe des habitudes conservées dans ce décor inchangé. Indifférent aux affres du ciel, le deux pièces est demeuré le même, piteux et tiède, allégorie fidèle de l'état de Beth, comme tous ses lieux de vie : le début des emmerdes commence avec les assiettes qui traînent. Sa vaisselle de la veille, cette fois, bénéficie de circonstances exceptionnelles. Hagarde de fatigue mais revivifiée par cette éclaircie dans un ciel noir, Beth choisit de s'activer à poser une casserole d'eau sur le réchaud qu'elle vient d'acquérir. C’était la tempête toute la nuit mais pas de tornade. Ils avaient saturé le motel pour abriter le plus de gens possible. On a attendu. Sa gorge se serre malgré elle autour de cette dernière déclaration, d'une étreinte insidieuse, comme pour retenir de s'échapper de plus douloureux détails. S'il est un domaine dans lequel Beth est compétitive, c'est celui des mauvaises passes : cette nuit compte déjà au podium des pires moments de sa vie. Quand les autres affrontaient l'apocalypse avec vigueur, elle demeurait immobile sur une couche de fortune, à perdre son souffle pour les longues heures à venir. L'absence de sommeil élue déjà les détails et l'ordre des événements mais sur la toile palie demeureront à jamais, nets et cuisants, certains inoubliables éléments. Sa terreur qu'elle lisait dans les yeux de parfaits inconnus, décuplée par une foule de situations identiques. Les mille visions de cadavres sous les débris. Le coeur en arrêt chaque fois que quelqu'un franchissait la porte motel et que l'étranger s'en allait s'effondrer dans d'autres bras que les siens. Les familles réunies dans quelques coins reclus, bulles de bonheur insoutenables malgré leurs tentatives de pudeur pour eux autres désœuvrés sans nouvelles. Ce n'est pas que Beth cherche à taire le mal : le mal est si omniprésent que le prononcer paraît futile. Tous ont vécu une détresse si unique et commune qu'il y a presque de la télépathie dans l'air et mille mots entendus dans de toutes petites phrases.
Il semble l'appeler, Tig. Le prénom de Beth est prononcé avec une avidité étouffée, une voix de soufflet bien inhabituelle. Elle s'interrompt aussitôt pour le regarder, le voit se dérober comme on contemple tous les détails dans un cristal pur. Elle cultive un silence à sa question, pour ménager la ruade, mais se rétracte dans son approche dès qu'elle le voit s'agiter. La pudeur cryptique de Tig supporte bien mal les interrogatoires ; en ces circonstances incompréhensibles, l'on cède mal à l'idée de presser ceux qui se battent pour tenir à s'écrouler. Beth verse prudemment de l'eau chaude sur des petits sachets bon marché dans deux tasses.
Juste par les gens, comme ça. Jean et Clyde ont été vus. Austin a dû aller à l’hôpital, il était entier c’est tout ce que je sais. Jamais les prénoms des habitants de la ville n'ont été un tel sujet de conversation, pas même pour les ragots. Maigres réconforts dans l'absence et dans l'inondation de mauvaises nouvelles, de chiffres accablants, les dire forme malgré tout des pont éphémères, sortes de Floating Piers entre les naufragés sur leurs îles. A l'évocation d'Austin, Beth revit le regret de ne pas avoir emprunté l'une de ces jetées de plastique pour aller le voir. Son manque est plus cuisant que celui des autres, parce qu'elle n'a nulle part où le prononcer. Parce que dire son nom à lui d'une voix suppliante dans les oreilles de quiconque est un interdit, et plus encore dans celles de son frère. J’étais avec Herb, là : une camionnette s’est écrasée dans la vitrine de la boutique. Il va bien, c’est juste… Juste triste, a-t-elle envie de dire, vague et cryptique mais faute de trouver de meilleur terme. Les heures passées avec Herb étaient emplies d'une souffrance différente, immobile. Le vieil homme était assez sage pour ne pas se perdre en agitation inutile, il ne semblait avoir rien de mieux à faire que pleurer ses horloges. Une espèce de bulle temporelle de deuil à venir. Beth est sortie de là bouleversée mais d'une autre manière, celle avec laquelle on pleure quelque chose de déjà mort. Juste des dégâts matériels.
Mais sa dérive poétique semble être tombée dans de sourdes oreilles. En quittant son maigre rituel de thé, Beth avise le regard de Tig qui ne regarde rien, un point dans le vide. La pâleur cireuse de son état éclate même dans la sombre lumière d'un jour terne à travers de trop petites fenêtres. Tig ? La soeur cherche l'attention du frère avec bien plus de ténacité. Elle repose ses deux tasses, devenues obsolètes. Qu’est-ce qu’il y a ? La voix de Beth ne transcrit pas de durables secrets de polichinelle ; elle ne gronde pas pour soutirer enfin les aveux de ce qui pèse depuis des années. C'est le ton des urgences : elle pense moins à un syndrome méconnu qu'au pronostic vital que lui évoque sa pâleur, certes encouragé par les récentes terreur. D'ailleurs si elle a reposé les tasses, c'est pour s'en venir coller une paume sur sa joue et s'assurer qu'il ne lui cache pas une fièvre. Si elle cherche ses yeux, c'est moins pour y voir la détresse que tenter de deviner un diagnostic mystérieux sans la moindre compétence pour le prédire. Parce que Tig, il serait capable de cacher qu'il meurt en ce moment de cette plaie qu'il dissimule bien mal, ou qu'il a passé deux heures inconscient sous les débris avant de s'en relever seul pour la trouver. Si Beth s'est achetée une vie de malheur à ne rien savoir dire, lui peut bien s'en aller trouver la mort en se taisant tant que tous les autres ne sont pas à l'abri. Elle n'est pas si absurde, pas tant portée par l'irrationnalité de ces heures funeste, la crainte immédiate de Beth de le voir s'écrouler là d'hémorragie intracrânienne.
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Sam 13 Juil 2024 - 12:36
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
l'obscur
catastrophe naturelle, post-tornade, ptsd
archipels
Les images se succèdent sans toutefois se fixer, il parvient à peine à cerner le paysage qu’elle lui crée. Avalé par un brouillard épais, il s’est, une fois de plus, égaré. Il tente de toutes ses forces de le percer, de le fouiller en se concentrant un peu plus sur la voix de Beth. Elle le guide à travers la brume, lui esquisse sa nuit rapidement avant de lui introduire le jour qui a suivi. La vision reste trouble, la trame mal découpée, la totalité ne lui ait jamais révélée. Dès qu’elle se tait, sa main parait le relâcher et il se retrouve à nouveau esseulé, oppressé par l’opacité de la fumée. Sa tête l’envoie en exil forcé. Le voile imperceptible la dérobe trop de fois pour qu’il puisse se souvenir dans quelle direction évoluer. Doit-il avancer (continuer la mascarade) ou reculer (et l’épargner de son prochain accès de folie) ? Il ne sait plus comment trancher et faire un choix éclairé alors il reste là où il est, pas tout à fait rentré, pas réellement sorti. Pas tout à fait ici, pas vraiment là-bas non plus. Ses problèmes d’orientation lui occasionnent un embarras de plus en plus compliqué à gérer. Il contemple les gestes de sa sœur à la manière d’un film énigmatique diffusé sur un petit écran. La difficulté à distinguer les détails, à comprendre l’intrigue est renforcée par sa passivité. Les prénoms dispersés ont bien arraché quelques battements incohérents mais ça n’a pas été suffisant pour l’arracher à son immobilité. L’information ne s’incruste pas dans l’esprit désorganisé, elle repart aussi vite qu’elle y a été placée. Aucun réconfort palpable, réel mais des doutes par millier infectant sa pensée rationnelle. Le sentiment de sécurité s’est entièrement consumé, chaque fil qu’elle brode de sa prévenance, se brise avant d’avoir suturé l’entièreté de la plaie. A force de reprendre le travail du début, elle doit bien se douter qu’un maléfice est à l’œuvre. L’amorce de son inquiétude le nourrit de fébrilité, il aimerait pouvoir se dérober dès que la mention de son prénom a pour vocation de le rattraper. Elle l’en empêche rapidement en le soumettant au jugement de sa perspicacité. Convaincu d’être percé à jour, il s’attend à voir la main traverser sa joue. Présence fantomatique sans aucun contour défini, il s’attarde là où il peut, la hante plus qu’il ne se tient à ses côtés. Va-t-elle devoir faire exorciser le lieu pour le chasser ? La douceur de sa sœur met en déroute l’hostilité de son monde, remet en perspective les contrastes observés. Le foyer reste inchangé, il a juste été délogé de son quartier, replacé au centre d’une jungle inhospitalière. Tout est là pour le rassurer mais il reste focalisé sur le danger qui l’attend par-delà la porte.
Les orbes rejoignent le fond des cieux troublés, les nuages s’amoncellent et ternissent le bleu des yeux. Il soutient son regard quelques secondes pour faire honneur à sa sincérité, passe sa main valide contre le bras qu’elle a relevé en signe d’apaisement. « Rien, t’en fais pas. La journée a juste été longue. » Et la nuit trop courte. Les justifications les plus évidentes sont utilités et usées pour parfaire une vérité tronquée. « J’ai dû déblayer ce qui avait autour de chez moi. J’ai eu quelques dégâts. » Arbre écroulé, toit en partie éventré, chambre détériorée mais le pire tient bien à tout ce qui en a profité pour s’envoler. Les sourires d’Alma ont été disséminés à travers la ville. Puissante symbolique, dispersion de ses cendres dans tout Clifton, son essence ne lui appartient définitivement plus. Le destin lui a forcé la main sur un deuil jamais achevé. Revanchard dans l’âme, il l’a défié une ultime fois, s’est écorché la paume en extirpant les plaques militaires des décombres à l’arrière de sa propriété. A chaque fois que la lésion se remet à piquer, il pense à celle qui n’aurait jamais dû le quitter et à ce que ça signifie désormais de ne plus pouvoir se fier aux clichés pour ne pas oublier ses traits. Atterré par ce songe, les yeux s’affaissent mais il s’évertue encore à minimiser verbalement ce qui s’est amplifié intérieurement. « Rien de bien grave. » La voix diminue sur la fin comme si le mensonge était trop gros pour remonter la gorge efficacement. Il fuit sa sollicitude dans la foulée, se dégage de sa prise pour effectuer quelques pas vers les tasses qu’elle a délaissées. Dos à elle, il est plus facile de s’adonner à d’autres frissons. La première identité concédée ne sert qu’à couvrir son intérêt réel pour la seconde. « Qui t’a informée du coup pour Clyde et Jean ? » Remonter la source des informations pour éloigner l’incertitude. Austin mis volontairement de côté, son nom saupoudre de sel ce que Beth a parsemé de sucre. Associer ces saveurs opposées lui file, dans l’immédiat, la nausée. « Ils avaient l’air de savoir de quoi ils parlaient ? » Les craintes cintrent la tonalité, la surchargent d’une douleur inconvenante. L’air brûle les poumons. Comment ça peut être aussi compliqué de respirer ?
