among us | ft. Janis

Ce n’est pas qu’elle y croit forcément, mais disons plutôt qu’elle doute. C’est pas possible que l’Humain soit seul dans l’univers. C’est trop grand pour que ça soit si peu peuplé. Elle avait toujours gardé cette pensée dans un coin de sa tête sans jamais véritablement prendre le temps d’y penser jusqu’à ce que Clifton devienne le point de ralliement des ovniologues de tout le pays. Il avait suffi d’échanger quelques mots avec des passionnés pour qu’elle et ses comparses du trailer park s’enfoncent dans un trou de lapin. Elle était devenue aussi folle qu’eux.  

Ces derniers jours, ils avaient multiplié les allers-retours entre le trailer park et le désert avec le camping-car incroyablement spacieux de celui qu’on surnommait Prophet. Il démarrait parfois en trombe en manquant de renverser les poubelles qui bordaient les mobile-homes et les habitations aux alentours tandis que ses passagers exultaient de joie les fenêtres grandes ouvertes en jurant qu’ils avaient trouvé le spot parfait avec une vue imprenable sur le ciel qui dissimulait potentiellement un visiteur de l’espace. Une semaine chargée, donc.  

Un samedi soir après avoir fait la bringue, les bras chargés d’un sac en toile déchiré au niveau du coin droit, Janet s'approche chancelante d’une maison qu’elle identifie mal, à la fois parce qu’il fait nuit, mais aussi et surtout parce qu’elle est bien imbibée. Son état altéré et son excitation permanente de ces derniers jours l’empêchent complètement de réaliser qu’elle frappe à la mauvaise porte à 23h32. Ou alors peut-être est-ce le destin ? Fallait-il qu'elle se rende ici ce soir parce qu’elle s’était blessé, l'impétueuse Janet ? Elle avait la pommette gauche légèrement ouverte.  

Le sourire aux lèvres, Janet sort du sac un petit télescope qu’elle tend à la personne qui ouvre la porte. « Yo dude, sorry we stole your tescel... your tespelo... your thing. We tried to see aliens, but we only saw stars, that sucked. » « Yo mec, pardon d'avoir volé ton téscel... ton tespélo... ton truc. On voulait voir des aliens, mais on a vu que des étoiles, c'était nul. » dit-elle en levant la tête. Surprise, son visage semble fondre. C’est pas un gars, c’est une femme. C’est, parait-il, une toubib qui est là depuis pas si longtemps. C’est ce qu’on dit dans le coin. « Oh shit. Sorry babe, I got the wrong adress « Oh merde. Pardon poulette, je me suis trompé d'adresse, s’excuse-t-elle toute penaude en rangeant l’objet dans son sac. Say, you wouldn’t know where I could find a guy who’s missing a telsec... A telescope! We... stole... borrowed it a few days ago, he might want to get it back... »Dis, tu saurais pas où j'peux trouver un mec à qui il manque un télsec... Un télescope ! On l'a volé... emprunté il y a quelque jours, il a peut-être envie de le retrouver... » explique-t-elle en passant doucement ses doigts sur sa pommette. C’est seulement maintenant qu’elle remarque qu’elle est blessée.  

Faudrait faire soigner ça.  


avec @Janis Durden

Un énorme joint d’herbe coincé entre les lèvres, le balai dans une main et une canette de coca-cola cherry dans l’autre, Janis ondule souplement dans le salon délabré de la petite maison de son père en faisant des petits nuage de poussière en s'époumonant du gosier pour accompagner la voix de David Bowie qui raconte la sombre histoire d’un homme qui a voulu voir trop grand, trop loin et trop longtemps. Perdu dans l’espace sans aucun moyen de rentrer chez lui, le major Tom dérive à des années-lumière d’une planète qu'il regarde disparaître de son champ de vision, impuissant. L’histoire a toujours profondément remué la femme dont la gorge se noue toujours sur le dernier couplet. Elle se laisse alors envahir par cette étrange mélancolie pour une histoire qu’elle ne comprend pas vraiment. Elle s’y retrouve, dans ce sentiment de dérive, cette vision brouillée d’un foyer qu’elle ne peut plus rattraper, cette absence de contrôle totale, au final, cette sensation de perdre le fil à des années-lumière de sa vie…
Il y a quelque chose de réconfortant à pleurer l’histoire d’un autre pour camoufler ses propres larmes.

Peut-être est-ce à cause de la folie qui semble avoir pris d’assaut la petite ville sans histoire, ou peut-être s’agit-il de sa conscience qui ne trouve plus le repos dans la froide absence de Wilma qui se fait trop attendre… Mais la cause n’a que peu d’importance quand la frénésie prend le pas sur le bon sens, et les cernes qui soulignent profondément le regard bicolore de Janis en sont témoins, il n’y a plus rien de sensé dans le foyer qui sent le dispensaire ou la chambre d’adolescent.
Elle se sent seule Janis, dans cette maison trop vide qui abrite plus de fantômes qu’un cimetière, hantée par les souvenirs d’une vie qu’elle ne sait plus comment oublier à nouveau. Elle a pensé à adopter un chat, mais l’animal s’est fait la malle dès le premier soir, déçue, elle n’a pas osé retenter l'expérience. Peut-être l’animal reviendra-t-il, qui sait ?