Chape de plomb dans le bide, chaque mouvement effectué par sa cage thoracique lui demande un effort supplémentaire. Ses dernières forces, mobilisées dans la création d’une énième illusion, manquent de le lâcher quand il lui présente à son tour, le jour ayant suivi sa nuit. La ligne mélodique supporte à peine le poids de son anxiété. « J’ai essayé de voir si Nicola était dans le coin mais c’était assez chaotique de ce côté-là. » La paume blessée échappe à la poche, vient soutenir celle qui a été libérée plus tôt dans une tentative de stabilisation. « Les rues sont encore trop dangereuses pour circuler librement, surtout à moto. » Le peu de kilomètres parcourus a suffi à aggraver les symptômes. Les trous béants déchirant la familiarité, les intimités dévoilées, les dégâts étalés au fond des regards croisés, tout ça le renvoie à ses pires péchés. Soldat ayant dû affronter le regard de civils apeurés, figure de massacre et d’inhumanité, il n’était alors qu’un pion de plus sustentant un conflit armé. Pourquoi se sentirait-il encore coupable maintenant ? Il n’a pas provoqué l’ouragan. Est-ce seulement vrai ? Sa conscience se fraie un passage jusqu’à la cave. Il en ressort rapidement en frémissant. Les bras se croisent contre la poitrine, pression excessive exercée dans l’espoir de contenir l’intensité des tremblements.
Conscient de se tenir en équilibre au bout de ses brèches, il se dédie à la supercherie, oblige sa mémoire fragmentée à s’attarder sur ce que Beth avait à lui raconter. « Ça me surprend pas que quelqu’un ait perdu le contrôle de son véhicule. » Il lui prouve avoir écouté, tente de se convaincre lui-même qu’il va réussir à retrouver un semblant de contenance maintenant. Tig se retourne pour lui faire à nouveau face, s’abreuve de détails visuels pour se décentrer de son mal, se préoccuper de celui trainé par son vis-à-vis. La fatigue affecte la mine, accentue la fragilité. Beth, friable et résignée, se raccroche à tout ce qu’elle a mis en place ces dernières années, tire sur chaque ficelle pour éviter de retomber. Elle ne tient qu’à la force de ses bras et il devrait être là pour l'encourager. Rien ne devrait venir sectionner les cordes qu’elle a pris la peine d’accrocher, surtout pas l’instabilité de son frère, ni même ces circonstances déplaisantes. « Ça va aller pour Herb ? » Encore une fois, il se fait passer pour ce qu’il n’est pas. Ni altruiste, ni assez généreux pour prêter au vieil homme un peu de sa sympathie, il ne se penche sur son cas que pour s’assurer que ce repère reste stable pour Beth. Il joue un rôle important et privilégié sur sa route. Cette vérité dérangeante gagne en authenticité dès qu’il s’essaie à la franchise l’instant d’après. « Et pour toi ? » Les yeux cessent de se déplacer d’un point imprécis à un autre, ils rassemblent leurs intentions sincères et les dispersent au fond des prunelles adverses. Il veut percer son maudit brouillard pour pouvoir enfin la voir, elle. La direction importe peu au final. Tous les chemins mènent à Beth. Dès le départ, sa sœur a été le centre de son monde. La raison de ne pas se barrer d’abord, la raison de revenir ensuite. La raison de survivre depuis un moment maintenant. Si elle tombe, il saigne. Il espère seulement pouvoir lui épargner l'effet inverse.
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
C'est sans grande surprise et même de toute évidence que Tig se dérobe, engoncé avec entêtement dans cette armure sous le poids de laquelle il semble menacer, cette fois, de s'écrouler. Lui le guerrier, elle la cause : lui toujours fort, elle inextricablement faiblarde. Prudemment contrite, les traits de son visage froncés pour mieux voir, Beth veut détricoter le tissu de mensonges à mesure qu'il en noue les crochets pour dévoiler la trame de ses réponses, mais sans trop le montrer. Un semblant de teneur sous le vernis de banalisation, rien qu'un tout petit indice ; bien-sûr que c'est grave, mais qu'est-ce qui est grave ? C'est à peine si elle a le temps d'écarter - sans certitude - une fièvre ou tout autre mal visible qu'il se dérobe à ses inquiétudes, puis ses mains, puis ses yeux. Ces maigres gadgets de détective, il s'en tient bien à distance, et Beth se confronte au dilemme trop commun entre le mal qu'elle causerait à insister et celui qu'il y aurait à ne rien dire. Son frère tremblote de ce vacillement invisible qu'elle connaît bien, celui qu'ont les gens en équilibre au-dessus du vide et que la caresse d'une simple brise pourrait bien faire basculer. Et que se passerait-il ensuite ? Elle est seule, pour amortir la chute : faudrait-il le porter à bon secours qu’elle s’y essayerait à s’en briser les jambes et sans grand succès, puisque la vie n’est pas un film et connaît les lois cruelles de la gravité. Les pompiers qui étaient sur place. Tu te souviens de Keith ? Beth tâtonne alors, tergiverse, tourne autour du problème autant que Tig. Beth parle du quarterback piteux de l’équipe de sport désespérante de leur lycée de paumés, qui lui faisait un peu de gringue sous les yeux belliqueux de son frère et qui n’a pas si mal tourné, le capitaine des pompiers, elle l’alcoolique de la ville. Elle a peur, en somme, d’avoir raison : peur que ce soit bel et bien grave, donc cataclysmique, dans ces circonstances. Peur qu’en outrepassant la volonté mutique et éloquente de Tig, elle brise quelque chose qu’elle n’a pas les moyens de ramasser. Sa propre passivité la fige à son tour d’une angoisse grandissante, une gêne terrible, un sentiment de regarder un compte à rebours les bras ballants. Ah, si elle était forte. Si elle était compétente, ou seulement courageuse. Si elle était Tig.
Mais elle n’est que Beth. Figure de son appartement toujours, à la masure si piteuse bringuebalante que même les tornades ont la charité de l’épargner. Certainement pas un socle solide sur lequel on se repose, rien qu’une menace d’effondrement permanente tapissée à l’emporte-pièce de jolies peintures, entretenue de ménages quotidiens, de rituels palliatifs qui n’en reboucheront jamais vraiment les fêlures. Le ménagement de Tig aujourd’hui, autant que l’exil hier, ne blesse pas tant son ego (inexistant) qu’il frappe au cœur de ses fragilités. La sollicitude de ses caresses, le dos frémissant et tourné, la violence infligée pour ne surtout pas lui en faire, rappellent à Beth qu’elle est une figure de papier blanc accrochée à l’horloge arrêtée d’un quai de gare. A regarder passer les trains, les accidents au loin, les accélérations et les erreurs d’aiguillage ; les joies et les déboires que connaissent les choses en mouvement. Tig veut la laisser dans l’œil du cyclone et foncer au-devant des intempéries seul à s’en briser son squelette de métal ; en oubliant qu’elle le regarde, là, suspendue à son horloge, et qu’il est bien pire de le perdre sans rien faire que de se blesser en essayant. Les déraillements de son propre fils ne sont-ils pas suffisants, faut-il aussi perdre tout moyen d’empêcher ceux de son frère. Herb est un costaud. Beth s’en oublie elle-même – ou ne se compte que d’un hochement de tête – mais c’est surtout pour les mots eux-mêmes que sa considération baisse, nœuds de mensonge que sa lâcheté double sur la trame, plutôt que de les détricoter. Les syllabes se raréfient et meurent dans un souffle suspendu, un silence éloquent. Ce n’est pas une manœuvre tactique : c’est qu’elle se fend le crâne à attraper des mots plus justes qui ne cessent de lui échapper. Avec un amour immense, son regard suppliant ses mains tremblantes puis implorant ses yeux broyés, de lui donner un coup de pouce, ne doivent pas aider, tout l’opposé. Mais que dit-on à un fantôme de soldat pris dans une bataille sanglante, depuis son refuge de civils, par-dessus le vacarme des combats.
Beth sait ; elle sait comme ceux qui ne savent pas, qui n’ont aucune connaissance mais qui sentent. Ce mal très flou que l’on maîtrise si mal et que l’on peint aux portraits abstraits de phrases convenues, formulations valises. Les on ne peut pas comprendre et autre la guerre ça change un homme – dans le pire des cas je ne le reconnais plus – soulèvent la pudeur immense des proches qui savent et qui s’inquiètent dans l’incompréhension, le tabou, le jugement interdit. Les brouillards d’éther soulevés depuis quelques années, le regard de Beth s’est aiguisé sur ce qu’elle a vu à la minute du retour de Tig, la fatalité de l’avant et de l’après. Mais toutes les fois qu’elle l’a soulevé, elle a eu le sentiment d’amplifier un mal contre lequel elle ne savait pas lutter ; qu’il ne s’agissait pas de percer un abcès pour en purger l’infection mais de jeter du sel sur les plaies à vif sans la moindre consigne, le plus petit protocole, pas même une trousse de secours. Elle les a veillés sans mot dire, ses tics d’anxiété, ses brèves absences. Tig était plus doué qu’elle pour cacher son mal sans s’y broyer. Mais on peut avoir un immense talent pour la solidité et se trouver malgré tout face à des maux plus forts que l’esprit. Le problème des gens qui ont ce talent c’est qu’à force de le repousser, ils ont entraîné leur mal en véritable colosse.
Cette fois le colosse semble déterminé à jeter son frère par-dessus la brèche. Beth est toujours seule, toujours méconnaisseuse, toujours Beth. Elle s’obstine à penser que harceler Tig sur ce qui le ronge serait cruel et gratuit s’il a tant besoin de le lui dissimuler ; mais que regarder son frère se dissoudre en s’épanchant sur d’autres n’est pas une option non plus. Beth voudrait tant que dans ses silences à elle, lui trouve la force de lui décrire le monstre, pour lui donner des armes, mais est-ce si facile – ou seulement possible.
Les yeux s’égarant de trouble pour son propre suspens avisent l’hideuse veilleuse en dauphin qui dépasse de son plastique noir. Et c’est au moins parce qu’elle est Beth, pas qui que ce soit d’autre, que la pensée la frappe. Elle qui partagera à jamais avec son frère d’autres champs de bataille – de ceux qui font des maux colosses mais vous lient irréductiblement pour toujours. Elle qui a la faiblesse créative et un grand amour pour l’absurde ; que l’idée des petites et grandes fantaisies, merveilleuses ou horribles, effraie trop peu ou pas assez. Qui se mord à peine la joue, pour faire genre, avant de céder au farfelu sans plus un signe de retenue. Elle se faufile dans la chambre pour en ressortir au plus vite, le haut du corps avalé par un tas de couettes, tout le stock dont elle dispose. Tu te rappelles ? Les cabanes dans leur bicoque insalubre à la lumière d’une jolie veilleuse qui projetait des étoiles sur les couvertures. Beth adorait cette veilleuse, elle trouvait que c’était le seul élément joli de son monde ; elle l’a même transmis au berceau puis au lit de petit enfant de Clyde, avant de l’égarer inévitablement entre deux inondations. Elle n’a jamais été très douée pour combattre les colosses mais petits, ils savaient bien s’en cacher tous les deux. Tu veux bien faire ça pour moi ? Elle quémande, l’habile faiblarde pour se faire écouter, si ses propres failles sont tout le ravitaillement qu’elle peut donner aux trains qui s’en vont au combat.
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Mar 16 Juil 2024 - 17:30
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
l'obscur
catastrophe naturelle, post-tornade, ptsd
archipels
Des craquelures apparaissent dans la glace, autant de failles striant la surface lisse et impénétrable. Personne n’oserait s’aventurer sur cette étendue fragilisée. Personne sauf Beth. L'audacieuse cherche à se rendre au centre du lac, glisse un pied devant l’autre, doucement, calmement sans jamais brusquer le mouvement. Elle défie le danger avec une prudence toute trouvée. Sa résilience (une qualité dont Tig se sait dénué) force le respect. Il serait si facile de lui confier les clés puis de rester en retrait pendant qu’elle ouvre sa galerie des horreurs et en tire tout ce qui y est honteusement stocké. Il pourrait tout déposer à ses pieds avant de se nicher dans sa bienveillance pour tenter d’annihiler la honte associée. Égoïste avec la majorité, jamais avec elle (surtout pas avec elle), il a conscience du travail que ça réclamerait d'examiner chaque monstre, de les classer et de les étudier. La pierre solide ne devrait pas à s’éroder sous la pression du temps. Qu’est-ce que Beth fera quand elle le découvrira ? Elle ne voudra plus se reposer contre lui, craindra d’accélérer le processus. De bien des façons, il prend conscience que ce qu’il craint, est ce à quoi il la soumet actuellement par ricochet. Il l’estime trop fragile pour porter le poids de ses tracas. C’est peut-être injuste. Mais la seule idée de devenir le déclencheur d’une rechute, accentue sa fébrilité. Ainsi, il hoche vaguement de la tête quand elle évoque un prénom déjà évanoui depuis longtemps dans son esprit estropié par le traumatisme et le désintérêt. Il ne lui explique pas que cette vie-là, il a fini par l’oublier. Tout s’est effacé dramatiquement, les détails, les différents éléments, la multitude de visages. Ne perdure de leurs souvenirs d’enfance et d'adolescence que les sursauts de rage, les vagues de tendresse et l’envie inaltérable d’être plus que le rejeton de parents défaillants. Il ne peut pas faire confiance à sa mémoire, elle a subi une mutinerie et n’est plus aux commandes de la réalité. La raison n’intervient plus tellement quand il s’agit de développer les faits. Le cœur raconte le récit en y insufflant seulement la puissance d’émotions jamais digérées. Le passé qu’elle évoque, qu’elle cherche même à invoquer subitement, lui n’y accorde plus l’importance d’avant.
Sa dérobade énigmatique n’engrange que d’autres questionnements. Elle n’a pas pris la peine de lui fournir une justification, de lui faire part de son état. Le silence s’occupe de sustenter la peur alors qu’elle conspire contre son entêtement. Les outils qu’elle finit par lui tendre, sont brodés d’innocence et provoquent un fracas incommensurable à l’intérieur. Il se sent plus infâme que jamais, piégé entre un regard implorant et son essence brouillée par tous ces choix qu’il a posés sciemment. Comment lui expliquer qu’il est bien incapable de recevoir cette candeur, bien mal placé pour accepter ce gage de pureté ? Déjà à l’époque, il mimait l’insouciance des autres enfants en espérant un jour, comprendre et ressentir la même allégresse. Épuisé très tôt d’avoir pour uniques moteurs, rancœur et jalousie, il n’a jamais appris à rêver, ni même vraiment à espérer tout à fait. Ses seules motivations tenaient bien au sourire qu’il voulait déployer sur le visage de Beth. Il a tout tenté pour qu’elle ne soit pas comme lui, tout essayé pour qu’elle conserve son émerveillement. Il a dépensé beaucoup d’énergie pour maintenir la mascarade en place et il continue encore aujourd’hui à lui dessiner des chimères afin qu’elle ne soit pas confrontée trop brutalement à une vérité qui pourrait la blesser. Éreinté, Tig n’arrive pas à puiser dans ses dernières ressources pour lui accorder cette illusion-là. Il ne peut plus se planquer sous un tas de couvertures avec elle pour échapper à ce qui les a pris en chasse. Sans doute parce qu’il la porte en elle maintenant, la créature qui inspire l’effroi. Il est l’ennemi en place, le carnage en sursis et ce n’est pas en s’enfermant avec lui, qu’elle survivra. Une prise de conscience récente qui lui tord le bide et crispe ses traits sous l’impulsion d’une tristesse qu’il n’arrive plus à déguiser. Une main vient se poser sur le tas de couvertures, hasardeusement, là il estime que la sienne retient encore l’assemblage de textiles. Ses murmures se parent d’une douleur mêlée de douceur, entend lui divulguer sa difficulté à repousser cette demande. « Beth, on est plus des enfants. » Il doute même l’avoir jamais été réellement.
Le regard s’égare au fond du sien, y instille ses excuses non formulées. Il ne peut pas être celui qu’elle voudrait. Pas aujourd’hui. « On peut plus se cacher du reste du monde et prétendre qu’il n’existe pas. » Il aurait souhaité y arriver. Plus que jamais, il aurait aimé grimper sur sa moto, tout plaquer et partir loin, rapidement. Mais ça ressemble bien trop aux abords d’un rêve abstrait et lui ne connait que les reliefs du cauchemar concret. Oui, il n’a pas appris à rêver. La seconde paluche cherche celle de sa sœur entre les tissus empilés afin de bloquer ses mimines entre les siennes définitivement, geste précédant le serment. Celui de comprendre ce que son acte cherche à préserver. « C’est ta façon de me répondre à la question que t’as ignorée ? » Besoin de fuir avant de trébucher, besoin de sécurité pour se rassurer. Besoin d’être à nouveau une gosse pour pouvoir recevoir l’attention, l’indulgence et la tendresse à la même intensité ? « Ou c’est juste ta façon de prendre soin de moi ? » Il le chuchote plus bas encore car cette option le dérange profondément. Pour combattre cette indigestion de pensées, il se met à répéter l’incantation qui devrait pouvoir tout résoudre, tout annihiler. « Ça va aller. » L’appréhension bloque la gorge, ralentit la respiration. n demi-mensonge, il ne peut pas prédire l’avenir. Pour elle, cependant, il devra réarranger la position des constellations afin de les aligner à ses prédictions. Pour elle, peut-être qu’il pourrait y arriver, sauter au fond du ciel et dévorer les étoiles. Est-ce que ça suffira à guérir son mal ? La question est avalée par le cosmos tout entier. Les augures refusent de se prononcer sur ça. « Tu me crois ? » Si elle y croit, il y croira peut-être à son tour. Car Beth défie le danger avec une prudence toute trouvée. C'est ainsi qu'elle atteint ces endroits qu'on croit hors de portée, met la main sur ce que les autres n'ont pas remarqué. Elle a au fond des poches, des artefacts insoupçonnés, manipule une magie que beaucoup ne comprendront jamais. Une magie qui a permis à Tig de survivre ces dix-neuf dernières années, et qu'il ne négligera pas.
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
La riposte fait mal, dans son ensemble - puisque le ton est donné dès la première phrase, les quelques syllabes qui s'en suivent ne sont que des gouttes d'eau s'évertuant à diluer la parade dans une coulée de bienveillance. Ou d'excuse ? Beth ne sait plus trop le dire, plus décrypter les signaux sporadiques et brouillés que son frère lui lance. Dans ses yeux, elle est sûre pourtant, absolument sûre de lire une détresse triste. Mais dans les mains tièdes de Tig, dans ses mots, dans le ton de sa voix, il y a le paternalisme indécrottable des évidences. Il y a ce refuge aussitôt formulé, aussitôt ressenti ; mais qui n'a pas été demandé ici, et c'est là toute la nuance. Comme si formuler le moindre doute, même encouragé, annihilerait en une seconde quarante ans à tenir le même rôle ; comme un père qui craint que son enfant ne le voie plus comme un héros mais comme un être humain (paraît-il que ça arrive). Cette réponse, ce n'est pas une gifle, juste une petite calotte sur le crâne adoucie d'une caresse tendre. Et ça commence à devenir vexant. Je sais pas, Tig. elle trouve alors le courage de souffler pour réponse, Beth, les yeux toujours froncés comme si c'était là la clé pour décrypter le code dans les yeux de son frère. Le courage, oui, parce que son instinct et la facilité consisteraient à le conforter dans ce précieux rôle, à lui dire que tout ira bien tant qu'ils sont ensemble, à lui demander de ne pas l'abandonner - mais rien d'autre surtout - à nier en bloc cette idée grotesque d'inversion, puis s'excuser de faire tout un tas de cachotteries encore. Mais il ne s'agit pas de ça ; ça, c'est juste ce dont il essaye de se convaincre, parce que ça l'arrange bien. Le coeur de Beth se serre d'angoisse et de honte, la dénégation des rôles en gouffre d'inconnu terrifiant. Elle a l'impression de le trahir. Tu veux pas être un enfant mais tu refuses de me traiter comme une adulte. Donc je sais plus comment te parler.
La sentence tombe, en termes un peu forts sans doute – et encore ? Les années ont appauvri le vocabulaire de leur amour. Mieux Beth va, plus elle trouve que Tig va mal, subtil mélange d’acuité retrouvée et d’un chemin qui ne peut aller que de plus en plus mal. Chaque fois qu’il ne s’agit plus d’elle, la distance se rallonge, la communication grésille. Beth est triste et inconfortable mais un peu résolue, à peu près ; dans la grande paluche de Tig, ses menottes resserrent son tas de couette avec obstination. Son regard ne fuit plus, petite sœur en quintessence, défiant l’autorité arbitraire de l’adulte. Tu crois que c'est ça, se cacher ? Tu trouves qu’on a déjà eu besoin de couettes pour y passer notre temps ? Pourquoi ce serait si mal de vouloir être un enfant, quand on voit ce qu'on fait de nos vies maintenant ? Quand est-ce qu'on a été honnêtes hein, vraiment honnêtes depuis qu'on est des adultes, dis-moi ? Elle en hoquette presque d'émotion, de ces éclats peut-être bien puérils qui n'ont pas grandi proprement et s'emballent à tout âge, pour le meilleur et pour le pire. Ils lui mentent, tout autant qu’ils sont, et ont encore l’audace de le nier. Elle accepte sans rechigner ; on a les nouvelles qu’on mérite, qu’elle se dit. Mais là, dans les yeux de son frère qui la croit encore aveugle, Beth voit bien le gouffre. Ca va bien trop loin, si c’est pour s’autoriser à dire que rien n’est grave au bord du gouffre.
Elle remet en question le temps qu’elle est en train de se racheter, parfois ; si c’est pour le passer à slalomer entre la cellule des uns, les mensonges des autres et les silences des derniers. Si les années devant elle la condamnent à visiter des prisons et des tombes, à regarder les trains accidentés depuis son quai de gare, sans jamais retrouver le droit de les en empêcher. Austin a passé cinq ans en prison, Clyde s’est pris une balle, Tig s’enfonce un peu plus chaque année dans la résolution de son dilemme par l’obscurité qui l’empêcherait de le voir, jusqu’au point de non-retour. Dans ses moments les plus gris, aujourd'hui, Beth se demande surtout à quoi sert de rester pendue à son horloge arrêtée pour les regarder s'enfoncer dans la nuit. Mais ne disons rien, sourions, acceptons, résignons-nous, prenons ce qu’il y a à prendre, soyons réalistes : on n’est plus des enfants, après tout. Les mirettes bleues quittant leurs homologues avec fâcherie, Beth mastique l’intérieur de sa joue ; l’angoisse lui donne de furieuses envies de se bouffer les doigts mais elle y tient à ses couettes et ne les lâchera pas. Mais oui, ça va, ça va aller, ça ira. qu’elle finit par décocher, la rudesse du défi pour de bon constituée dans sa voix. Si c’est ça être une adulte, moi aussi je peux conjuguer les verbes comme une grande tu vois.