Elle sursaute quand on vient frapper à sa porte, surprise par l'impromptue visite, et c’est avec une grande méfiance qu’elle ouvre le verrou, un glock serré dans la main qu’elle cache derrière son dos. L’arme a quelque chose de rassurant, l’assurance de quelque chose, le geste serait bien inutile si le passé finissait par la rattraper pourtant, mais elle a beau le savoir, elle n’arrive jamais à abandonner l’arme quand elle ouvre cette porte sur le monde et sa folie qui l’attend de l’autre côté.
Elle est surprise de découvrir l'inconnue qui lui sourit sur le perron, les yeux vitreux, les dreadlocks en désordre, les propos incompréhensibles. Le blunt toujours enfoncé entre les dents, Janis dévisage la jeune femme sans comprendre, son regard s’arrête sur la pommette meurtrie, le sang sur la joue. shit. « Oh doll, i am way too high for that shit right now, but you’re bleeding out on my doorstep sweetie, why don’t you come in and let me look at this, you can tell your tale whil i patch you up yes ? just grab a chair, and no funny business alright, i’m armed and believe me you don’t want to know how well i aim, alright doll ?» « Oh poupée, je suis vraiment beaucoup trop défoncée pour ces conneries maintenant, mais tu tu vide de ton sang sur le pas de ma porte ma chérie, pourquoi n'entrerais-tu pas que j'y jette un oeil, tu pourrais me raconter tes histoires pendant que je te raccommode oui ? attrape une chaise, et ne fais pas n'importe quoi d'accorde, je susi armée et crois moi tu n'as vraiment pas envie de vérifier à quel point je peux viser, d'accord poupée ?» Les mots coulent d’une voix douce qui jure avec l’arme de poing qu’elle agite devant le nez de la petite brune en lui faisant signe de la suivre à l'interieur.


avec @Janet Stepanoff

C’est carrément la honte de se planter de cette manière, taper à la mauvaise porte quoi. Tout de suite, elle s’imagine le scénario où elle tombe sur une personne malintentionnée -parce qu’il y en a quand même pas mal dans le coin- et qu’elle doive se défendre... Jax lui dira encore qu’elle aurait dû acheter un spray au poivre plutôt que d’utiliser ses petits poings féroces. Heureusement pour elle, elle a de la chance. Pour une fois. La femme en face d’elle est de toute façon trop défoncée pour être belliqueuse. « Nice! Wait, I’m bleeding? That’s not makeup then... » « Super ! Attends, je saigne ? C'est pas du maquillage alors... » dit Janet en acceptant avec joie l’invitation.  

À l’intérieur, ça sent encore le renfermé, mais elle a l’habitude. Vite fait, elle s’imagine le décor d’une maison de film d’horreur. En espérant qu’elle ne soit pas la victime d’un piège vicieux. « I don’t intend to do funny business as you say... But I’m funny, most of the time. I think... » « J'ai pas l'intention de faire n'importe quoi comme tu dis. Mais je suis marrante. Je crois (Jeu de mot intraduisible -_-)... »
marmonne-t-elle en laissant traîner sa main sur les murs anciens tout en scrutant l’intérieur de la baraque comme si elle se trouvait dans un musée.  

Dans le quartier et dans le trailer park, on parle de cette femme comme une toubib et c’est peut-être bien vrai comme elle n’a pas hésité pas une seule seconde à soigner la blessure de Janet. Mince, un docteur aussi près de chez elle, c’est que ça pourrait être relativement pratique. Elle qui préfère éviter les zones trop peuplées, qui n’aime pas devoir expliquer d’où vient telle ou telle blessure à l’hôpital... Ça lui vaut toujours des ennuis ça... De la même manière qu’elle préfère directement voir avec le détective Jackson pour ce qui est police et justice, elle pourrait se servir de cette fille pour se faire soigner en toute discrétion.  

Se servir des gens... Quelle pensée honteuse.

Janet se laisse tomber sur un fauteuil sale, passe de nouveau sa main sur sa joue. Ouais ça saigne un peu quand même. Elle n’a pas mal. « I’m uuhhhh... I’m a bit drunk. And you’re high. Nice... » « J'suis euuuuh. Je suis un peu bourrée. Et toi t'es défoncée. Cool. »  dit-elle tandis que son hôte réapparaît avec une petite mallette entre les mains. L’histoire du vol du télescope devient immédiatement inintéressante, maintenant, Janet veut tout savoir sur cette fille : qui est-elle, d’où vient-elle ? L'histoire du télescope, ça attendra demain pour essayer de le restituer à son propriétaire. « We... borrowed a telescope with some friends... I wanted to bring it back. I thought it was his home... Must be one of your neighbor... I can’t remember. I remember the sky and the stars... balbutie-t-elle. Do you believe in aliens? Last week, I didn’t. Now... now I'm not so sure...  » « On a... emprunté un télescope avec des amis. Je voulais le ramener. Je pensais que c'était sa maison... Ça doit être un de tes voisins... Me souviens pas. Je me souviens du ciel et des étoiles... balbutie-t-elle. Tu crois aux aliens ? Moi la semaine dernière, non. Mais maintenant, je suis plus trop certaine...»

Moulin à paroles. Elle est de bonne humeur.  


avec @Janis Durden