Mais elle s’en dédit pourtant aussitôt, de sa ruade. Dès que les paluches menacent d’abandonner les menottes sous le tas régressif, les doigts de Beth raccrochent ceux de Tig pour pas qu’il la quitte. Elle souffle déjà d’une toute petite voix. Excuse-moi. La seule idée de contrariété chez lui provoque en elle une torsion viscérale, comme si elle pouvait le ressentir dans son propre bide. Beth et Tig sont liés par une gémellité de circonstances, une fusion presque inévitable à la petite enfance. Chaque fois qu’elle sent sa carapace se refermer, son premier instinct va pour tenter de la décortiquer tout de suite. Et tout le temps que l’onde télépathique grésille, Beth se sent comme privée d’une moitié de ses pensées. Mais ils l’ont négligée, cette onde ; tellement malmenée au fil du temps que parfois, entre eux, elle entendrait presque le silence. T'es pas obligé de vouloir me parler. elle scande avec difficulté, prière apprise à force de thérapie : répétée mot pour mot d’une bouche plus intelligente qu’elle au sujet des sentiments. Chaque fois qu’il s’est agi de Tig, puisqu’il a bien dû y passer autant que tous les autres, il a fallu cette réponse contrariante. Beth comprend mais pas vraiment : tout son être se blesse sur cette prétendue sagesse et la rejette en bloc, parfois, souvent. Me mens pas, c'est tout.
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Jeu 18 Juil 2024 - 18:34
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
La conscience dominée par le traumatisme, s’agite, cherche à se défaire de ses chaines, voudrait pouvoir s’élancer pour rattraper ce que son amertume a engendré. Tig ne rate rien des signaux avant-coureurs, de l’expression faciale au ton emprunté. Les mots se perdent contre sa peau, la nécrosent en s'y attardant. Les résistances réduites à néant, il n’a d’autres choix que d’absorber sa frustration et sa déception, de les emporter au quartier général établi par dépit quelque part au fond de sa poitrine. Le cœur gère si mal le commandement, se retrouve déjà débordé par une multitude d’émotions insoutenables. Il reçoit de nouvelles amendes alors qu'il s’est déjà endetté de tous les côtés. Il ne paiera pas à temps, pas suffisamment et risquera, cette fois-ci encore, de la voir réquisitionner des pans d’affection pour s'assurer d'obtenir réparation. Une idée saugrenue qu'il n’aurait jamais eue si la tête avait conservé son rôle. Elisabeth en lien inaltérable, amour inconditionnel ayant comblé les carences affectives de parents défaillants, il ne remettrait normalement jamais en cause la solidité de leur relation. Peu importe les épreuves traversées, les silences entrainant l’appréhension, les erreurs, les faux pas, ils savent qu’aucun acte, aucune parole ne sera retenu contre eux. Il n'y a pas de tribunal, pas de jury. Pas même de sentence. Comme un pacte de sang que rien, ni personne ne pourrait briser, ils sont l’essence même de la loyauté. Sa soeur a toujours été la seule constance cohérente de son existence, l’unique filet qui sécurise chaque grand plongeon effectué. Sauf qu'il l'imagine désormais troué. L’esprit bien trop malade pour répondre à l’absurdité des battements, il craint de ployer à chaque son produit quand bien même elle n’y applique pas la moindre brutalité. Le simple fait du contre sens suffit à provoquer une monstrueuse vague d’anxiété totalement injustifiée. Elle le submerge avant qu’il soit capable d’en appréhender la hauteur et la férocité. Très vite soumis à la survie, il ne remue plus, ne parvient pas à lutter contre la paralysie. Il reste en place, tétanisé, en proie à une détresse nouvelle. Tout lui échappe, encore et encore. Il la tient bien entre ses doigts mais ne la ressent plus tout à fait. Elle a déjà quitté la pièce, déjà refermé la porte dans son monde bâti de fatalités et d’infortune. La respiration s’en retrouve appesantie, la gravité se charge de l'attirer au fond du gouffre. Et si c’était lui le plus friable d’eux deux aujourd’hui ? Cette pensée renforce l’entièreté de ses craintes. Est-ce que ça s’arrêtera un jour ? Est-ce qu’il a ouvert les enfers pour en devenir un locataire permanent ?
Il ne peut pas se défiler, pas même réagir, il est immobilisé, piégé dans une conviction erronée (il a été une fois de plus trop loin). Une réputation fondée sur des faits avérés, il pousse les gens dans leurs retranchements, les contraint à reculer jusqu’à ce qu’ils n’aient d’autres choix que de sortir, s’enfuir. Sauver leur peau avant qu’il ne puisse les réattaquer. Et si c’était Beth qui finissait par abandonner cette fois ? Le pire de ses démons lui susurre un ramassis de sottises, conspire au pire canular de l’histoire. Les sourcils s’arquent, les traits miment une tristesse qu’il est incapable de refouler. Le visage se baisse afin de la lui masquer. Il voudrait pouvoir se soustraire à son regard, s’extirper de cette prise qu’elle resserre au moment où il cherche à s’en défaire. Pas besoin de formuler quoique ce soit pour qu'elle comprenne, elle applique déjà le baume aux endroits où la chair a cramé. Ça pique, ça crépite, il retrouve un peu de souffle mais se recroqueville légèrement bien malgré lui. Son anxiété tolère à peine la dernière requête. Les serments s’entrecroisent, s’annihilent. La protéger de sa folie ou lui divulguer l'odieuse vérité ? Deux chemins opposés se dressent devant lui et il ne veut pas choisir, emprunte plutôt les sentiers battus quitte à se prendre les pieds dans les ronces et à tomber dans les orties. La tonalité s’enraie par moment, le disque tressaute là où les griffes se sont accumulées. « 'Y a bien des choses dont t’as jamais voulu me parler, toi aussi. » Et ça a failli la tuer. Il a respecté son silence à ce sujet pourtant, a admis qu’ils ne pouvaient pas décemment tout partager (surtout pas quand le recul est absent). Il se refuse à creuser ces circonstances, ne souhaite pas redessiner les contours de Mason dans cet environnement en particulier et enchaîne comme il peut en évoquant le fond de sa pensée. « Ça n’est pas une question de confiance. Je pensais que ça, tu serais la plus à même de le comprendre. » Mélange de difficultés, pas envie d’inquiéter l’autre, de le charger inutilement d’une responsabilité bien trop lourde à assumer, autant de bons sentiments les encombrant, qui les forcent à omettre la nécessité de l’autre à tendre la main. S’il attrape la sienne, elle tombera inéluctablement vers l’avant. Que feront-ils quand elle se sera fracturé le crâne pour de bon ?
A ce seul songe, l’intonation fragilisée disperse sa confusion (il ne veut pas la perdre par manque d'honnêteté). « Qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus ? » Les cordes vocales atrophiées, atteintes d’un mal qu’aucun sirop ne parviendra à résorber. Il ne supporte pas d’exposer cette infection, ne maitrise déjà plus grand chose à la discussion. « Ça a été compliqué. Ça l’est encore. Mais ça ira parce que de toute façon, ‘y a pas le choix. » La résolution qu’il veut amener, a piètre allure, elle s’effondre à peine soufflée. Le timbre se casse par endroit, autant de fracas dans les silences occasionnés. « Et y a rien à faire par rapport à ça. » Le rien regroupe au fond, toutes ces possibilités qu’il a refusé d’envisager. On lui a donné des noms, fourni des recommandations et il a tout balancé parce qu’il croyait encore être en mesure de combattre sa psyché détraqué. Tig s'est imaginé plus fort qu'il ne l'était, il se voyait déjà dompter les ombres. Et il a été, une fois de plus, avalé. « Tu ne peux rien faire pour moi, Beth. » Personne ne le peut à part lui (peut-être). Il ne sait déjà plus s’il est trop tard pour espérer s’en tirer. Les songes noircis au charbon projettent une poussière obscure sur l'ensemble de la machine. Les rouages se grippent. Tout en lui tend à lui faire croire que c’est foutu pour de bon. Il y a tant de bris de verre dans sa voix désormais. « Et c’est pas parce que je te crois encore être une enfant. » Pas sa faute à elle. Jamais sa faute à elle. Alors à quoi bon continuer d’en parler ?
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
Les tous premiers mots figent le sang de Beth sans même attendre la fin de la phrase. Y a bien des choses… le film pourrait devenir soudain muet que tout le monde, actrice et spectateurs réunis au pied du quatrième mur brisé par une lucidité cinglante, en devinerait la suite en substance.
Même si elle doit s'y attendre, même si le reste de sa vie lui semble voué à éviter les pioches ou entendre la réplique dès qu’elle se décide à creuser, la douche froide demeure et la fige immédiatement – un panneau stop bien trop facile. Et si Beth encaisse bien la première giclée (peut-être de se l’être tant répété elle-même qu’elle s’anesthésie peu à peu au choc de température), ne faisant qu’écarter les doigts dont il cherche tant à s’échapper par cette parade défensive, l’élaboration est une plongée dans une eau inattendue et glacée qui l’empêche de respirer. Elle aurait encore préféré une simple gifle : un rappel à l’ordre brutal mais juste, la version adulte et construite de c’est celui qui dit qui est. Parce que d’entendre Tig lui avancer son silence non pas comme un motif d’entêtement mais comme la construction logique d’un raisonnement, fait atteindre à ses craintes des cimes qu’elle ne songeait même pas grimper. Ca l’assomme presque de stupeur, d’écouter l’homme intelligent et logique qu’est son frère avancer son passif comme preuve, non pas de leçon à recevoir mais de leçon à donner. Faut-il que Beth aime Tig pour ne pas retenir contre lui ce qu’il la force à scander, submergée par une émotion qui lui broie les maxillaires à chaque syllabe et rend le propos à peine audible – deux belles gorges enrouées. Je suis vraiment pas un exemple à suivre. L’aimer pour ne pas les lui hurler, ces mots-là, ne pas lui demander en criant comment il ose ériger son passé en étendard. Beth peut aujourd’hui encaisser la culpabilité dictée par les autres (ou imaginée d’eux), le dos rond et les lèvres mordues ; elle n’en est pas à en guérir mais l’espoir continue de la faire vivre. L’entendre de sa propre voix, formuler en mots tous les reproches que les petites voix lui chuchotent sans cesse, c’est un exercice autrement plus difficile. Le faire parce que son frère veut tellement rejeter les raisons de son émoi qu’il se tricote des raisonnements contraires avec des choses graves, c’est à en choper des vertiges.
Y avait-il vraiment besoin de la contraindre à le dire, que se faire tabasser, plonger dans l’alcool et perdre l’amour de son fils n’est pas un sort enviable. Que si la sagesse pouvait tomber sur le museau de Beth par miracle et la jeter vingt-cinq ans en arrière, elle rejetterait presque toutes les décisions qu’elle a prises - surtout en terme de communication. Que les regards sidérés par-dessus un lit d'hôpital après dix ans de violence tue ça vous flingue complètement, et c'est même ça qui la terrifie par-dessus tout quand elle regarde son frère prendre la même pente et lui mentir. Si elle pouvait faire preuve d'éloquence à ce sujet, la fente serait toute trouvée pour aligner une batterie d'arguments incontestables ; mais face à tout ça, elle se ratatine. L’attaque est involontaire mais basse ; efficace cela dit. Évincée par K.O, Beth rejoint le camp des repoussés par un Tig invaincu. Les bras l’en tombent et les couettes ne tarderont pas non plus.
Rien à faire, rien à dire, rien choisir, rien pouvoir. Il lui accorde quelques bribes au moins et elle comprend qu'elle n'aura rien de plus, que le combat en épuisera l'un des deux, attaquera des cordes de plus en plus profondes et fragiles, les cassera peut-être avant de faire vibrer le moindre accord audible. En fait, plus Beth force Tig à parler, plus Tig dissone - paradoxalement, les mots qu'il se fait arracher à son corps défendant ne suivent pas la courbe d'aggravation de ce que l’exercice lui inflige. Chaque fois qu'une conjugaison du verbe aller lui fend la gorge, son visage la contredit un peu plus. L'image qu'il renvoie et les propos qu'il tient se dissocient de plus en plus, comme deux fluides non miscibles. Et à s'en fendre les tripes mais sans avoir bien le choix, Beth constate que plus elle insiste, plus elle aggrave la viscosité de l'huile dans son crâne. Qu'il allait mieux en arrivant sur son perron qu'après vingt minutes à recevoir un amour maladroit. Beth a tenu à inverser les rôles alors elle vit l'impuissance de l'autre, ce désarmement sidéré à constater qu'on fait plus de mal que de bien, à lui à soi, à nous à eux. Comme elle aurait aimé que Tig l'érige en exemple sans faire de la leçon un contresens : que rien que la regarder le pousse viscéralement à ne jamais faire de secret. Mais venir du même sol stérile implique autant une empathie inviolable que de terribles ressemblances. Dans les moments les moins gris, Beth se souvient que Clyde n'est pas comme eux : pas exempt d'erreurs, il aura au moins compris à l'endroit cerre leçon qui fait aux adultes le plus de mal. D'accord, excuse-moi. anone-t-elle à nouveau, l'esprit chavirant et la voix chevrotante de toute façon, trop pour singer une minute de plus la moindre figure d'ancrage. Trop impliquée pour être lucide, trop aimante pour faire du bien, trop fragile pour tenir et trop coupable pour sermonner. Beth pose ses couettes sur un coin d'étagère et les armes à terre. N'en parlons plus. se fend-elle d'un sourire tendre, un peu flouté par ses lèvres qui tremblent, avant de quitter prestement le face à face pour se replier à son tour, effacer dans l'intime les larmes qui ont noué sa gorge et menacé ses prunelles. Elle imagine qu'il n'en prendra pas ombrage : Beth a les larmes faciles comme on se dit bonjour. Arrivée aux tasses pour reprendre une dinette adulte, elle fait la moue en les prenant, avide d'un temps mort pour retrouver ses esprits après sa défaite colossale. Froid et trop infusé, comme on les aime.
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Dim 21 Juil 2024 - 14:04
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
Les poignards, il les tient bien dans ses deux mains. La première lame a effleuré Beth de trop près, la seconde, il se l'est plantée lui-même entre les côtes. Seul auteur des crimes perpétrés ici, il doit survivre à la culpabilité désormais. La déconvenue a fissuré les traits opposés, l’a éloignée ultimement. Les terreurs se sont férocement réarmées en seulement trois mouvements, le sourire de surface (aussi trompeur qu’une fleur en plastique plantée au milieu d’un jardin), l’abandon des couettes (relâchement d’un rêve de simplicité) et finalement, la distance prise (le dos pour tout horizon). Une tragédie en trois actes, il se demande avec quelle encre ils vont continuer à les écrire. A force de les accumuler, il ne doit sûrement plus rien rester. Et Tig est à blâmer. Lui n’essaie même pas d’avancer, il se contente de subsister, l’arme au poing et l’aigreur pour tout sentiment. Beth, de son côté, vise la reconstruction, met un pied devant l’autre, trébuche, se relève et poursuit son avancée. L’immuable la met en défaut en enchainant les croche-pieds involontaires. Les efforts qu’elle déploie, il ne peut pas se permettre de les saboter comme ça. Lui, pourtant déterminé à lui simplifier sa route, redevient trop régulièrement, un nid-de-poule impossible à éviter. Les parasites se déploient une seconde fois, becquettent le cœur surmené par cette nouvelle vague d’anxiété. Il pourrait presque la supplier de revenir, de lui pardonner. Le produit de sa terreur irrationnelle, aggrave les symptômes les plus déroutants. Elles en profitent, ses peurs, pour s’insérer là où le doute a été généré et fragmentent définitivement son identité, massacrent sa personnalité. Il ne sait plus tellement ce qu’il est, encore moins ce qu’il doit être, se rappelle à peine de ce qu’il a été. Il est perdu dans une pièce connue, désorienté en terrain familier. Cette sensation le réduit à une famine affective insoutenable.
Porté par la crainte de la perte, il s’élance subitement vers l’avant. En quelques enjambées, il se trouve déjà à ses côtés. Aucun regard jeté en direction du thé mentionné, l’attention est maintenue sur le besoin de réparer la fracture. Tig allonge le bras pour attraper son épaule, l’amener doucement contre lui. Pendant une poignée de secondes, il perdure dans cette position. Il se convainc comme il peut des faits. Elle est bien là avec lui. Tout ne peut pas être démoli pour une mésentente fugace. Après une éternité passée à combattre ses appréhensions (aliénation réitérée par le palpitant affolé, piètre patron de son organisme défaillant), il tente d’expier ses pêchés, d’une voix basse et hachurée. « Je suis désolé. » Des mots qu’il ne prononce pratiquement jamais, par orgueil essentiellement mais aussi, par conviction. Il trouve ces paroles trop simples, elles ressemblent à une formule magique qu’on anime de bonnes intentions, censée venir à bout des erreurs. Pour lui, seuls les actes peuvent racheter les ratés alors à quoi bon les prononcer ? Néanmoins, il omet ses principes pour elle, veut à tout prix déblayer les débris de leur conversation antérieure. La volonté à ramasser les morceaux et à les recoller maladroitement ensemble, lui permet de relâcher un peu de sa vérité. Ça lui vaut deux appels d’air avant d’oser l’articuler. La mise en relief de ses difficultés ne l’aide jamais à les surmonter. Au contraire, elles en deviennent plus réelles, concrètes. « Ce qui s’est passé, ça a fait remonter des mauvais souvenirs. » Minimiser les dégâts, ne pas parler de ce qu’il traine depuis son retour, en dire un peu mais en dire assez quand même. Un art qu’il ne se sent pas capable de maitriser, pas quand les pinceaux sont abimés et que la peinture a séché. Quel genre de portrait convaincant pourrait-il lui dresser en étant si mal équipé ? « Et j’aime pas parler de ces trucs-là. » La guerre et tout ce qui y est associé, une thématique taboue pour lui depuis qu'il a remis les pieds à Clifton. Pas une seule anecdote ne lui a échappé. Il ne lui a pas conté la fébrilité ressentie lors des premiers combats, ne lui a pas expliqué ce sentiment déroutant la première fois qu'il a ôté une vie, ne lui a pas exposé la culpabilité quand il a croisé le regard de civils apeurés. Et il ne lui a surtout pas parlé d'Alma.
La suite des confessions se chuchote, c’est un aveu qu’il lui concède mais qu’il s’octroie aussi dans la foulée. Le temps en ciment n’a pas réussi à solidifier les fondations ébranlées. Lui est au-delà du réparable. « C’est si ridicule, Beth. Ça fait dix-neuf ans maintenant. » La honte ternit la mine. Il aurait dû être plus fort que ça, plus résistant et plus résilient. Comment fait Beth pour trébucher, se relever et continuer tout de même ? Pas infaillible pourtant, il ne l’oublie pas. Les lèvres se déposent délicatement au sommet de son crâne, miment l’affection dispensée durant l’enfance. Autant d'attentions qu’il ne réserve qu’à sa sœur, la pudeur s’émiettant à son contact. Il se détache d’elle lentement pour mieux la fixer. La question restée en suspens, niée à répétition, lui est à nouveau imposée. « Dis-moi comment, toi, tu te sens. » Il ne lâchera pas, jamais. Cette mise en lumière de ses plaies ne doit pas les détourner des siennes. « S’il te plait. » Une autre formule magique qu’il exècre, elle a des airs de manipulation socialement acceptée. Mais il ne sait plus quelle force appliquer pour lui prouver sa sincérité, pour lui faire comprendre qu’il est suspendu dans le vide, tient du bout des doigts au rebord d’une falaise. Il ne demande pas à être tiré, simplement encouragé. Qu’il sache qu’après l’effort pour remonter, il pourra réellement la retrouver.
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
/!\ Traumatisme, sujets mentaux lourds, négligence parentale et violence conjugale
Archipels
Le bras autour de son épaule fait un effet de balai brosse dispersant ce qui n'est déjà plus que la poussière d'un chagrin ou d'une grogne. Beth accompagne le mouvement de lavage sitôt qu'il est amorcé, se serrant contre le corps qui l'enlace pour y poser sa tête dans un élan primitif, quasi utérin. La contrariété est un état impossible avec Tig, elle le quittera toujours aussi vite qu'un atome qui a besoin de son jumeau pour se stabiliser tant qu'il se trouve dans sa réalité physique. Et pour tout ce que ça pourrait les desservir parfois, à rendre alambiqués les plus normaux des reproches et les virulents impossibles, c'est aussi une constante de son monde sans laquelle elle n'envisage pas d'exister. Beth ne voit sa vie que comme un tas morcelé, un sol de cailloux meuble exempt de tout le ciment nécessaire à faire des gens solides ; mais au milieu de ce tas de particules abstrait qui ne cesse de bouger, il y a la figure primale de ce gros rocher. S'l n'y avait pas eu son frère aux prémices du chaos, Beth ne serait plus là pour raconter la suite : sa présence dans l'imbroglio stérile qu'était leur vie est l'once de stabilité en elle qui lui permet encore aujourd'hui d'essayer. Echouer peut-être - la magie fraternelle a ses limites contre un monde entier négligé par les figures nourricières - mais ne pas renoncer. Non, t'as en partie raison. Et Beth ne peut pas exiger des lois de la physique plus que ce dont elles sont capables, prêcher ainsi la parole des fraîchement convertis en espérant lui apporter le miracle. Ce qu'elle aimerait pouvoir le contredire, pouvoir faire quelque chose pour lui, mais la vie n'est pas ainsi faite. D'ailleurs elle n'a rien à répondre à ce qu'il lui annonce, rien que la confirmation inutile de soupçons déjà fondés sans le dire. Elle espère, malgré tout, que les bribes formulées balayeront aussi un peu des doutes, planteront ne serait-ce qu'une graine de défense contre la petite voix qui lui intime de se taire, à défaut de toutes les autre. Beth n'a peut-être pas besoin de connaître tous les détails ; Tig, en revanche, à besoin d'apprendre qu'il pourrait les lui dire. Je t'aime, tu sais. se contente-t-elle de répondre, les paupières closes sous le baiser qu'il lui glisse. Si ridicule soit-il. Aussi sûrement que les autres lois.
Elle inspire fort son odeur avant qu'elle ne s'éloigne, papillonne une seconde des cils sous l'insistance de son regard. Chacun son tour, pas vrai ? Beth sait que ce n'est pas ce qu'on lui demande, qu'elle ne devrait pas, mais elle ne peut s'empêcher d'en sourire. Les grands bouleversements c'est pas vraiment mon domaine non plus, hein ? Tu parles d'un ridicule. Avec elle, la question n'a pas la même saveur de banalité que pour les autres, même dans ces circonstances exceptionnelles. Elle essaye de ne plus s'en défendre, d'ailleurs le sourire réhaussant sa pommette gauche à l'adresse de son frère n'est pas révolté, seulement un peu amer (pour tout ce qu'ils n'ont pas été moulés pour cuire en adultes fonctionnels). De la violence portée à elle-même demeure un amusement certes un peu cruel contre ses propres failles. Du silence dans lequel elle s'emmurait, une petite manie de contourner les choses de la confesse pour les examiner avant de s'y lancer. C'était dur, cette nuit. Très dur. Cette nuit occupera un certain nombre de séances et dispersera sans doute les rangs du groupe, évidés de ce qui ont trop perdu. Boire quand on est seul et à la rue, est-ce vraiment de l'alcoolisme, ou juste une distraction aux conséquences bien futile en miroir de tout le reste. Le doit de Beth griffe le rebord d'une tasse froide délaissée sur le plan de travail, à croire qu'ils ne souffriront eux de nulle distraction à leurs déboires. Elle se perd un moment dans sa contemplation avant de s'arracher en un tout petit murmure, le sourire à ses lèvres plus qu'une défense fantôme contre la brutalité de ses confessions. Je me rends compte que je pourrai jamais vraiment redevenir une mère, ces derniers temps. Tig exprime le besoin de savoir, Beth essaye de faire des efforts de transparence : alors, voilà l'update thérapeutique. C'est un état cruel, déprimant, déchirant même, mais nécessaire. Parce que Beth a été cuite dans un moule sans colonne vertébrale, à se recroqueviller comme un mollusque dans sa coquille misérable au moindre coup dur. Chaque tentative d'en être une, de mère, s'est soldée par une rechute dès que le résultat escompté n'allait pas assez vite. Elle le désire trop pour l'obtenir, voilà tout, parce qu'elle ne sait pas gérer ses désirs. Peut-être qu'une réalité l'attend où cet avenir est possible mais elle ne peut plus compter dessus ; rien que contempler celle dans laquelle elle fuit des tornades sans son fils sur l'autre siège.
Tu penses pas que ça fait beaucoup plus que dix-neuf ans ? elle embraye, après un très long silence, et une grande inspiration pour dénouer les larmes qui ont pris sa gorge d'assaut - ou juste se sortir d'un cauchemar trop pensif. Elle n'a pas du tout envie de s'attarder là-dessus, tenait seulement à le dire, enfin à ne pas se taire. Tig ne peut pas plus l'aider qu'elle ne lui est un secours, et toute tentative de minimiser la gravité de ses erreurs ne fait que jeter du sel de déni sur une plaie en tentative de conscience. Les bras de Beth se replient contre elle, en défense naturelle contre ces démons qu'ils ont décidé de mettre en lumière (elle peut-être plus que lui), sans la parade d'un jeu puéril, d'une dinette. Beth, elle croit qu'ils étaient surtout foutus dès la naissance. Elle ne sait pas ce que Tig a vécu mais parierait qu'on ne lui a pas donné les bonnes armes pour le vivre. Ca la met bien plus en rogne s'agissant de lui que d'elle. Je suis désolée d'avoir jamais rien dit. Démon après démon, un projecteur après l'autre, allumés par quelques mots gâchette, le regard allant d'une tasse à une fenêtre, les doigts du bord à ses côtes. C'était trop noir, et j'avais trop honte. Et je pensais... Elle inspire encore, plus profondément, bouche ouverte cette fois même, relargue un air difficile. Les yeux de Beth retrouvent ceux de son frère, pour ne pas le fuir cette fois l'amende honorable. Paraît que c'est une étape, et la liste ne se résume pas à son fils - quel fun y aurait-il. Je pensais que me sortir de tout ça me tuerait plus vite que d'y rester. Beth n'a pas dissimulé sa situation à Tig de peur de le blesser dans ses bagarres - elle n'est ni forte, ni altruiste, ni un héros. Elle ne l'a même pas autant évité par peur de son jugement qu'elle ne le voudrait. Non, elle l'a fait parce qu'elle savait qu'il ne se reposerait pas avant de l'avoir sauvée - et que se sauver, c'était un acte insoutenable, qui l'a même fait plonger.
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Jeu 25 Juil 2024 - 16:30
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
Un seul mouvement de sa part suffit à déloger le monstre de sa poitrine. Les griffes se rétractent autour du cœur, les crocs relâchent la cervelle. Les lacérations persistent, les saignements l’affaiblissent. Un danger en chasse toujours un autre. Dans cet état de crise, chaque mot, chaque regard ressemble à un piège de métal. Il se prend les pieds dans chacun d’entre eux, finira amputé avant la fin de la journée et ne trouvera même pas dans le repos souhaité, le sommeil apte à tout lui faire oublier. Il est fatigué d’avoir à lutter autant juste pour avancer. Beth applique un énième cataplasme sur ses plaies, le ramène aux sentiments indestructibles, au caractère inflexible de leur affection. Il tente de conserver ses mots, les ramène à lui, les serre contre son thorax pour qu’ils percent sa chair, se fichent à l’endroit où le palpitant frisonne encore d’effroi. Le socle est estimé fissuré, empreint d’une fragilité telle qu’il continue à s’inquiéter de sa pérennité malgré tout ce que sa sœur met en place pour le sécuriser à ce sujet. Il sait qu’elle dit la vérité. Mais il ne sait plus si ça sera toujours vrai à l'avenir. Combien de temps avant qu’il parvienne à démolir ça aussi ? L’ombre de la créature établit toujours une influence vorace sur sa conscience, elle l’ébrèche, fait dérailler son train de pensées. Tig ignore ce qui est réel et ce qui est soufflé par la partie malade de son esprit. Il navigue entre des questionnements oppressants, échoue finalement sur le rivage massacré de sa benjamine. Soulagé qu’elle lui délivre l’accès au ponton mais très vite broyé par ce qu’il l’attend à l’arrivée. Une armée de spectres pour hanter son regard, tourmenter sa voix, ils tournoient autour d’elle, la maintiennent captive de cette terre infertile. Comment ne peut-elle pas voir que ses efforts ont généré un nouveau courant ? Qu’avec un peu de chance, beaucoup de patience et de temps, elle pourrait construire un radeau et s’en aller ? Est-il bien placé pourtant pour lui parler d’aller de l’avant quand il se charcute les chevilles à chaque pas ?
Ses yeux la détaillent alors qu’elle lui expose sa douleur puis sa culpabilité. Il absorbe cette gamme d’émotions et se sent (à son tour) immédiatement impuissant. Le sang de Mason a repeint ses phalanges, ça n’a rien solutionné, ça ne l'a même pas soulagé. Car il est toujours là d'une certaine façon, rendu immortel par la souffrance qu'il a occasionné. Le mal sévit encore en elle, impacte ses relations et il n’aurait pas l’audace d’affirmer savoir ce qu'elle endure. Comment parvient-on à se relever quand on a enduré des années d’abus répétés ? Sa difficulté lui parait mille fois plus légitime que la sienne, il peut tout à fait entendre qu'elle perdure dans le temps. Elle a modifié sa course et altéré tellement d'éléments. Rectifier cette trajectoire, sauter d’une case à une autre, demande des ressources qu’elle n’a sans doute jamais possédées. Conscient de marcher en terrain accidenté, Tig évolue avec prudence, petit pas par petit pas afin de ne pas brusquer le mouvement, de ne pas risquer une chute inopinée. Avec un aplomb déniché dans la haine entretenue à l’égard du bourreau, il commence par rétablir la vérité. « La honte était pas dans le bon camp. » C’est Mason qui porte la responsabilité de son silence à elle. Lui qui a établi un rapport de domination, qui l’a isolée, qui lui a laissé penser qu’il n’y aurait pas d’échappatoire. La rage en acide pour les tripes, il remue inutilement pour tenter d’en gérer l’inconfort, exécute quelques pas brouillons avant de redevenir immobile. Il ne peut pas lui en vouloir, pas lui faire regretter son comportement. Parce qu’au fond, il est bien placé pour connaitre les exigences parfois irrationnelles de la survie. « On fait ce qu'on peut quand on survit. On devient ce qu'on croit devoir devenir pour tenir bon. » Pas de reproche, simplement un constat formulé avec douceur. « Tout ce que je te souhaite, c’est d’arriver à vivre, Beth. A vivre vraiment. » Autrement qu’en portant le poids du passé. Elle mérite de le déposer, de retrouver tout ce qui lui a manqué - la notion de foyer et de sécurité pour commencer. Quant à la question de la maternité, Tig se sait incompétent. Déjà pas foutu d’être un oncle adapté, comment pourrait-il émettre un avis sur le sujet de la parentalité ?
Seule sa propre expérience (la leur à vrai dire) peut étayer ce qu’il tente bien grossièrement de lui expliquer. Il ne sera jamais père. Mais il a été un fils déçu lui aussi. Il estime que le contexte et les épreuves divergentes n’effacent pas les attentes et les besoins basiques d’un enfant. Avec un peu de cran, il porte le raisonnement en bordure des lèvres. La rudesse du ton ne traduit que l’amertume préservée après toutes ces années. « On a pas eu véritablement de parents. » L’un physiquement absent, l’autre, défaillant et négligent au mieux. « Parce qu’ils ont jamais essayé. » D’être plus que des géniteurs, de viser le changement (même s’ils n’y arrivaient pas en bout de course). Ils n’ont jamais mis la moindre énergie dans leur rôle, n’ont rien fait pour que ça marche. « C’est ça que je leur reproche le plus, personnellement. » Tous deux n'ont connu que l'indifférence, l'implication réduite à néant. Peu importe qu’ils soient là devant eux, ils ne comptaient pas. Une affirmation qui s’est très vite imposée de son côté et qui l’a marqué à jamais. Pas désirés, pas aimés, pas même notifiés, ils n’ont été que deux erreurs de parcours pour Mary et Joe. Peut-être qu’ils ont tenu à les mettre au monde pour faire comme tout le monde, pour obtenir un statut social bien mérité dans une société codifiée. Peut-être qu’ils n’ont rien calculé et qu’ils ont été forcés d’assumer (si on peut appeler ça assumer). Les raisons, au fond, Tig a cessé de les chercher. Et elles n'importent pas dans ce cas. Seule sa conclusion a pour vocation de l'apaiser. « Et tout ce que je sais, c’est que t’es pas comme eux. » Aussi imparfaite qu'elle puisse être, elle ne souhaite pas se débarrasser de Clyde, ne nie pas son existence et n’est pas indifférente. Tig aurait donné tout ce qu’il avait autrefois pour qu’une seule fois, Mary lâche sa canette, s’excuse et les regarde autrement que comme une source de distraction momentanée. Ça n'aurait peut-être pas tout arrangé mais ça aurait participé au maintien d'une certaine relation entre eux. « Toi, t’essaies. » Et même si elle estime que ça ne suffit pas, pour lui, ça devrait compter.
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
C'est fou comme le pouvoir des mots peut être à la fois immense et dérisoire, époustouflant comme sidérant de vanité. Des terribles souffrances vécues sortent des chefs d'œuvres immortels, vallées baudelairiennes et angoisses lovecraftiennes : une fédération internationale de tripes retournées par la même image, d'âmes esseulées qui se sont senties enfin comprises à la lecture d'un poème. Mais quand le commun des mortels se retrouve soumis à cet exercice du dialogue, il se voit confronté à la pauvreté lexicale, une liste socialement triée et charcutée de quatre vingt dix pourcents des mots qu'il convient de dire pour exprimer son mal. On répète inlassablement les mêmes phrases, désarmés face à l'intensité du mal, honteux et penaud d'en penser mille fantaisies pas acceptables. Tous les mots qui nous viennent semblent excessifs et puérils, on ne peut décemment parler de se charcuter le ventre et l'âme sur notre propre spleen en public ; mais alors les pauvres syllabes qui sont parvenues à s'extraire du filtre sociétal se trouvent bien insuffisantes, si dérisoires qu'elles n'ont plus de valeur qu'à titre informatif, certainement pas exutoire. La douleur devient un mémo que l'on se passe poliment et pudiquement, en faisant attention de ne pas bousculer l'autre avec notre malheur encombrant, il semble que plus l'on se montre digne à l'exercice plus on récolte de louanges. Ca ne se fait tout simplement pas, de jurer entre deux sanglots qu'on va crever là dans la minute, qu'on veut se tortiller comme un ver au sol et gerber pour expulser le mal.
Beth a longtemps haï les mots et tout exercice de dialogue parce que murmurer des malheurs polis lui semblait plus douloureux que ne rien dire. Elle buvait le poison et le gerbait dans son coin sans rien demander à personne, emmurée dans un mutisme assourdissant, détruisant tout comme une harpie sous ses hurlements muets mais cataclysmiques. Aujourd'hui qu'elle s'essaye à l'exercice par maturité dira-t-on, du moins par expérience, sous l'instruction bien sage de ne pas recommencer les mêmes erreurs, elle ne le trouve pas moins insatisfaisants. Si la gorge de Tig pouvait gronder tous les orages qu'elle lit dans son regard ou ses traits qui s'agitent, serait-ce vraiment si mal ? S'ils s'allongeaient au sol pour gigoter comme des vers sous le poids de ce qui leur tord les tripes, ne serait-ce pas plus productif. Bien-sûr, bien-sûr, il est bon de donner des nouvelles ; mais aussi de se demander, finalement, si l'impuissance qu'ils ressentent ne vient pas un peu de cette confondante inhibition lexicale.
Par intermittence. ne peut s'empêcher de relativiser Beth, ce mérite pourtant déjà un peu poussif qu'on lui trouve. La déception n'est pas un mot balisé, elle peut venir autant des attentes que l'on se formule et qui ne sont jamais rencontrées, que des promesses dites avec enthousiasme et reniées avec découragement. Malgré des mots sages, chaque phrase a piqué son coeur, pas vraiment de douleur mais d'une sensation de pression sur la poitrine, un souffle retenu face aux choses profondes et aux affaires sérieuses. Le spectre de Mason et le souvenir cuisant laissé à toute la famille ; à Beth, une peur profonde et inhérente dont elle ne pense pas sortir un jour, pas vraiment. Et passée cette menue distinction entre leurs destins, tout le reste qui les relie encore, un lien forgé dans une montagne de malheur, mystique et indestructible. Entendre Tig prononcer la défaillance de leurs parents est un soulagement qui fait monter de nouvelles perles aux yeux de Beth, parce que ce sont des mots qu'elle ne parvient pas à se dire à elle-même - ou alors, comme des recettes à nouveau, écrites par d'autres, répétées diligemment. Elle en revient toujours dans les moments les plus noirs à sa propre faute, à ce qu'elle a mérité tous ses malheurs, même les pires, parce qu'elle était aussi mauvaise que ce que pouvait en dire sa mère. Se trouver des médailles quotidiennes est déjà un exercice pénible, reconnaître le moindre crédit à sa propre existence est un sommet inatteignable pour l'heure. Clyde non plus n'est pas comme nous. Ni comme elle, ni comme Mason, souvent il lui rappelle davantage Tig que ses propres géniteurs. Parfois Beth se dit qu'il était destiné à naître parce qu'il ne partageait rien avec ses parents, à part peut-être les yeux de sa mère (ce qu'il pouvait en prendre de mieux finalement) ; comme une espèce de pied-de-nez vivant à tout déterminisme. Un trophée bien lourd, dont il se serait sans doute passé. Je veux juste qu'il soit heureux. Et moi... Beth se mord la lèvre, prise d'un instant d'hésitation à le dire. A Clifton, c'est presque un verbe tabou, un gros mot. Moi je partirai peut-être, un jour. Quand je serai sûre que c'est le cas.
S'il est un peu précipité, assez arrogant, de se penser assez solide pour prendre la poudre d'escampette sans s'étouffer sous la nuée de poudre, plus Beth y pense et moins elle sait quelle vie l'attend là, justement. Clyde est adulte et il a démontré qu'il se passait bien d'elle. Elle tombe amoureuse d'un homme que les circonstances s'obstinent à rendre inaccessible, comme si le monde voulait absolument trouver des erreurs à tous ses choix, même dix ans après les faits, même maintenant que tout le monde est libre. C'est une malédiction, que Beth se trouve à Clifton : une condamnation à jouer les figures séparatrices des familles, des mariés, des amis. Elle ne sera jamais rien d'autre ici qu'Elisabeth Saracen, femme battue, alcoolique et briseuse de ménage. Quelle vie.Tu sais à quoi je pense, quand ça va mal ? A la maison de retraite. se fend Beth de ses aveux, la bouche un peu tordue de ridicule, soucieuse de cultiver cette rencontre avec son frère au milieu des décombres. Et tant pis, si c'est pour se faire gentiment engueuler une fois de plus. Elle ne déteste pas ça, même si elle boude un peu : c'est la preuve d'un grand frère, quelqu'un qui l'aime assez pour la pousser sur des sentiers pragmatiques. Elle a le sentiment que ça fait du bien à Tig aussi. Des chambres les unes à côté des autres, des espaces verts pas entretenus pour que les coquelicots poussent et un banc près d'une route nationale pour écouter passer les voitures. De la petite enfance où tout est possible à la vieillesse où rien n'est attendu, portée par des âges extrêmes où les attentes n'existent plus. C'est beaucoup trop dur, bien souvent, d'être seulement adulte. Je sais pas encore ce qu'on est censé faire d'ici là, Tig. Mais moi aussi, j'aimerais te voir le faire : vivre. Est-ce qu'on devrait pas s'inspirer de ce qu'on veut pour l'autre, et l'appliquer à nous-mêmes, si c'est ce qui faut pour qu'on essaye.
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now
Lun 5 Aoû 2024 - 1:37
Tig Welch
p e a c eo fm i n d
le clair
Age : Le regard terni par quarante-six années de vie, il accuse l’usure du temps et des cycles répétitifs, les mains aussi râpées que les mots qu’il utilise avec parcimonie.
Adresse : Nid construit à Midtown.
Labeur : La direction toute trouvée, les Bloody Eagles lui ont tout apporté au moment où il en a eu la nécessité, une famille, un sens, une mission et il s’acquitte de ses devoirs sans rechigner. Devenu depuis sergent d’armes.
Coeur : Il s’est convaincu du bienfondé de sa solitude.
Berceau : Clifton, le point de départ et la ligne d’arrivée d’une course qu’il ne pense pas remporter.
« If your world falls apart, I'd start a riot. If night falls in your heart, I'd light the fire. In the dark, when you sound the alarm. We'll find each other's arms. »
« It's funny 'cause if we just sat and talked. You'd see that it's just hard for me to be vulnerable 'cause I blocked it off, I got trust issues growing up. »
« And we will step outside checking that the coast is clear on both sides. 'Cause we don't wanna be seen. This is suicide. But you can't see the ropes. »
« When everyone you thought you knew deserts your fight, I'll go with you. You're facing down a dark hall. I'll grab my light and go with you. »
Pseudo : sfs.
Pronom : Elle
Fc : Tom Hardy
Multicompte : Naila Ammari
Préférences rp : - Usage du français uniquement en RP (inconfortable avec les dialogues en anglais)
- De 600 à 1300 mots, je m'adapte sans problème à la personne que j'ai en face de moi
L’affirmation apportée toque à la mauvaise porte, elle s’entrouvre sur une ville pillée. Métropole qui a, un jour, offert toute une panoplie de possibilités à ses usagers avant d’être trahie.Ses habitants l’ont éventrée, mise à feu et à sang au nom de la cupidité. Ils l’ont dépouillée de tout ce qu’elle avait de plus important. Il ne reste plus rien, pas la moindre devanture à contempler, plus un seul trottoir sur lequel évoluer. Plus personne ne peut prétendre y vivre encore. Il n’y a plus rien à gagner. Alors pourquoi y demeurer ? Clyde n’est pas comme eux, en effet. Il n’a pas à survivre dans cette cité infertile, il dispose de toutes les capacités pour passer la frontière, possède la bravoure nécessaire afin de partir loin et d’accomplir plus. Est-ce qu’il le conscientise seulement ? Tig ignore encore aujourd'hui si son neveu cherche à défier l’infortune ou s’il s’est acclimatée à elle. Mime-t-il leurs faux pas ou a-t-il décidé d’emprunter une route damnée en suivant d’autres ombres ? En rupture avec ses proches et pourtant, si prompt à répéter les mêmes erreurs. Qui doit-il blâmer pour la direction prise, les Welch ou la figure qui les a remplacés à ses côtés ? La mine décomposée à ce songe teintée d’inquiétude, il n’argumente pas et ne vient pas soutenir la constatation alliée. Car il doute fortement qu’ils l’interprètent de la même façon. Le cœur malmené, s’arrête un temps, fige tout mouvement alors que Beth décline ses espoirs et leur finalité. Elle repeint le paysage en bleu nuit, adresse à sa trajectoire, une vague de mélancolie à laquelle le désorienté ne peut répondre qu’avec incrédulité. « T’envisages de quitter Clifton ? » Ce n’est qu’un murmure faiblard s’éparpillant pour déjà rejoindre le néant. Pas le bon moment pour tester une stabilité précaire, pas le bon timing pour accuser cette probabilité. Les fissures s’élargissent dramatiquement à l’idée de devoir découper sa silhouette du décor puis d’avoir à envisager la suite avec ce trou béant.
La douleur en incendie, colonne de flammes dans la gorge lui dérobant sa voix, il peine à articuler correctement ce que la cervelle cherche à formuler. Il ne reste que des accents cassés quand il s'essaie à comprendre le but de son raisonnement. « Tu crois que c’est ça qui rendra Clyde heureux sur la durée ? Ton éloignement ? » C’est du moins le message qu’il croit décrypter. Une pensée qui lui appartient davantage et qu’il projette peut-être maladroitement sur elle. Une croyance née de ses récentes interactions avec son neveu. Ses tentatives pour le préserver sont vouées à ne ressembler qu’à des jugements sévères, ne font que saboter l’estime qu'il se porte et à l’acculer dans une rancœur que l’oncle ne parvient pas à défier. Tig a tout à lui prouver mais plus rien pour justifier cet entêtement (rien à part son affection). La vérité, c’est qu'il le démolit. Et que même s’il ne cherche qu’à le protéger, il se retrouve bien dans le camp opposé. Il entraperçoit dans son regard un mépris semblable à celui qu’il a lui-même éprouvé pour Mary et Joe. Alors ainsi, il sait maintenant ce que ça fait. Alors ainsi, il leur ressemble maintenant. Lui qui s'est promis de ne jamais être leur reflet. Pourrait-il y avoir plus grand fiasco que ça ? Habité par un défaitisme insatiable, il n’arrive plus à envisager d’autres options aujourd’hui que celle qui l’éloignerait de Clyde. Finalement, il est sans doute la pire menace pour son équilibre. Est-ce que Beth se croit elle aussi, synonyme de malheur pour son fils ? Est-ce qu’elle en est arrivée à cette conclusion elle aussi ? Une nouvelle forme d’accablement s’abat sur lui. Il se permet de tirer le premier siège à sa portée pour s’y laisser retomber, les épaules affaissées. La sensation d’échec se couple aux remords, alimente une multitude de regrets. Ça prend déjà des allures de tumeur au fond du gosier, le genre qui écrase les cordes vocales et rend muet.
Est-ce qu’un jour seulement, ils parviendront à constituer une famille à peu près cohérente et à peu près soudée ? Cet idéal inatteignable parait d’autant plus utopique maintenant qu’elle envisage le départ. Lui-même s’interroge souvent sur cette épopée. Où se trouve donc l’arrivée ? Elle la lui présente en quelques phrases, décrit un cadre ennuyeux pouvant satisfaire ses besoins d’apaisement. Quand on est parqué au fond d’un établissement, sans doute qu’on ne subit plus les attentes des autres. Qu’on peut mourir silencieusement avec la conviction d’avoir terminé sa besogne en ce bas monde. Comme toujours, Tig ajoute de l’aigreur à la douceur. Mais Beth n’a pas besoin de son amertume pour tenir ses rêves de quiétude, pas besoin de savoir à quoi lui pense quand tout va mal. Seul le réconfort d’une mort rapide, à un âge pas trop avancé le délivre du malaise associé au fait de continuer à persister dans une réalité aussi rude. Un songe macabre qu’il ne compte pas vocaliser, bien incapable de venir la heurter. Autant qu'il est incapable de rebondir au message qu'elle cherche à lui faire passer, pas sans mentir du moins. Et ils ne font pas ça. Ils ne se mentent pas. Au pire, ils omettent. Ainsi, il s’adonne à un mutisme de circonstance, conscient d’avoir déjà brûlé trop de vies par le passé pour espérer en récupérer une entière. Tous ses espoirs ne se tournent déjà plus que vers sa sœur. « Laisse-toi le temps, Beth. De trouver ce que tu veux. Ce dont t’as besoin. » Difficile de trier les nécessités des envies, des devoirs, de jauger de l'importance des uns des autres. Un apprentissage qu’elle mènera à son terme. Et dont l’issue sera acceptée, peu importe où ça finira par l'emporter. « ‘Y a pas qu’en maison de repos qu’on peut trouver sa sérénité. Même si ça signifie que tu partes d’ici pour la trouver. » Même si ça signifie qu’ils ne se voient que rarement. Son repère principal dissipé par la distance, il craint ses réactions, se méfie de son mental atrophié. Mais ça ne regarde déjà plus que lui. Son égoïsme ne l’arrêtera pas (jamais) sur le chemin qu’elle a choisi d’emprunter. Surtout pas si ça lui permet d’obtenir l’existence qu’elle souhaite. Après plus de quarante ans de lutte, ne l’a-t-elle pas mérité ? « Personne pourra te le reprocher. » Il met de côté les objections évacuées par son pragmatisme, reste en place pour digérer cette nouvelle fatalité. Tout a une fin. Et il lui apparait de plus en plus évident que la sienne se conclura dans une solitude implacable. Peut-être que ça vaudra mieux pour tout le monde, qu'il s'éteigne sans témoins, sans plus de reproches et sans plus de culpabilité.
Beth. Juste Beth. Il n'y a guère que sa mère pour s'obstiner à aligner toutes les syllabes, les rares fois où elles se parlent, dans un besoin d'autorité un peu burlesque, de solennité ridicule.
Age : 43 ans. Une vie tout à la fois très vide et riche d'un tas de choses dont on ne se vante pas.
Adresse : Midtown. Elle a trouvé un petit appartement un peu miteux dans un immeuble effrité aux abords de la ville, qu'elle fait de son mieux pour rendre charmant - une entreprise que sa fibre artistique rend assez florissante malgré les murs ébréchés et les températures accablantes.
Labeur : Girouette. Elle assiste depuis deux ans un vieil horloger qui perd la vue, dans une minuscule et irréductible boutique au milieu des magasins d'électronique.
Coeur : Célibataire. Les restrictions sanitaires de Beth ne facilitent pas les rencontres ; le pathétisme confondant de sa vie n'aide pas les conversations badines. Elle garde de toute manière de son mariage une angoisse cuisante à l'idée d'inviter un homme dans son cadre intime.
Berceau : Clifton. Comme des milliers d'autres, le monde de Beth est extrêmement petit, réduit au décor de théâtre de quelques pièces tournantes.
Tu ne parles qu'une langue, aucun mot déçu
Celle qui fait de toi mon autre, l’être reconnu
Il n'y a rien à comprendre
Et que passe l'intrus
Qui n'en pourra rien attendre
Du ciel dévale
Un désir qui nous emballe
Pour demain nos enfants pâles
Un mieux, un rêve, un cheval
Et chaque fois, les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour
L'oeil avisé de Beth voit les signes d'effritement (pas d'effondrement, parfois Beth se dit que Tig mourra avant de s'effondrer, et cette pensée qui force l'admiration chez d'autres la cuit d'angoisse) dès les semences d'une très vague hypothèse égrainée. Peut-être. Pas tout de suite. Elle en regrette évidemment la moindre syllabes et s'en dédit aussitôt, comme un enfant retirerait sa main après avoir appris dans la douleur que la chose touchée n'était pas sécure. Il faut peut-être reconsidérer cette stratégie gémellaire sempiternelle de l'omission pour épargner l'autre : peut-être que Beth n'a pas bien rendu justice à ses vertus. Que l'exercice d'honnêteté est décidément difficile ; les bonnes morales ne le disent jamais, ceci, que les vérités vivent de leur temps et de leur espace, qu'elles sont des entités dangereuses et instables à manipuler dans de grandes précautions pour en tirer les bénéfices. Les maigres leçons trop lapidaires, apprises partiellement par les voies extérieures au milieu des carences intrinsèques, ne rendent pas compte de la frugalité du langage, de ce que l'on se fait du mal à résumer en petits mots partiels les romans fleuves et conceptuels de nos désirs. Ce désir là que nourrit Beth, moins pour l'exotisme résolutif d'un ailleurs que pour le soulagement de l'ici, simplement de ne plus subir les réalités de son espace sans pouvoir rien faire (et qui la suivront sans doute où qu'elle aille). A voir ainsi Tig s'affaisser bien physiquement sur le premier siège venue, elle se saigne les gencives pour ne pas lui jurer de rester à jamais, de rester et souffrir même si rien ne changeait, si personne autour d'elle ne faisait l'effort de les sortir du martyre.
La question de Tig recentre Beth au nombril de ses propres plaies, lui faisant un peu oublier l'état de son frère. Ce n'est pas par lâcheté mais par brûlure qu'elle trouve le mutisme d'un regard fuyant pour unique réponse. La question du tors qu'elle cause à sa propre chair du simple fait de sa respiration est bien ce martyre qu'un simple élan de survie primitive la fait envisager de fuir, souvent. C'est un bain bouillant de souffrance dans lequel elle ne peut s'immerger que dans des circonstances particulières de sérénité, après que de longues paroles méditatives l'ont amenée à ignorer la douleur. Et même alors, après ces séances, il lui faut plusieurs jours pour ne plus sentir ses peaux échaudées la tenir éveillée la nuit. Le verbaliser maintenant, au milieu de l'angoisse et de la dévastation, lui semble assez violent pour la faire s'écrouler raide comme un bâton de cire. Déjà, la seule conceptualisation prudente la brûle et la tord, la pensée fugace d'arroser la plaie d'une rasade dans le gosier lui traverse le ventre pour disparaître aussitôt, comme un éclair dans une nuit d'encre. Beth sent la solidité relative de ses dernières postures s'effriter peu à peu sous le poids des sujets difficiles, comme si ses jambes perdaient des morceaux de porcelaine un à un, la menaçant d'écroulement, elle qui est plus douée pour la chose que son frère. Une grosse pogne s'est mise à lui serrer le cœur, la prise se referme d'autant mieux que Tig omet encore et toujours - cette fois-ci, carrément de confirmer vouloir vivre.
Les mots sont facétieux : pour tous ceux qui font mal quand ils sont dits il y a un double, plus maléfique encore, celui qui existe et cause ses tourments à force de ne pas le dire.
Les questions sans réponse se cumulent depuis la première étreinte, le petits pas vers lui rapprochent Beth de son Autre comme du pied d'un arc-en-ciel. Elle se sent frappée avec une clarté limpide et fulgurante par la pensée de la mort, tout à coup : celle qui planait en petits non-dits pudiques (en suppliques inconscientes et timides à vieillir avec elle) pour mieux fondre comme un rapace et l'assommer de toute sa puissance. Ca la cloue au sol, Beth, évident et vrai comme une révélation divine : son frère chemine vers sa mort et sa mort est d'autant plus proche qu'il n'a pas envie de vivre. Ils y vont tous.
Je t'abandonnerai pas Tig. certifie-t-elle, le souffle déjà un peu coupé par cette pogne qui s'obstine à ne pas lui lâcher la poitrine. Mais je pense. Beth essaye de garder sa composition, chemine avec obstination dans son exercice de stabilité, de transparence. La chose lui semble pourtant tout à coup bien vaine, obscure et bancale. Ca remue trop fort et le fil de ses pensées se bouscule ; en plus d'être bien maigres, les mots commencent à lui paraître flous, cachés, insensés et difficiles. Je pense pas que la distance à laquelle je me trouve fasse une grande différence. Pour lui. La précision vient avec un retard éloquent ; c'est pourtant bien ce qu'elle essayait de dire. Elle ne sait plus. Ca remue trop fort et ça se bouscule. Les images de cette nuit terrible s'invitent, d'autres plus anciennes et malvenues s'ajoutent sans invitation ni préavis. Tout ce que Beth cherchait à contenir veut vomir hors de sa bouche mais les mots n'ont plus assez de sens pour s'articuler entre ses lèvres. Elle n'a jamais connu un tel état sans le résoudre par l'alcool et se sent noyée sous un sentiment accablant d'intolérable. Quand Tig s'affaisse sur son siège, Beth elle, s'agite de plus belle. Elle a les mains qui tremblent et des sanglots à gerber plein la poitrine, à défaut des mots et de leur sens. Tu vois bien où j'étais, ces dernières vingt-quatre heures. Mon fils a pris une balle, et c'est à peine si j'ai été mise au courant. Il va suivre Austin en prison. Et toi tu... Toi aussi tu refuses mon aide. Toi tu veux mourir. Les évènements s'emmêlent, la gravité des choses l'emporte comme une vague : la réalisation qu'une tornade aurait pu les tuer, qu'une balle aurait pu emporter son fils, que tous les trains vont s'accidenter dans la seconde et qu'elle va les regarder depuis son quai de gare. Beth respire terriblement mal, entre deux sanglots compulsifs, désormais. Faut arrêter de faire ça. Faut arrêter de m'obliger à vous regarder mourir. L'angoisse dramatise des choses dramatiques, la laisse pantoise et désarticulée face à une véritable sensation de cataclysme. Elle a le sentiment d'implorer Dieu contre un destin irrévocable. Elle en lâche un borborygme de larmes, un ras de marée d'angoisse de la mort après une nuit entière à en fuir l'idée pour tenir. Je veux pas te voir mourir.
I know you have a little life in you yet, I know you have a lot of strength left. I should be crying, but I just can't let it show. I should be hoping, but I can't stop thinking of all the things I should've said that were never said, all the things we should've done that we never did. All the things that you needed from me. All the things that you wanted for me. All the things that I should've given but I didn't. Oh, darling, make it go away. Just make it go away now